Vivre le deuil avec les enfants. L’histoire de Guillaume qui vient de perdre son chien, Toby, tué par une voiture. Autour de ce deuil, lui et ses amis de différentes confessions religieuses posent des questions aux parents et aux adultes sur la mort. Un livre pour les enfants de 7 à 11 ans. Une partie du livre est destinée à l’accompagnateur adulte.
Ici nous donnons un bref extrait du livre : un aperçu des principales doctrines et pratiques religieuses relatives à la mort. La présentation suit l’ordre chronologique d’apparition des religions. Qui croit quoi ? Quels rites ?
- L’hindouisme a beaucoup changé depuis l’époque védique (2000 ans av. J.C.) jusqu’à nos jours. L’idée générale est que les êtres sont condamnés à se réincarner indéfiniment tant qu’ils n’auront pas trouvé leur propre libération. Le cosmos et les êtres sont composés des mêmes éléments. La mort ne détruit pas l’individu qui reprendra le moment venu un autre corps. Dans l’hindouisme, la notion de Karma ne correspond pas à l’âme des Occidentaux, elle ne comporte en particulier pas la dimension d’une identité au sens où nous l’entendons. La vie terrestre est comprise comme une prison. La mort n’a pas le caractère ultime qu’elle a en Occident. Si l’Homme n’a pas découvert l’absolu divin pendant son existence, une autre chance lui sera donnée pour y parvenir.
Généralement, les corps sont brûlés en plein air, au bord d’un cours d’eau. La cérémonie se déroule selon un rituel strict où ne participe que la famille proche. Le mort est enveloppé dans un suaire blanc s’il s’agit d’un homme, rouge si c’est une femme. Le bûcher doit être en bois, pur de tout autre combustible. Le fils du mort met une pièce de monnaie dans la bouche du mort, brise le crâne du défunt avec un marteau pour éviter l’explosion de la tête au feu. Si la mort a été causée par une maladie contagieuse ou un empoisonnement, le cadavre est directement descendu dans l’eau. La crémation achevée, les restes sont rassemblés, tamisés et déposés dans une urne en terre. L’urne à bout pointu est enterrée dans un cimetière. Une simple stèle rappelle le lieu de la crémation. Dans certaines provinces de l’Inde, les corps sont inhumés sans crémation, ailleurs ils sont exposés en plein air jusqu’à ce que les oiseaux de proie aient dévoré les chairs. Une tradition, disparue au XXe siècle grâce à l’opposition des autorités indiennes religieuses et civiles, imposait aux veuves de se sacrifier sur le bûcher de leur époux. Cette tradition vient de la mythologie hindoue.
- Le bouddhisme est lui aussi multiforme. Né dans l’hindouisme, au VIe siècle avant Jésus-Christ, il s’en distingue radicalement sur de nombreux points. En particulier au sujet de la doctrine de la réincarnation. Dans le bouddhisme, il n’y a pas d’âme personnelle et permanente puisqu’il n’y a pas d’âme du tout. Ce qui se réincarne, c’est un principe de vie, un principe impersonnel qui n’assure certainement pas la continuité de l’être. Aujourd’hui, la pensée bouddhique répandue en Occident est fortement teintée de doctrine réincarnationiste.
- Les religions traditionnelles de l’Afrique Dans les religions traditionnelles de l’Afrique, vivre c’est avant tout exister dans une continuité généalogique qui remonte aux premiers ancêtres et qui se poursuit dans les générations à venir. Tous les morts survivent dans la mémoire des vivants. On peut leur parler. Il n’y a pas de rupture radicale entre la mort et la vie. La vie tout entière est faite de changements. La conception, la grossesse, l’enfance, la puberté, la maturité, la mort sont tous des passages difficiles d’un état à un autre qu’il faut ritualiser en société pour les franchir le mieux possible.
Lorsque la mort est survenue, le défunt a encore besoin des vivants pour accéder à un nouveau statut social supérieur. Le rôle d’un mort est d’aider les vivants. Un rituel complexe se met en place pour le dissuader de devenir un ennemi des vivants. Il faut empêcher le mort de revenir comme un démon. En même temps, il faut que les vivants soient irréprochables. Les rites qui entourent la mort ont alors comme fonction de montrer l’innocence du groupe dans la mort qui est arrivée. Il faut également chasser tous les germes de mort qui peuvent exister dans la société : on règle les affaires en suspens, on se réconcilie.
Enfin, il faut préparer le mort à son nouveau statut dans la famille. Les soins apportés à la toilette et aux funérailles ont comme fonction de bien montrer que désormais le mort est un être exceptionnel : il est devenu un ancêtre. Il est donc très important de l’enterrer dans la terre des ancêtres, souvent en position fœtale.
Quand tout s’est passé correctement, le défunt aide les vivants à vivre. Il protège, conseille et est le garant de la continuité de la vie. Longtemps après sa mort, il a une véritable utilité sociale.
Dans le cas de mort suspecte ou prématurée ou dans le cas de la mort de personnes socialement marginales, un rituel contraire se met en place. Le cadavre est l’objet d’agression et de mépris pour empêcher sa renaissance comme ancêtre.
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Le judaïsme a lui aussi évolué. On trouve dans la Bible des passages qui parlent d’une conception bipartite de l’Homme : corps et âme. On trouve aussi d’autres passages qui envisagent une conception tripartite : corps, âme et esprit. Néanmoins, le judaïsme, en général, ignore la distinction entre l’âme et le corps. Un corps est une âme vivante. Un corps mort est une âme morte. La mort n’est pas un« passage », c’est un état définitif.
Le judaïsme prévoit un rituel funèbre élaboré. La mort est considérée comme impure. Ce rituel consiste en soins apportés au cadavre : toilette, ensevelissement. L’embaumement n’est jamais pratiqué. Le deuil est traditionnellement assez démonstratif : jeûnes, lamentations. Il dure onze mois. Une prière pour le repos des défunts est prononcée une fois par an. Il y a dans le judaïsme un rejet viscéral de toute sacralisation de la mort. Les rites n’ont pas de valeur religieuse. C’est ce que signifiait en particulier dans le judaïsme sacerdotal l’interdiction pour les prêtres de toucher un cadavre. Toute consultation des morts, dans le but de connaître l’avenir, est proscrite.La Bible ne fait jamais de l’au-delà un sujet d’enseignement et de connaissance. Ce qui compte c’est la vie d’ici-bas. C’est au second et au premier siècle avant notre ère que l’idée de résurrection est née dans certaines tendances du judaïsme, d’abord pour les martyrs de la foi, puis de façon plus démocratisée pour tous. Dans la Bible comme dans la foi juive, être mort, c’est être loin de Dieu même en bonne santé. Être vivant, c’est être près de Dieu, même menacé dans son intégrité physique et mentale.
La cabale juive, courant mystique très ancien, développe un corps de doctrine souvent très original par rapport au judaïsme classique. En particulier à propos de la mort. L’idée de réincarnation est admise. Elle semble intervenir comme une réponse compensatoire à l’injustice qui frappe alors un peuple persécuté cruellement.
- L’Islam connaît des pratiques très variables selon les pays et les cultures où il est implanté. Pourtant, d’une manière assez générale, la mort y est très intégrée à la vie sociale. Des manifestations publiques très démonstratives accompagnent le deuil. Les soins apportés au corps du défunt sont très importants. C’est un grand honneur de faire la toilette du mort. Celle-ci accomplie, le corps est enveloppé dans un linceul sans couture et orienté vers la Mecque sur le côté droit. Au moment de l’inhumation, un cortège se forme avec des cris et des pleurs. En se dirigeant vers la tombe, on récite le Coran. Ce sont des amis qui portent le cadavre. C’est un honneur et une œuvre pieuse. Parfois le tombeau est très décoré, parfois une simple stèle le surmonte, d’autres fois, rien ne signale la tombe.
Dans son tombeau, le mort est interrogé par des anges sur sa foi et sur ses œuvres. Selon ses réponses, il sera destiné à l’enfer ou récompensé par le paradis. La sentence prononcée, le défunt retombe dans le sommeil de la mort en attendant la résurrection finale qui coïncidera avec la fin du monde et le retour de Jésus. C’est à ce moment-là que les impies iront en enfer et les justes au paradis, lieu de joie parfaite et éternelle. Le deuil dure un an. Les tombes sont visitées le vendredi après-midi, le jour de la prière.
Edition : Société des Ecoles du Dimanche, Paris 1995
Crédit Point KT