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Voici des mages venus d’Orient

portrait de magesTout commence avec beaucoup de certitudes, chez Matthieu.
Le premier chapitre ne nous présente t’il pas une généalogie inattaquable pour introduire la naissance de Jésus, déjà Christ et conçu du Saint-Esprit ?
Que de foi, que d’affirmations, que de convictions !
Ah, comme tout aurait été plus simple sans le chapitre deux …

Au chapitre deux, d’emblée, toute cette stabilité est fichue par terre par des mages venus d’Orient, des étrangers, des imprévus, avec leur question stupide : « Où est le roi des juifs ? » Z’auraient pas pu chercher en silence, z’auraient pas pu être plus discrets, non !?! …

Nous sommes-nous déjà interrogés pour savoir comment nous lirions les évangiles aujourd’hui sans ce passage délicat et cette allusion unique aux mages venus d’Orient ?
Au centre ‘géographique’ du texte de 12 versets, à la fin du verset 6, se trouvent les mots « Israël, mon peuple », paroles de Dieu dans la bouche du prophète Michée (5 :1). Sans doute l’un des enjeux du texte, en contrepoids avec les origines orientales des mages et le pouvoir donné par Rome à Hérode.

Avant cette allusion centrale à Israël, peuple élu par Dieu, il est question à chaque phrase d’un roi, d’un messie, d’un chef…
Après, c’est le mot « enfant » qui ponctue presque tous les versets. L’humble incarnation, peut-être l’un des enjeux du texte…

Dans les deux cas, que ce soit au roi ou à l’enfant, il s’agit de lui rendre hommage, par trois fois. A l’évidence, un enjeu de plus dans ce texte.

Les mages, venus de l’est, des contrées païennes, nous sont présentés toujours en mouvement. Quand ils se croient presque arrivés, il leur faut encore marcher trois ou quatre heures ; et quand ils sont enfin à destination, il leur faut repartir par un autre chemin !  Par contre, Hérode, tous les grands prêtres et tous les scribes du peuple, tous ceux là qui sont sensés savoir, qui sont sensés y croire… Que font-ils ? Eh bien, ils restent sur place, ils se cantonnent à Jérusalem et surtout ne bougent pas ! Mouvement ou immobilisme, serait-ce là l’un des multiples enjeux du texte ?

Les connaissances des prêtres génèrent chez eux la peur et la passivité : ils lisent les Ecritures, certes, mais sans faire attention aux signes présents. Alors que la science des mages, attentifs à l’astre conducteur et enrichis des Ecritures, leur fait découvrir un monde nouveau. L’un des enjeux du texte, encore ?

Nul doute qu’armés de crayons de couleurs et de quelques photocopies du texte en grec et dans différentes traductions françaises, nous pourrions jouer des heures avec les mots et les messages contenus dans cet épisode. Vous connaissez peut-être cette technique dite « narrative1» qui découvre les trésors laissés dans les mots par les auteurs bibliques ? Car il s’agit bien, dans certains textes, comme dans ce chapitre deux de Matthieu, d’un trésor: un véritable travail d’orfèvrerie littéraire !

Notre texte, posé en équilibre sur le point central « Israël, mon peuple », nous présente deux attitudes bien différentes : celle du verset trois (trois versets après le début) où Hérode est troublé, et tout Jérusalem avec lui, … et celle du verset dix (trois versets avant la fin ! Hasard, vraiment ?) qui nous décrit la très grande joie des mages à la vue de l’astre…

En ces temps d’Epiphanie2 , l’évangéliste nous interpelle: à qui nous identifierons-nous ?
Serons-nous troublés et cloués au sol par nos certitudes ou emportés vers de nouveaux horizons par la joie de la découverte ?
Et derrière quelle sorte de chef irons-nous paître ? Sommes-nous prêts à suivre l’humble enfant de la crèche ?
Pointkt nous invite à nous joindre à la troupe des mages curieux ! Vite, vite, en route, il est grand temps, car Jésus nous attend…!

1  A découvrir par exemple, dans Les cahiers évangile n°107 : « L’analyse narrative » Editions du Cerf.
2  Épiphanie : apparition, manifestation.

Crédit : Patrick Baudet, Copyright  Illustration Jean-Marc Vercruysse Arras, rue de la Taillerie, XVII sc. Colloque Graphé 2010