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Jésus et la loi

ImageUn des motif principal de l’arrestation de Jésus et de sa condamnation à mort a été sa transgression de la loi. La loi donnée à Moïse au Sinaï – les « dix commandements » – fonde la foi juive. Pourtant, malgré cette  « justice » humaine, malgré le fait que les humains ont appliqué la punition que leur discernement leur dictait, Dieu va ressusciter Jésus-Christ. Il va faire de la vie une priorité face à la loi. La loi est-elle alors périmée ? Pouvons-nous vivre sans loi? Jésus nous montre son choix de vie dans l’histoire de la femme adultère.

Texte : Jean 8/ 1-11 (Traduction œcuménique de la Bible)

1 Et Jésus gagna le mont des Oliviers.
2 Dès le point du jour, il revint au temple et, comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner.
3 Les scribes et les Pharisiens amenèrent alors une femme qu’on avait surprise en adultère et ils la placèrent au milieu du groupe.
4 “Maître, lui dirent-ils, cette femme a été prise en flagrant délit d’adultère.
5 Dans la Loi Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu”?
6 Ils parlaient ainsi dans l’intention de lui tendre un piège, pour avoir de quoi l’accuser. Mais Jésus, se baissant, se mit à tracer du doigt des traits sur le sol.
7 Comme ils continuaient à lui poser des questions, Jésus se redressa et leur dit: “Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la 1ère pierre”.
8 Et s’inclinant à nouveau, il se remit à tracer des traits sur le sol.
9 Après avoir entendu ces paroles, ils se retirèrent l’un après l’autre, à commencer par les plus âgés, et Jésus resta seul. Comme la femme était toujours là, au milieu du cercle,
10 Jésus se redressa et lui dit: “Femme, où sont-ils donc? Personne ne t’a condamnée”?
11 Elle répondit: “Personne, Seigneur” et Jésus lui dit: “Moi non plus, je ne te condamne pas: va, et désormais ne pèche plus”.

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Pour parler des dix commandements, l’hébreu dit « les dix paroles ». Ces paroles sont un guide donné de la part de Dieu, un balisage pour aider l’humain à diriger sa vie et prendre les bonnes décisions.
Pour parler de l’histoire de la femme adultère, il faut avoir en tête le commandement correspondant : « tu ne commettras pas d’adultère ». La loi est donnée pour tous à Moïse. Et la loi prévoit aussi la punition correspondante à sa transgression

Quand j’ai abordé ce thème avec les jeunes du catéchisme, nous avons ri ensemble à l’idée de la punition infligée à ceux qui ne respectent pas ce commandement. « Lév 20/10 : quand un homme commet l’adultère avec la femme de son prochain, ils seront mis à mort, l’homme adultère aussi bien que la femme adultère ».  Ils m’ont dit spontanément : « il ne resterait plus grand monde, si on l’appliquait ! »

Cette loi est-elle dépassée ?
Cette loi prône la fidélité. Et cette fidélité est toujours d’actualité dans nos sociétés qui l’inscrivent dans l’engagement du mariage civil.
Cette loi est faite pour tous les hommes et toutes les femmes. Non pas par principe mais parce que c’est la seule issue possible pour que la vie reste vivable. Pour comprendre que le vrai bonheur n’est pas la facilité d’une relation « à côté », mais une vie où l’on peut se regarder en face – face à soi-même et face à l’autre – et se tenir debout face à Dieu. La loi indique un chemin qu’il ne faut pas prendre. Un chemin porteur de mort, de destruction de soi et des autres.
Jésus connaît parfaitement la loi, il est d’ailleurs le seul à la vivre de façon parfaite. Il sait qu’elle est valable pour tous.
Alors que faire pour encourager l’obéissance ? Punir ?
La punition est souvent le moteur de toute éducation.
Mais qu’en est-il pour Jésus ? Soutient-il la punition en cas de transgression ?

Image On amène la femme adultère à Jésus :
– « toi, qu’en dis-tu ? »
Les responsables religieux veulent tendre un piège à Jésus nous dit le texte.
Si Jésus applique la loi et sa punition, alors la femme sera lapidée et Jésus y perdra son message et sa crédibilité. S’il ne demande pas qu’on la lapide, ce sera une raison supplémentaire pour l’arrêter.

Nous voyons rapidement qu’il n’est pas question de l’homme adultère, alors que la loi le prend en compte au même titre que la femme. Jésus a bien dû le remarquer lui aussi. Il aurait pu argumenter dans ce sens en disant « je ne me prononce pas tant que je ne vois pas aussi l’homme devant moi. » Mais cela ne sera pas son choix.

D’une façon inattendue, Jésus se baisse, son regard se baisse, et il se met à écrire sur le sol. Il est question de vie ou de mort et Jésus prend son temps. Il ne se presse pas pour répondre. Que cherche-t-il ? Que veut-il faire comprendre par son silence ?
Comment va-t-il se sortir de l’emprise de cette loi ?

Les commentateurs ont fait de nombreuses hypothèses sur ce geste de Jésus écrivant sur le sol. Celle que je privilégie, c’est qu’il est en lien avec la loi. Ecrire, c’est le travail de ceux qui recopient la loi, – la Thora – pour la transmettre. Mais ce n’est plus une loi écrite sur de la pierre, c’est un écrit de sable. Ce qui sera écrit disparaîtra. Le geste de Jésus témoigne de la vie, sur quelque chose qui va s’effacer. Il est par son geste, écriture vivante face à des lettres de pierre.

Le groupe des scribes et des pharisiens insistent : « toi, qu’en dis-tu ? »

Jésus doit répondre. On l’attend. Mais il ne se laisse pas écraser par ceux qui sont les tenants de la loi. Il se donne du temps et de l’espace pour répondre. Il se met lui-même en travers de la loi et de ceux qui veulent la faire respecter. Il met l’humain en face de la loi, lui-même, portant l’universel de l’humanité.

Il résiste avec un autre temps et un autre espace : celui de Dieu.
Quand il se baisse, il se met en contact avec lui-même pour ne pas laisser les autres le posséder. Mais il se met en même temps en contact avec Celui qui lui garantit son humanité, Dieu, son Père.

 ImageJésus répond. Il ne fait pas une réponse globalisante où il pourrait dire : « vous êtes tous pécheurs ! » Non, il répond en renvoyant chacun à sa propre responsabilité.  Il renvoie chacun à lui-même. Il singularise chacun des hommes qu’il a devant les yeux : « que celui qui n’a jamais péché… ». Chacun devra répondre devant Dieu de sa liberté, de ses actes. Chacun est responsable de lui-même devant Dieu.

Jésus appelle l’acte d’adultère un péché. Cette femme a péché. Elle a transgressé la loi. Si Jésus sauve la femme, ce n’est pas pour dire que cette loi n’est pas bonne, ou qu’elle n’est pas tenable pour les humains. Mais Jésus ne croit pas à la vertu de la punition. C’est une éducation qui a fait son temps, mais qui n’est plus d’actualité.

Cette femme morte ne serait pas un témoignage pour les humains. Et le but de la vie de Jésus est de rendre témoignage à Dieu son père, non pas un Dieu qui punit, mais un Dieu d’amour, un Dieu de vie. Le but de Jésus n’est pas de nous faire mourir mais de nous faire vivre. Et pour cela, Jésus nous sauve de nos péchés qui mènent à la mort. Le pardon de Jésus-Christ va stopper la logique de la loi transgressée qui amène à la punition.

Les accusateurs de la femme adultère suivent le chemin indiqué par Jésus. La prise de conscience de la propre condition de chacun, va sauver la femme de la mort. Cette prise de conscience de l’état pécheur de l’être humain est la base préalable pour toute relation juste, les uns avec les autres. C’est la base du respect des deux commandements qui résument les dix: aimer Dieu et aimer son prochain comme soi-même. C’est ainsi que Jésus a aimé la femme adultère mais aussi ceux qui lui tendaient un piège. A ceux-là, il a donné une leçon de responsabilité. A la femme, il a fait sentir le prix de sa vie. Il lui a offert le don de Dieu, le pardon.

Aujourd’hui, Jésus nous montre un chemin de résistance pour que l’être humain reste premier par rapport aux lois et aux systèmes globalisants. Mais cela commence avec nous. Si nous sommes prompts à accuser le système, nous sommes vite renvoyés à notre propre responsabilité. Quels moyens nous donnons-nous pour aimer ? En famille, au travail, dans nos loisirs, ou simplement dans la rue…

En ce temps de Pâques, écoutons la résistance de Jésus à tout ce qui réduit l’être humain à des actes pécheurs. Il nous demande de le suivre pour croire que le pardon est une force plus grande que toutes les punitions possibles.

(Crédit: Laurence Berlot)