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Disciples ou apôtres ?

ImagePierre, Jacques, Jean : voici des noms familiers dans l’entourage de Jésus. Comment les appelle-t-on : disciples ou apôtres?  Quelle différence y a t-il entre eux ? Jésus a choisi douze hommes pour l’accompagner. Mais autour de lui évoluent aussi d’autres cercles. Cherchons des repères dans les textes bibliques pour clarifier le sens des mots et préciser le rôle de chacun.

Les mots :

–    DISCIPLE : en grec mathêtês qui  vient de manthanô qui signifie « apprendre ». Le disciple est celui qui apprend. Il était courant à cette époque de suivre un maître pour être au bénéfice de son enseignement. On parle aussi des disciples de Jean le Baptiste (Luc 5/33).

–    APÔTRE : en grec apostolos, qui vient d’apostello qui signifie « envoyer ». l’apôtre est un envoyé.

–    LES DOUZE : façon que Jésus a de nommer le premier cercle de disciples. Le chiffre douze n’est bien sûr pas choisi par hasard et témoigne d’une continuité entre l’ancien et le nouveau Testament, entre l’histoire du peuple d’Israël et la venue de Jésus. Ce chiffre est celui des douze tribus d’Israël, appelées à être lumière pour toutes les nations.

Leur utilisation est-elle bien claire ?

En observant la façon dont les auteurs du nouveau Testament les utilisent, on constate que le mot disciple est privilégié dans les évangiles, et qu’il n’est pas du tout utilisé dans le reste du nouveau Testament. Le mot apôtre est très peu utilisé dans les évangiles mais beaucoup plus dans les lettres de Paul et les autres écrits.

Cette première remarque nous paraît relativement logique si l’on s’appuie sur le sens des mots. Dans un premier temps, les disciples suivent Jésus pour l’écouter, et apprendre de lui. Dans un deuxième temps, ils sont envoyés par lui et deviennent des apôtres.

Au commencement, des disciples

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Dans les quatre évangiles, on remarque assez vite que certains disciples ont plus d’importance que d’autres car ils sont cités très souvent.
Dans la façon de les choisir, par exemple chez Marc, cinq sont appelés par Jésus (après le baptême et la tentation) : Simon (qui deviendra Pierre) et André, Jacques et Jean. Et plus loin, Lévi.
Ensuite, « il en établit douze ».

Chez Matthieu, le choix des quatre premiers disciples précède le sermon sur la montagne. Ensuite, il faut attendre le chapitre 10 pour que la liste soit établie.
Chez Luc, c’est lors de la pêche miraculeuse, au chapitre 5, que Simon-Pierre, Jacques et Jean sont choisis. Puis, après avoir passé une nuit en prière, Jésus choisit les douze.

Les récits qui décrivent l’appel de Jésus à ces cinq premiers disciples cherchent sans doute à témoigner de leur importance dans la première église, de la reconnaissance dont ils bénéficient parmi les autres croyants.

Les listes

Dans les trois évangiles Matthieu (10/2-4), Marc (3/19-16) et Luc (6/13-16) les auteurs ont dressé chacun la liste des disciples :

On y retrouve onze noms en commun :

Simon, surnommé Pierre,
André, son frère,
Jacques, fils de Zébédée,
Jean son frère,
Philippe,
Barthélemy,
Thomas,
Matthieu,
Jacques, fils d’Alphée,
Simon le zélote,
Judas Iscarioth.

Un nom n’est pas le même :

Thaddée, chez Matthieu et Marc,
Jude chez Luc.

L’auteur de l’évangile de Jean n’a pas écrit de liste, mais il cite les noms de ceux qui suivent Jésus et on les nomme, en particulier, quand ils sont les témoins de sa résurrection. Alors que dans les autres évangiles le doute est bien plus présent à ce moment-là :
Disciples communs aux autres évangiles : André, Simon-Pierre, Philippe, les fils de Zébédée, Thomas, Judas.
Propre à Jean : Nathanaël et « le disciple que Jésus aimait » : on en a déduit que son nom était Jean car il se dit être l’auteur de l’évangile (Jean 21/24).

Douze ou disciples : quel usage ?

Quand on parle des « Douze », on sait qu’il s’agit des disciples que Jésus s’est choisi comme premier cercle. Mais quand on parle des « disciples », cela peut englober un cercle plus large. Il n’est souvent pas possible de savoir exactement de qui l’on parle.
Les « Douze » est l’expression la moins utilisée, alors que « disciples » se retrouve le plus souvent dans les textes. Dans certaines circonstances, les auteurs veulent préciser qu’il s’agit des douze disciples, et uniquement d’eux. Par exemple au moment de la passion, quand on dit que Judas est l’un des « Douze ».

Le terme disciple est employé très fréquemment, de façon très variable. Jésus s’adresse à eux, il les interroge, il les instruit. Mais Jésus prend aussi ce mot pour désigner toute personne qui veut le suivre.

Les 70 ou 72 : les évangiles ont chacun un récit d’envoi des douze disciples en mission.
Mais Luc choisit un autre chiffre, soixante-dix ou soixante-douze selon les versions.
En fait, cet envoi figure la mission vers toutes les nations du monde, selon Genèse 10. 70 est plus utilisé que 72 dans l’ancien Testament ; on peut se souvenir des 70 anciens d’Israël qui reçoivent l’esprit de Dieu pour prophétiser (Nombre10/24).

Les disciples deviennent apôtres

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Matthieu 10/ 1 « ayant fait venir ses douze disciples. (..) 2 Voici les  noms des douze apôtres. (…) 5 : ces douze, Jésus les envoya en mission… »

En quelques lignes, Matthieu fait le lien entre ces trois façons différentes de nommer ceux qui ont vécu dans l’entourage proche du Christ. Cet envoi en mission des Douze est présent aussi dans Marc et Luc. Les disciples sont appelés « apôtres » à leur retour.

On se rend compte que petit à petit, la désignation d’« apôtre » va être utilisée pour ceux qui ont accompagné Jésus sur les routes, mais surtout pour ceux qui ont été témoins de sa résurrection et qui ont reçu la mission de transmettre la bonne nouvelle.
Les apôtres dépassent le cercle des « Douze ».

Le deuxième livre de Luc s’appelle les Actes des Apôtres : la première église se construit, et ce sont les apôtres qui enseignent, qui font des prodiges et des signes. Au début des premières communautés, on peut penser que le terme « apôtre » s’est confondu avec celui des « Douze ». Mais rapidement d’autres apôtres vont apparaître, par exemple Paul et Barnabas (Actes 14/ 14).

La notion d’« apôtre » y côtoie celle de « disciples ». Une seule fois on y parle des « Douze » : « les Douze convoquèrent l’assemblée plénière des disciples… » (Actes6/2).
La dénomination « disciples » concerne plutôt les croyants en général :
« C’est à Antioche que, pour la première fois, le nom de « chrétien » fut donné aux disciples » (Actes 11/26).Les apôtres sont dans le premier cercle, les garants de la foi :
« Une grande puissance marquait le témoignage rendu par les apôtres à la résurrection du Seigneur Jésus,… » (Actes 4/ 33).
Au moment du conflit à Antioche sur la circoncision, on peut lire : «On décida que Paul, Barnabas et quelques autres monteraient à Jérusalem trouver les apôtres et les anciens à propos de ce différend.» (Actes 15/2).
Après le chapitre 16, l’auteur des Actes fait le récit des voyages de Paul, il n’est plus fait mention des apôtres.

Paul, un apôtre un peu à part 

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Paul, dans sa première lettre aux Corinthiens, distingue les douze et les apôtres.

« Il est apparu à Céphas (Pierre) puis aux Douze. Ensuite, il est apparu à plus de cinq cent frères à la fois, (…). Ensuite il est apparu à Jacques puis à tous les apôtres. En tout dernier, il m’est apparu à moi l’avorton. Car je suis le plus petit des apôtres… »
DPaul sera fier de porter ce nom d’apôtre, témoignage de la grâce de Dieu à son égard. Il ne manque pas de le rappeler à ses interlocuteurs, au début de ses lettres ou pour appuyer un propos d’une autorité qui ne vient pas de lui.ans cet exemple les « Douze » sont cités à part des « apôtres ».

Dans la lettre au Romains, il nomme apôtres Andronicus et Junias, des « apôtres éminents et qui ont même appartenu au Christ avant moi » (Romains 16/7)
Puis, au fur et à mesure de l’édification des premières communautés, de nouvelles dénominations apparaissent, comme les anciens et les frères : « les apôtres et les frères établis en Judée avaient entendu dire que les nations païennes à leur tour venaient de recevoir la parole de Dieu. » (Actes 11/1)
Quand on veut parler de l’Eglise de Jérusalem, c’est par ces trois appellations qu’on le fait : « Les apôtres, les anciens et les frères saluent les frères d’origine païenne qui se trouvent à Antioche… » (Actes 15/23).

Pour l’Église, les Apôtres sont les Douze.

Finalement, l’Église a retenu l’autorité des douze disciples-apôtres de Jésus comme guides des premières communautés chrétiennes, soucieuse de son unité, même s’il y a eu sans doute de nombreuses communautés suscitées par d’autres apôtres que les douze.

ImageOn peut penser aussi à Marie-Madeleine, femme non reconnue de façon explicite comme disciple et apôtre mais qui en a toutes les caractéristiques. Elle a suivi Jésus et a été le premier témoin de la résurrection. Certaines communautés la remettront sur le devant de la scène et les traditions autour d’elle seront nombreuses.

On peut quand même noter que l’Apocalypse appuie cette position des douze apôtres au chap. 21, v. 14 : Les remparts de la cité avaient douze assises, et sur elles, les douze noms des douze apôtres de l’agneau.

Pour réfléchir avec les enfants et les jeunes…

Si l’on aborde cette question avec des enfants ou des jeunes, on pourra faire ressortir la différence de ces deux temps fondamentaux : un temps pour apprendre (celui du disciple) et un temps pour transmettre ce que l’on sait (apôtre). Un temps pour écouter, réfléchir, et un temps pour se mettre en route vers les autres. Le temps d’écoute et d’apprentissage est nécessairement premier, mais n’est jamais terminé. Ces deux temps se nourrissent continuellement. Un chrétien est en principe toujours un disciple, mais peut être appelé à être apôtre dans notre monde d’aujourd’hui.

(Crédit: Laurence Berlot)