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Prédication de Pentecôte, confirmation 2011

Chers amis, que vous soyez des habitués de ces murs, ou des invités de passage, je me dois de vous prévenir, ce moment va être pénible et dur à vivre moralement pour vous tous… Car voilà, voici que nous sommes venus, en ce jour de Pentecôte, entourer « l’avenir de l’Eglise »… Je vois bien que vous aussi, cela vous rend dubitatifs… Je sais… A priori, cette brochette d’adolescents ne vous paraît pas d’un prometteur absolu quant à la vie future de nos communautés…

D’accord, le balai pour eux semblent un objet incongru venant d’un autre espace-temps, d’accord ils se cachent sous leur frange dès que l’on s’adresse à eux, d’accord ils pensent que les adultes sont comme les balais, plutôt inutiles et peu maniables, d’accord ils râlent tout le temps et n’écoutent rien, d’accord je suis sûre qu’ils ne rangent jamais leur chambre et ne savent toujours pas où est le lave-vaisselle de la maison, d’accord on peut parfois penser qu’ils ont la neurone assez peu performante lorsqu’on leur pose des questions somme toutes assez simples, du style : « ça fait 20 fois que je t’ai demandé de mettre tes chaussettes sales au panier, non ? », ou « quand est-ce que tu comptes faire tes devoirs ? », ou « combien y a-t-il d’évangiles ? »… Ben oui, il faut être honnête, ce sont des ados et oui, on le sait bien, pour l’avoir été ou pour en avoir eu, les ados, ben voilà, c’est d’une vague pénibilité sur les bords !! Même pas ceux-là en particulier, même s’ils n’échappent pas à la règle, mais en général de tout façon, ne nous voilons pas la face !

Alors oui, à penser que c’est l’avenir de l’Eglise qui est assis là, il y a de quoi se dire : « ouh là ! eh bé c’est pas gagné ! »… Pour les avoir subis quelques années, Yvonne et moi comprenons les sentiments qui vous agitent en cet instant, mais allons, ne soyez pas si durs avec ces jeunes gens !

Parce qu’après tout, ce n’est pas nouveau de penser cela ! Sérieusement, regardez les disciples dans les versets que nous avons lus dans l’évangile de Jean ! Dans le genre bande de bras cassés, on n’a jamais fait mieux depuis ! Regardez-les de nouveau, ces 5 -là, je vous assure que ce sont des flèches, à côté !

Déjà, du temps de Jésus, tout saints qu’ils aient pu être qualifiés par la suite, ils passaient leur temps à se chamailler, pour savoir qui était le plus grand, pour savoir qui aurait le droit de s’asseoir à côté de leur maître au paradis ; ils maugréaient quand on leur demandait de faire quoique ce soit ; en général ils ne comprenaient rien aux paraboles et autres propos ; ils rabrouaient les femmes et les enfants ; ils ont fui comme un seul homme quand Jésus s’est fait arrêter ; bref ils n’étaient pas bien brillants ! A mon avis, ils ont faire des catéchumènes épouvantables, bien pires que ceux-là ! Et puis évidemment, mais je n’épiloguerai pas, ils n’ont pas cru les femmes qui leur ont dit que le tombeau était vide, et que le Christ était revenu à la vie, parce qu’évidemment, on sait bien, aujourd’hui encore, que les femmes ont bien peu de propos sensés !

Bref, nos disciples, là, ils sont enfermés à double tour, barricadés dans leurs peurs, et sans doute quand même un peu aussi dans leur honte et leurs remords des jours passés, quand ils ont fui, abandonné, renié celui qu’ils ont suivi pendant trois ans, mais qui est pourtant mort dans la solitude… Poussiéreux des chemins de traverse qu’ils ont emprunté pendant trois ans avec Jésus, la tête sans doute remplie  de tout ce qu’ils ont vu et vécu en ces quelques années, le cœur peiné par les derniers événements, voilà qu’ils restent enfermés, comme plantés en terre, tétanisés, incapables désormais du moindre geste… Sans avenir… sans souffle…

Et à qui Jésus confie-t-il la mission d’aller répandre sa parole, à qui demande-t-il d’être ses témoins jusqu’aux bout du monde ? A eux ! Alors bon, voilà, soit Jésus est d’une irresponsabilité rare, ou alors il est un incroyable DRH ! Car qui aurait parié un kopeck, à l’époque, sur cette bande de pieds nickelés ? Sérieusement !

Mais voilà, presque 2000 ans plus tard, nous sommes ici… Et de par toute la terre, en ce jour précis, des millions d’êtres humains parlent d’eux, et de ce Jésus, fils de Dieu, qui déverrouillent les portes fermées et fait voler en éclats les fenêtres barricadées… Des millions d’êtres humains fêtent ce Jésus qui ne se résigne pas aux espaces clos, et ce vent qui ouvre les serrures et les cœurs !

Car au fond, ce que souhaite Dieu, ce n’est pas de nous voir enfermés, rabougris sur nous-mêmes, mais dehors, au vent ! Car cet Esprit, ce vent, c’est quoi ? C’est ce qui nous ouvre, et nous pousse en-dehors de tous les murs, à la rencontre des autres, pour vivre pleinement, dans la foi, dans l’espérance, et dans l’amour !

Ne croyez jamais les gens qui vous diraient qu’il est nécessaire de construire des murs pour vous protéger des autres, qu’il est nécessaire de se barricader, qu’il est bon de rester enfermé… Tout mur, aussi beau ou doré soit-il, et cela inclut aussi les murs des temples ou des cathédrales, ne doit pas devenir une prison qui vous couperait du monde et des autres ! La parole d’amour que Dieu pose sur chacun de vous en ce jour, qu’il a déjà posé sur vous lors de votre baptême, doit au contraire vous permettre de vivre libre… Je prie pour que vous ayez ce goût du vent…

Parce que, ce que j’aime dans ce vent, c’est qu’il est sans-gêne, un peu comme le vent fripon de Brassens… Non, il ne s’arrête pas aux portes, il fait le délinquant, comme Jésus avec ses disciples, et il les pousse vers la sortie, vers la vie… Au seuil de votre existence, devant tout ce qui vous attend, devant les infinies possibilités qui vont s’offrir à vous et où vous allez devoir faire des choix, et décider de la façon dont vous voudrez vous tenir face aux autres, avec les autres, et face au monde, j’espère que vous n’érigerez pas des murs qui vous empêcheront de laisser passer le vent !

Remarquez, en matière de murs, aujourd’hui, j’imagine assez bien que nous n’aurons pas tout-à-l’heure à vous flanquer à la porte de cet édifice, et que vous n’aurez pas besoin d’un GPS pour trouver la sortie ! Après de dures années d’école biblique et de KT, et pour avoir été adolescente en des temps antédiluviens, je ne mentirai pas en disant que je ne vous comprends pas !

Mais ! Mais, puisque nous faisons toute confiance à votre intelligence pour trouver la sortie, nous faisons confiance à vos neurones aussi pour en trouver à nouveau l’entrée un de ces jours… Enfin, confiance, euh, c’est à discuter… Non, on va employer un petit moyen de coercition, vous faire du chantage, quoi, de toute façon, à votre âge, y’a que ça qui marche ! Donc voilà ce qu’on va faire : 1 portrait de chacun de vous, avec votre nom, va être affiché en bonne place dans le temple de votre village, jusqu’à ce que vous reveniez une fois en chair et en os pour un culte, et là seulement, nous l’enlèverons… Donc le portrait de :

– Florian sera accroché dans le temple de : Lougres

– Pauline sera accroché dans le temple de : Colombier

– Jennifer sera accroché dans le temple de : Colombier

o Ces portraits-là, je les remets à Yvonne, elle en sera la gardienne !

– Héloïse et Théo seront accrochés dans le temple de Voujeaucourt ! d’ailleurs, je vais le faire de suite !

Voici une liste des prochains cultes dans vos temples respectifs…

Vous savez, ce n’est pas tant une menace, qu’une façon de vous dire que vous aurez toujours une place dans ces temples, parmi ces communautés, et que vous aurez toujours la liberté de passer ces portes, dans un sens comme dans l’autre… J’aurais bien gravé votre nom sur le bois des bancs, comme d’aucuns ont pu le faire il y a longtemps, mais je me suis dit que je me ferais taper sur les doigts… Donc ceci est une raisonnable proposition, me semble-t-il… Mais évitez quand même que ce soit votre petit-fils qui découvre mamie ou papi en photo dans le temple dans 50 ans, hon ?!

Allez, ne boudez pas, vous êtes l’avenir de l’Eglise ! Si c’est pas du compliment, ça ?! Sérieux, même les disciples d’alors ont réussi, donc je ne me fais pas de souci !

Tous réunis ici aujourd’hui, nous vous souhaitons bon vent ! Et à tout tout bientôt ! Amen