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Prédication de confirmation-Pentecôte

Chers amis, J’ai une bonne nouvelle, et une mauvaise nouvelle… La mauvaise me concerne, la bonne est pour les 4 jeunes gens réunis à ma gauche… La mauvaise pour moi, c’est que j’ai vieilli, et comme on dit souvent que l’on croit en sagesse au fil des années, eh bien il se trouve qu’aujourd’hui, et malgré leurs craintes, je ne dirai rien de négatif quant aux années que je viens de passer avec ces confirmands…

J’avoue avec contrition que je le faisais depuis quelques années, pour les autres, mais eux peuvent être tranquilles… Je promets que je ne dirai rien à leurs parents des mes grandes souffrances, et des leurs, je ne vous dirai pas les soupirs, les yeux au ciel, les MP3 et les sms envoyés sous la table, la difficulté à murmurer alors qu’il n’est que 4h du matin, les plans déjoués pour aller retrouver les filles à minuit dans le couloir, les « tu ne crois quand même pas que je vais avaler ça ? », les « Il est pas un peu crétin, Jésus ? », ni les réticences à mettre la table, à balayer, à ranger, tout simplement, ou à ne pas mettre les pieds sur la table… Non, je ne dirai rien de tout cela… (aux confirmands) J’espère que vous en êtes soulagés et que vous m’en remercierez !

Je vous dirai seulement que nous avons quand même et surtout vécu des bons moments… En tout cas moi… Il me semble, que souvent, même s’il vous est arrivé de trouver que la Bible parlait un peu trop de Dieu, ça je n’y peux rien, nous avons su nous entendre et nous comprendre, avec même une certaine complicité, et qu’alors, vous avez su être francs dans nos échanges, et que nos discussions nous ont nourris les uns les autres… Nous n’avons pas toujours été d’accord, et cela était tant mieux…

Car il me semble que c’est bien le but du KT que de vous amener à réfléchir par vous-mêmes, avec les bases et connaissances nécessaires qui nous permettent alors d’agiter vos neurones et de faire en sorte que ces bases là vous servent au-dehors d’une salle de KT, ou d’un temple, de faire en sorte que cela vous serve à avoir un certain regard sur le monde, et une certaine façon de vous comporter en son sein et d’y évoluer

Il y a deux ou trois semaines, j’étais à table avec mes deux filles, je ne sais plus de quoi on parlait, et mon aîné, qui a sept ans, m’a posé une question à priori curieuse, mais finalement très juste : « et toi, maman, m’a-t-elle demandé, t’as décidé d’être adulte à quel âge ? ». Sommée de lui répondre dans l’instant, je lui ai dit qu’à mon avis, on décidait de devenir adulte lorsque l’on devenait responsable de quelqu’un d’autre, donc qu’en fait, pour moi, cela avait été lorsque je l’avais tenue dans mes bras pour la première fois et que je lui ai promis de prendre soin d’elle… Cela, sans doute, vaut pour la vie personnelle…

Il y a ensuite bien sûr l’adulte selon la loi, donc 18 ans pour les jeunes gens d’aujourd’hui, ou d’autres âges suivant les pays…

Et puis encore, il y a l’adulte selon la foi… Autrefois, la confirmation faisait acte de cela, elle faisait des jeunes gens des adultes dans l’Eglise, qui avaient alors droit de prendre la Cène, et de voter lors des élections. Et de fait, vous aurez maintenant droit devoter à nos assemblées générales et pour la composition du conseil presbytéral, et personne ne pourra plus vous empêcher de venir participer à la Cène…

Ceci étant, cette expression d’adulte dans la foi ne me plaît guère… Bon, il faut dire aussi qu’auparavant, dans des temps que moi-même, malgré mon grand âge, je n’ai pas connu, on commençait à travailler bien plus tôt que maintenant, et que cela correspondait justement souvent avec l’âge de la confirmation… donc cela correspondait assez bien pour dire que partout, maintenant, vous aviez des responsabilités à assumer, et que les temps d’avant étaient révolus, comme une coupure, qu’il fallait justement maintenant se comporter en adultes… Que vous aviez appris tout ce qu’il fallait savoir, une fois pour toutes…

Alors justement, pour la foi, je ne suis pas tout à fait d’accord… Parce que adultes dans la foi, vous ne l’êtes pas… Adulte dans la foi, je ne le suis pas… Adulte dans la foi, je ne sais pas s’il y en a dans cette assemblée… En tout cas, j’espère que non… (lever la main ?) Je pense que la foi est un chemin, qu’il n’y a pas d’étapes établies, de passages obligés, de pointages intermédiaires…

J’ai connu des enfants bien plus percutants dans leur théologie balbutiante que des sommités barbues et omniscientes dans le domaine, j’ai connu des agnostiques et des athées bien plus croyants et près de Dieu que des pasteurs ou des archevêques…

La foi est une vie, une vie de glanage, une vie de rencontre avec les autres, une vie de rencontre avec Dieu, une vie justement, un chemin, justement, qui a plein de chemins, qui n’est pas fixé en un itinéraire obligatoire et fixé une fois pour toutes… Non, là, au contraire, on a le droit de flemmarder en route, on a le droit de s’arrêter en route, on a le droit de prendre des déviations, de prendre d’autres routes parce qu’elles paraissent sympas, d’accélérer quand ça nous prend, de reculer, de prendre aussi le risque de se tromper… De prendre son temps, de faire selon son rythme… Pas à pas…

En ne croyant jamais être arrivé, mais toujours en voyage… Préférer les doutes aux certitudes, préférer les questions aux dogmes, et savoir que l’on n’est pas seul en chemin, et que toujours, d’une façon ou d’une autre, essentiellement par les rencontres humaines que vous ferez, Dieu sera là, comme avec de discrets poteaux indicateurs, ce Dieu avec lequel vous saurez pouvoir dialoguer en toute liberté et intimité, quel que soit votre chemin…

Certes, vous ne le verrez jamais de visu… Vous ne l’entendrez jamais de vive voix… Et pourtant, j’espère qu’un jour, vous pourrez dire que vous l’avez souvent vu, que vous l’avez souvent entendu, au travers de regards qui vous auront fait que vous vous êtes senti exister, au travers de sourire qui vous ont envoyés, au travers de main qui vous ont aidés, au travers de lèvres qui vous auront dit des choses essentielles, ou au contraire quand vous aurez fait cela vous même pour quelqu’un, sans avoir conscience qu’à ce moment là, vous aurez été voix et visage de Dieu… Si vous savez cela, vous ne serez peut-être pas toujours adultes dans la foi, mais vous aurez compris l’essentiel, et vous trouverez que le chemin, somme toute, est très beau…

Voilà qui est dit, et c’est sans doute la dernière fois, malheureusement, que vous êtes obligés de m’écouter religieusement (sans doute, la première, aussi !!!)… Et ce sera bientôt l’obligation pour moi de vous voir quitter ce temple et entre guillemets, de vous relâcher de la nature ! Mais comme une maman qui voit enfants quitter le nid pour prendre chemin, et qui les veut pourvus pour l’aventure, je voudrais vous offrir une dernière chose utile, une dernière image, un GPS… Oh pas un vrai, déjà, ce serait trop cher pour les bourses de la paroisse, et puis bon, il n’y a pas de place sur votre vélo et vos motos à faire du bruit ! Non, un GPS de Dieu, G comme Grâce, P comme Père, S comme Sauveur…

Ce GPS là, gardez-le bien dans un coin de votre tête… C’est un plan de route pas bien difficile… Retenez vraiment cette parole d’amour que Dieu a pour vous, et la promesse de sa présence auprès de vous à chaque instant…

Mais pour le reste, je voudrais finir par un petit extrait d’un livre de poésie qui s’appelle le colloque des anges, de Marc-Alain Ouaknim :

« Les anges se tournèrent vers moi et me dirent : « enseigne-nous les secrets de l’existence humaine ! » Je souris et leur dit : « le chemin est un risque… »

Il y eut un grand silence dans la salle… Les anges me regardaient avec étonnement.

Je vis qu’ils n’avaient pas compris.

J’ajoutai : « Ne demandez jamais votre chemin à quelqu’un qui le connaît car vous ne pourriez pas vous égarer »…

Mais emmenez votre GPS, où que vous alliez… Du fond du cœur, nous vous souhaitons une bonne et belle route… Amen.