Jean-Baptiste le plus grand des prophètes
Pour comprendre l’ensemble de cette approche du ministère de Jean-Baptiste, il faut d’abord en resituer le contexte historique et le climat religieux de son temps. Le peuple, privé de ses chefs, privé de liberté politique, souillé par la présence des impies, attendait l’heure où cette inacceptable promiscuité prendrait fin, et ce jour-là, le Seigneur terrasserait ses ennemis et serait reconnu roi par la terre entière.Cette attente du Royaume proche enfiévrait, au 1er siècle, l’ensemble du judaïsme. Elle conduisait soit à un dégoût du monde et au repli sur une spiritualité intérieure, soit à l’inverse chez les zélotes, à un activisme, en l’occurrence la guérilla anti-romaine.
C’est en ce temps là que parut Jean-Baptiste, prêchant dans le désert de Judée…
- Contexte historique, l’attente de tous
Pour mieux comprendre l’ensemble de cette approche du ministère de Jean-Baptiste et par conséquent celui de Jésus lui-même, il faut d’abord en resituer le contexte historique et le climat religieux.
Il est parfaitement exact que, dans les milieux apocalyptiques le sentiment de contradiction entre la royauté de Dieu concrétisée par le don de l’Alliance et la situation d’Israël était exacerbé.
Le peuple, privé de ses chefs, privé de liberté politique, souillé par la présence des impies, attendait l’heure où cette inacceptable promiscuité prendrait fin, et ce jour-là, le Seigneur terrasserait ses ennemis et serait reconnu roi par la terre entière. Ce jour du triomphe de Dieu, ce jour était attendu dans l’immédiat par les milieux apocalyptiques, sûrs d’être parmi les élus. Il était attendu comme un événement cosmique, et dans un esprit de terreur délicieuse où se mêlaient à la fois la haine de l’occupant romain, le fanatisme d’un peuple humilié et l’allégresse à la perspective du triomphe de Dieu.
Mais, l’attente de Dieu pour bientôt n’était pas une spécialité apocalyptique ; l’attente du Royaume proche était poussée là-bas jusqu’à l’incandescence, elle enfiévrait en réalité, au 1er siècle, l’ensemble du judaïsme ; les pharisiens aussi la partageaient. D’ailleurs, chez les apocalypticiens, l’attente vive conduisait à un dégoût du monde et au repli sur une spiritualité intérieure. Chez les zélotes, à l’inverse, la conviction que la Royauté de Dieu ne tolère aucun autre pouvoir se traduisait par un activisme, en l’occurrence la guérilla anti-romaine.
- La prédication de Jean-Baptiste
Il est difficile de reconstituer la prédication de Jean. Les évangiles synoptiques ne livrent que des bribes de sa parole tranchante, axée sur la venue du jugement (Mt 3/7-12 ; Lc 3/7-17 ; Mc 1/7-8). Déjà la hache est posée à la racine des arbres; tout arbre qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu (Mt 3/10). Jean est le messager de la colère de Dieu. Son retrait au désert vise à rassembler les pénitents, mis à l’abri de la fureur de Dieu pour former le peuple du salut.
Reprenant les thèmes prophétiques d’un Amos et d’un Joël, il dresse sa protestation indignée contre les péchés de son peuple, contre les illusions nationalistes d’un salut obtenu par la descendance d’Abraham (Luc 3/8). Il n’a d’égard à aucune condition ou situation et condamne avec une particulière violence les pharisiens et les sadducéens, qu’il menace de la colère à venir. Il les apostrophe sans ménagement : Engeance de vipères, qui vous a montré comment échapper à la colère qui vient ? (Mt 3/7).
Le fond de son enseignement consiste dans l’annonce du jugement prochain qui prononcera l’anéantissement des pécheurs. A la différence radicale des apocalypticiens de son temps, il ne considère pas le jour redoutable qui s’annonce comme la restauration d’Israël opprimé, mais comme l’exécution implacable de la justice divine s’exerçant sur toute l’humanité.
Son messianisme ne ressemble en rien à celui des zélotes ; il est tout vibrant de la plus haute passion éthique. La proximité de ce jugement doit produire au fond des consciences la repentance par laquelle seule peut être obtenu le salut ; repentance qui n’est pas vague effusion du cœur, mais choix d’une vie renouvelée, décision de la volonté. Jean veut provoquer l’angoisse salutaire qui fera « produire des fruits dignes d’une vraie repentance » (Lc 3/8).
- Impact de cette prédication
A l’ouïe de cet appel, qui faisait écho par-dessus les siècles à la voix des derniers prophètes, la foule accourt, immense, de Judée et de Pérée et même de Galilée ; toutes les classes sociales sont représentées dans l’auditoire qui se presse aux environs du Jourdain ; même, soit pour l’observer, soit peut-être poussés par une émotion sincère, des pharisiens et des sadducéens se joignent à la foule des péagers, des soldats, de tous les pèlerins venus des champs et des villes. A chacun, des instructions particulières sont données pour l’exécution de ses devoirs particuliers (Lc 3/10-14).
Jean ne se borne pas à exhorter et à reprendre : il agit surtout par sa parole, sans faire de miracles (Jn 10/41). Il exige des actes immédiats : notamment la confession des péchés et le baptême (Mt. 3/8).
Jean ne s’est pas considéré seulement comme le prédicateur de la repentance, il s’est donné lui-même comme précurseur du Messie et c’est sur ce rôle que la tradition chrétienne, à la suite des évangiles, a primordialement insisté. Nous y reviendrons à propos des relations de Jean-Baptiste et de Jésus.
- Fin du Baptiste
La carrière publique de Jean fut tôt interrompue par Hérode Antipas. Celui-ci, craignant de voir l’immense mouvement religieux suscité par le prophète du désert dégénérer en mouvement politique (quoique rien dans la prédication du Baptiste ne révélât des intentions temporelles), blessé aussi par la critique, publique ou privée, infligée à sa conduite adultère, fit arrêter Jean et, après une captivité que les Synoptiques nous présentent comme relativement douce – le prisonnier pouvait recevoir ses disciples et par eux entretenir des relations avec l’extérieur (Lc. 7/18) – ordonna sa décapitation à la requête d’Hérodiade (Mc 6/17-20, Mt. I4/1-12 ; Luc 9/7-9).
Mais la renommée de Jean-Baptiste lui survécut. Son exécuteur lui-même, qui toujours avait subi son ascendant moral et spirituel (Mc 6/20) se demande après sa mort avec inquiétude si Jésus ne serait pas Jean ressuscité (Mt. I4/2). Les auditeurs du Christ entendent celui-ci rendre témoignage à plusieurs reprises au prophète du désert. La foule lui reste si fidèle que les autorités juives n’osent, devant elle, s’attaquer à sa réputation (Mt. 21/23-27). Ses disciples, qu’il paraît avoir organisés fortement, leur enseignant des prières et des pratiques (Luc 5/33, 11/1 ; Mt. 9/14), ont continué son influence. Très jaloux de l’école religieuse à laquelle ils appartenaient, ils se sont souvent heurtés aux disciples de Jésus et beaucoup sont demeurés groupés en petites communautés fermées, même après le premier développement de l’Église chrétienne. Toutefois, dès le début, plusieurs ont quitté le précurseur pour s’attacher à Jésus : tels Pierre et André, d’après Jean 1/35. Le fait a dû sans doute se reproduire par la suite.
Progressivement, cependant, une grande partie de ces groupes se sont perdus dans les sectes gnostiques plus ou moins apparentées aux derniers débris du judéo-christianisme ; ce n’est que sous une forme complètement altérée que le baptême peut avoir été – et encore n’est-il pas certain qu’il l’ait été – un des facteurs de la genèse du{overlib linktext= »mandéisme » text= »Mandéens : encore aujourd hui aux environs de Bassora, nommés parfois chrétiens de St Jean. Le baptême joue un grand rôle chez eux et Jean Baptiste y est en grand honneur. Seule religion à caractère essentiellement syncrétiste, dérivée de l ancienne gnose qui se soit maintenue à travers les siècles jusqu à nos jours. La gnose mandéenne présente de curieux rapports avec les écrits tels que les Odes de Salomon et surtout avec la littérature johannique du NT. »} (M. Goguel).
Suite de cet article : II – Relations entre Jean-Baptiste et Jésus
Crédit Nicole Vernet – Point KT