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L’enfer vide

A la terrasse d’un café, un jour de Pâques, un passant rencontre deux grands théologiens du XXème siècle, l’un catholique, l’autre protestant ; l’occasion pour lui de poser la cruciale question de ce qui nous attend après la mort. Ce sketch est l’occasion d’aborder les paraboles du jugement dernier de l’évangile de Matthieu, et les notions de paradis et d’enfer avec un regard neuf !

 

A la terrasse d’un café, deux vieux messieurs devisent gaiement, passe un homme qui s’arrête, les regarde, et s’avance
Le passant : Bonjour, je vous prie de m’excuser, mais….
Il se tourne vers le premier
Vous êtes bien Urs Von Balthazar, le plus grand théologien catholique du XXème siècle ?
Urs Von Balthazar : Oui, pourquoi ?
Le passant : et vous Monsieur, vous êtes bien Karl Barth, le plus grand théologien protestant du XXème siècle ?
Barth : Oui, nous sommes morts depuis longtemps, mais oui c’est bien moi.
Urs Von Balthazar : Qu’est-ce que nous pouvons faire pour vous ?
Le passant : Eh bien, voilà, je suis chrétien, mais j’ai un problème de foi.
Barth : Allez-y, nous vous écoutons.
Urs Von Balthazar (A l’assemblée) On peut même plus boire un verre tranquille…
Le passant : Eh bien voilà, est-ce que l’enfer existe ?
Les deux hommes se regardent en silence et éclatent de rire ensemble
Urs Von Balthazar : Mais bien sûr qu’il existe !
Le passant catastrophé se laisse tomber sur une chaise, la tête dans les mains. Barth se lève, s’approche de lui et hurle
Barth : mais il est vide !!!
Le passant tourne la tête et le regarde,
Le passant : Vide !!! Vous avez dit vide ?
Urs Von Balthazar : Et puis, il faut savoir de quel enfer vous parlez ?
Le passant : Ah ! Parce qu’il y en a plusieurs ?
Barth : Par exemple, il y a l’enfer français et l’enfer allemand.
Urs Von Balthazar : Dans lequel souhaitez- vous aller ?
Le passant : Il y a des différences ?
Barth : Ah oui, dans l’enfer français, il y a des marmites d’huile bouillante, vous êtes embroché et vous rôtissez dans l’huile pour l’éternité.
Le passant : Et dans l’enfer allemand ?
Urs Von Balthazar : il y a des marmites d’huile bouillante, vous êtes embrochés et vous rôtissez dans l’huile pour l’éternité.
Le passant : Mais c’est pareil !
Barth : Oui, mais je vous conseille quand même l’enfer français ;
Urs Von Balthazar : Ah les français : ils auront perdu les allumettes. La broche sera cassée ?
Barth : Ou ils n’auront pas assez d’huile !
Les deux rigolent, et trinquent
Urs Von Balthazar : Allez buvez un coup va !
Barth : On va vous faire une vraie réponse.
Urs Von Balthazar : Quel est le plus grand des commandements ?
Le passant : Tu aimeras le seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute âme et de toute ta pensée
Urs Von Balthazar : Et vous y arrivez ?
Le passant : J’essaie, mais non, je sais bien que non.
Barth : Et bien, nous non plus !
Urs Von Balthazar : Et c’est normal, vous entendez ? Nor-mal !
Barth : Si vous y parveniez, vous ne seriez plus un homme.
Urs Von Balthazar : Vous seriez sans péché et donc vous seriez Dieu lui-même.
Barth : Mais vous n’êtes pas Dieu.
Urs Von Balthazar : Vous êtes humain, donc forcément touché par le péché.
Le passant : alors je vais aller en enfer ???
Barth : Si vous y tenez absolument ! Mais soyez tranquille : comme tous les humains sont pécheurs, vous n’allez pas être tout seul ! L’humanité toute entière sera avec vous !
Urs Von Balthazar : Et c’est le paradis qui sera vide !
Les deux rigolent, et trinquent encore
Barth : Sérieusement, si je vous dis « Jésus », à quoi pensez-vous ?
Le passant : Heu… Amour ?
Urs Von Balthazar : Bonne réponse ! Comment voulez-vous que celui qui a dit « aimes ton prochain comme toi-même » vous envoie dans l’huile bouillante pour l’éternité ?
Barth : A cause de quoi ? Parce que vous n’auriez pas assez aimé ?
Le passant : Mais dans la bible, Matthieu 25, les boucs à droites les brebis à gauche !
Barth : Vous avez peut-être raison, l’enfer n’est peut-être pas complètement vide ;
Urs Von Balthazar : On y trouve des choses bizarres, des bouts, des bouts de vie,
Barth : Des gros bouts de vie, des p’tits bouts de vie
Urs Von Balthazar : Des bouts de toi
Barth : Des bouts de moi
Urs Von Balthazar : Vous comprenez ?
Le passant : Non, pas du tout
Barth : Bon. Tu connais la volonté de Dieu, tu connais les dix commandements.
Urs Von Balthazar : tu connais le commandement d’amour.
Barth : Mais tu n’y arrives pas toujours à les respecter.
Urs Von Balthazar : C’est ça qu’il y a en enfer, tous tes échecs, tout ce que tu as fait, ce que tu as dit et même pensé qui n’était pas conforme à la volonté de Dieu
Barth : Tout ce que tu as raté, tout ce que tu as fait de moche, tout ce que tu as fait de mal, le Christ n’en veut pas.
Urs Von Balthazar : Alors il ne le reprend pas, il ne le ressuscite pas, il le laisse en enfer
Barth : Mais tout ce que tu as fait de bien, tout ce que tu as fait de beau, tout l’amour que tu as donné, cela oui,  il le reprend, il le sort de l’enfer.
Urs Von Balthazar : Par le même chemin qu’il a pris ce matin, lui, le premier ressuscité d’entre les morts
Barth : Ainsi dit la foi chrétienne : il a été crucifié, il est mort, il a été enseveli, il est descendu aux enfers, le 3ème jour, il est ressuscité des morts.