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Porter le « différent » jusqu’à nous !

Comment  « apprivoiser  » un enfant « différent » à cause de son handicap dans un groupe, comment s’apprivoiser les uns les autres ? En tant que catéchète, animateur, animatrice d’école du dimanche ou de Club biblique, nous pouvons être confronté à l’arrivée d’un enfant différent ou handicapé dans notre groupe. Que faire ? Comment s’y préparer et comment préparer l’accueil avec les autres enfants ? Imaginez une voix sous le pommier, un renard et un petit prince nous invitent à la rencontre.

  •  Une voix sous le pommier

« Bonjour », dit le renard.
« Bonjour », répondit poliment le Petit Prince.
« Je suis là », dit la voix « sous le pommier » (dans le terrier ?)

« Qui es-tu ? » dit le Petit Prince.
« Je suis un renard », dit le renard.

Jouez cette scène dans vos écoles du dimanche. Jouez à imaginer que la voix qu’on entend est celle d’un enfant différent. La voix d’un enfant en situation de handicap…
Qui es-tu ? Demandez-le lui et, s’il ne peut pas répondre, sa sœur, ses parents ou son copain répondront pour lui, seront son interprète. Peut-être vous faudra-t-il aller le chercher dans son terrier si personne ne l’a emmené sous le pommier. Et peut-être n’aura-t-il pas envie de venir…

« Viens jouer avec moi », proposa le Petit Prince.
« Je ne peux pas jouer avec toi, je ne suis pas apprivoisé », répondit le renard.

Si vous continuez encore à faire vivre la scène aux enfants de votre groupe, il y aura peut-être un doute. Qui donc est celui qui invite au jeu ? Qui a besoin d’être apprivoisé ?
Souvent le catéchète a peur de dire oui à l’arrivée d’un enfant différent dans son groupe. Parce qu’il n’est pas formé. Parce qu’il ne sait pas comment faire. Parce qu’il ne veut pas mal faire. Et parce qu’il a peur de faire mal.

Mais la formation vient après la rencontre. La rencontre est toujours première. Et même si elle est parfois maladroite, elle ne peut pas faire mal.
Ce qui fait mal, c’est le rejet ou l’indifférence.
Un de mes formateurs racontait cette histoire. Elle se passe dans des contrées reculées ou peut-être dans nos têtes.

« De loin j’aperçus une bête, un monstre. J’étais effrayé et intrigué à la fois.
En m’approchant, en y mettant le temps, je vis que c’était un homme.
Et en venant plus près de lui, j’ai découvert que c’était un frère. »

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  •  Apprivoiser, c’est créer des liens

 La création de liens avec l’autre est une question de distance. Nous restons si loin, trop loin pour entendre, sourds au bonjour sous le pommier. Trop loin pour reconnaître le semblable. Nous ne voyons que la différence. Un jour nous serons face, non pas aux enfants handicapés, mais à Marie ou Paul ou Jean, porteurs d’un handicap. Alors seulement les choses bougent, je découvre un frère…

Un frère est un alter ego. Un autre comme moi. Un frère peut dire non. Je dois faire attention de ne pas le confondre avec moi. Je suis tentée de me substituer à lui, de parler à sa place, de savoir pour lui. J’ai à trouver des moyens pour que sa parole advienne. Et là certainement j’aurai besoin de formation.

  • Le renard et le Petit Prince proposent des pistes
D’ailleurs si nous continuons à jouer avec les mots du Petit Prince et du renard, ils nous donneront des pistes.
« Que faut-il faire », demanda le Petit Prince ?
« Il faut être très patient.
Tu t’assoiras d’abord un peu loin de moi, comme ça, dans l’herbe.
Chaque jour tu pourras t’asseoir un peu plus près… »

Le lendemain le Petit Prince revint.
« Il aurait mieux valu revenir à la même heure. Si tu viens n’importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m’habiller le cœur… Il faut des rites… »
  • Il faut des rites

Le rite est quelque chose de très important, de très rassurant pour une personne déficiente mentale ou bien autiste. Dans nos séances, il est facile de faire attention à ce que des éléments se répètent : l’accueil, le bonjour personnalisé, des déplacements à l’intérieur du lieu, un temps de silence, un partage de nourriture… Une telle démarche permet l’intégration dans le groupe. Nous chercherons simplement à lui faire une place pour vivre tel qu’il est, unique comme chacun des autres membres du groupe.
Grâce à vous, cet enfant-là, dans cette situation-là, dans votre groupe biblique ou dans votre cour de récré ne sera plus handicapé. Zachée n’était pas handicapé par sa petite taille puisqu’un arbre lui avait permis de voir Jésus. Le paralysé au bord de la piscine n’était plus handicapé puisque quatre porteurs lui ont donné l’occasion d’être premier.

  • Être des porteurs…

Essayons donc d’être l’arbre pour que les plus petits aperçoivent Jésus. Soyons les porteurs pour que les derniers soient les premiers. Mais aussi donnons-leur (à tous ceux qui sont différents) l’occasion d’être notre arbre ou notre porteur.
Et n’oublions pas: « Nous devenons responsables pour toujours de ceux que nous avons apprivoisé. »
Laissons-nous apprivoiser et ils seront responsables de nous pour toujours.

Merci à Saint Ex, et à tous ceux qui ont été mes formateurs…

Martine Leonhart
PointKT n° 43 sept. oct. nov. 2003