1

Le désert dans la Bible

Le désert est, paradoxalement, un des concepts géographiques les plus fertiles des Écritures !
Nous allons en repérer les éléments les plus importants :

  • C’est là que le peuple de Dieu pouvait se recueillir et se réformer
  • C’est dans le désert qu’il faut choisir si l’on fera confiance à Dieu
  • C’est le lieu par excellence de la tentation
  • C’est l’image du monde qui attend que Dieu fasse de lui un jardin

D’une façon générale, on peut dire que le terme de « désert » rappelle immédiatement à l’Israélite, par association d’idées, l’Exode hors d’Égypte, les quarante ans passés dans le désert (Dt. 29, 5). Pour les prophètes, ce fut le temps de l’histoire biblique le plus plein et le plus profond (cf. Os. 2, 14-16 ; 13, 5 et suivants), et ce n’est pas par hasard que, pour préparer le peuple à la venue eschatologique du Seigneur, ce soit précisément dans le désert que Jean-Baptiste ait situé son activité (cf. Mat. 3, 1-3 et // ; 11, 7 et //.) : c’est là que le peuple de Dieu (en raison aussi du baptême, parallèle au passage de la mer Rouge) pouvait se recueillir et se réformer. •    C’est là que le peuple de Dieu pouvait se recueillir et se réformer

•    C’est dans le désert qu’il faut choisir si l’on fera confiance à Dieu

Le désert, terre affreuse (Dt.1, 19), désolée (Ez. 6, 14) et meurtrière (Jér. 2, 6) où, précisément l’homme, par lui-même, ne peut y vivre, devient terre d’épreuve pour la foi : c’est dans le désert qu’il faut choisir si l’on fera confiance à Dieu (qui a prouvé si souvent sa force) ou si, irrité et impatient de ne dépendre que de sa grâce, on veut retourner « en Égypte ». On comprend donc que l’A.T. comme le N.T. aient pensé que l’histoire des quarante ans passés dans le désert par Israël, conduit, nourri, désaltéré et protégé par Dieu, « est arrivée pour nous servir d’exemple » (I Cor. 10, 6). Comme la passion et la résurrection de Jésus-Christ sont, pour l’Église, la référence maîtresse de sa foi et de sa vie, de même l’Exode est, pour Israël (et, au travers de son accomplissement en Christ, pour l’Église) la référence maîtresse de sa foi et de sa vie.

•    Le désert, lieu par excellence de la tentation

Mais parce que le désert est, par excellence, l’endroit où la foi s’éprouve, c’est aussi le lieu de la tentation, le lieu où, en quelque sorte, la contestation entre Dieu et le Diable concernant l’avenir de l’homme peut s’exercer dans un dépouillement stylisé, sur une arène franche de toute immixtion étrangère au débat essentiel (même si, dans le désert, on peut tout à coup être transporté au cœur même de la religion : sur le faîte du Temple de Jérusalem, ou face à toute la grandeur de la culture humaine : sur une haute montagne d’où le regard embrasse le monde, Mat. 4, 5 ss et parallèles). C’est donc « pour être tenté par le Diable » que Jésus est mené par l’Esprit au désert (Mat. 4, 1 et parallèles.) Le désert est, en quelque sorte, le « monde » à l’état pur, et c’est pourquoi on le considérait comme le repaire des démons (Mat. 12, 43 ; Luc 8, 29 ; 11, 24) : si Dieu y mène son peuple, son Fils, et, plus tard, des anachorètes et des ermites (de eremos = désert), ce n’est pas pour leur faire fuir le monde, mais au contraire pour qu’ils en atteignent le cœur et manifestent là, à l’endroit où c’est le plus dur, sa victoire et ses droits. On peut d’ailleurs supposer que si Jésus, ordinairement après avoir accompli un miracle, se retire dans le désert (Mc. 1, 35 ; Luc 4, 42 ; 5, 16), ce n’est pas seulement pour se mettre à l’abri (cf. Mat. 14, 12 s et parallèles ; Mc. 1, 44 ; Jn. 11, 53 s), mais plutôt pour se rendre là où il doit donner toute gloire à Dieu.

•    Le désert à l’image du monde attend que Dieu fasse de lui un jardin

Toutefois le désert n’est pas seulement un lieu de tentation et donc d’épreuve pour la foi : c’est aussi une terre d’attente et de pèlerinage, l’endroit qui mène des gages du salut au repos dans le salut : c’est l’endroit sur lequel débouche, pour Israël, le passage de la mer Rouge, et, pour Jésus, son baptême (Mc. 1, 9-13 et parallèles), l’endroit où le salut a déjà donné des gages de sa réalité, mais où il n’a pas encore été manifesté dans sa plénitude. Pour l’Église (cf. I Cor. 10, 1-13), le désert devient donc l’image de la situation dans laquelle elle se trouve  depuis la Pentecôte : déjà le salut est là, déjà le baptême a fait participer à la mort et à la résurrection du Christ, déjà la cène permet de goûter au don céleste et aux puissances du monde à venir (Hé. 6, 4 s), mais le royaume dans sa plénitude, la terre promise, ne sont pas encore là  !  Le désert devient ainsi l’image du temps actuel dans lequel l’Église se trouve, de la situation dans laquelle elle doit croire, aimer et espérer . C’est le thème de l’Épître aux Hébreux.
Enfin, le désert est une image du monde en ce sens qu’il attend de n’être plus le désert, d’être délivré de ce qui le rend redoutable, comme le monde attend, d’une ardente attente, le baptême cosmique du jour dernier où il sera transformé en un monde nouveau (2 Pi. 3, 13 ; cf. Rom. 8, 18-23) : le désert attend que Dieu fasse de lui un jardin (Ps. 107, 35 ; Es. 32, 15 ; 35, 1-7 ; 41, 18 s ; 43, 19 s ; 51, 3).