Point KT

Animation – Film Le Village de N. Shyamalan

image_pdfimage_print

ImageDiscussion collective après la vision d’un film
Age : adolescents
Support : Film Le Village, de M. Night Shyamalan, 2005

Le Village (The Village), M. Night Shyamalan, 2005, 103’, disponible en DVD
A partir de 12 ans
Une petite communauté vit en autarcie dans une vallée entourée de bois, dans une atmosphère d’entraide fraternelle et chaleureuse. Ils mènent la vie simple d’un village du 19ème siècle, et s’il n’y avait les aléas des maladies et le manque de remèdes, leur vie semblerait un vrai paradis sur terre. Sauf que… Sauf que dans les bois qui entourent la vallée, vivent « Ceux dont on ne parle pas », des créatures inhumaines et sanguinaires avec lesquelles les anciens ont établi une trêve il y a longtemps, mais qui semblent bien attirés par le village, ces temps. Pourtant, chacun semble respecter les trois lois primordiales qui empêchent la confrontation : Bannir du village la couleur rouge qui les attirent, ne jamais entrer dans les bois, et se cacher si la cloche sonne, avertissement de leur arrivée. Chaque enfant apprend ces trois lois vitales dès sa naissance, et c’est grâce à leur stricte observance que le village est épargné.
Mais des événements inquiétants commencent à avoir lieu. Des animaux sont retrouvés dépecés au petit matin,  « Ceux dont on ne parle pas » surviennent la nuit dans le village, marquant les portes des maisons de longues traînées rouges…
C’est dans cette atmosphère inquiétante qu’a lieu l’impensable : un crime… Jamais la communauté n’avait vécu de violence en son sein. Le jeune Noah, déficient mental, a poignardé le futur époux de la jeune fille dont il est lui-même amoureux, Ivy. Celle-ci, aveugle, décide de traverser les bois pour gagner la ville, le lieu honni, pour en rapporter les remèdes propres à guérir son fiancé…
Aussi son père, le fondateur de la communauté, le chef des anciens, lui révèle-t-il la vérité sur ce village, et sur les bois. Jamais « Ceux dont on ne parle pas » n’ont existé, sinon pour créer une peur destinée à empêcher les jeunes d’aller à la ville. Les anciens ont fondé ce village après tous avoir été victimes de crimes à la ville, après avoir perdu des êtres chers dans des crimes de sang. Ils ont voulu créer un lieu où l’innocence ferait loi, et où leurs enfants ne connaîtraient jamais la douleur du sang versé…
Ivy traversera donc les bois, et trouvera les remèdes pour soigner son fiancé Lucius. Pourtant, loin de mettre un terme au mensonge de « Ceux dont on ne parle pas », cette marche dans les bois permettra de faire perdurer la légende, puisqu’Ivy y combattra un des monstres, et parviendra à le tuer… Lequel monstre n’étant autre que Noah, qui avait trouvé un déguisement chez ses parents, et qui voulait faire peur à Ivy… Mais elle ne saura jamais que c’était Noah… Le village vivra…
Image
Pistes de travail et de discussions :
  • Communauté/Communautarisme Il y a environ 25 ans, les « anciens », au nombre de 9, victimes dans leur entourage de crimes violents, ont décidé de se retirer du monde, et de fonder une communauté. Une communauté idyllique où ils pourraient vivre sans violence, heureux et paisibles, en autarcie complète. Pour ce faire, ils ont tous prêté serment, et juré chacun de ne jamais retourner à la ville, et d’accepter de vivre ainsi, quelles qu’en soient les conséquences, notamment médicales. Ils ont tenu leur promesse, malgré les malheurs qui ont touché leurs enfants, cécité d’Ivy, déficience mentale de Noah, mort du petit garçon de l’un des anciens, avec laquelle débute le film. Sans doute ces drames auraient-ils pu être évités s’ils avaient eu les remèdes nécessaires, mais dans leur esprit, c’était le prix à payer pour préserver leurs enfants- Pourrait-on aller jusqu’à parler de « non-assistance à personne en danger », de la part de ces anciens, qui se résignent à la souffrance et à la mort de leurs enfants, sous prétexte de préserver la qualité de vie de la communauté ?- Le communautarisme se fonde toujours sur la peur de l’autre, sur la diabolisation de l’inconnu, quitte à inventer : faire la liste des attributs de «Ceux dont on ne parle pas », et s’attarder sur la symbolique des couleurs rouge et jaune. On peut bien sûr trouver de nombreux exemples de cette mécanique dans l’Histoire.
  • Peut-on faire le bonheur de ses enfants par le mensonge ? Autrefois professeur d’Histoire à l’université, le père d’Ivy savait que la légende voulait que ces bois environnant la vallée soit peuplé de terrifiantes créatures. Ayant hérité d’une colossale fortune au décès brutal de son père, il acheta la vallée et les bois, en fit une réserve naturelle, paya le prix fort pour qu’aucun avion ne le survole, afin de créer un endroit vierge de toute modernité. Et les anciens créèrent le mythe de « Ceux dont on ne parle pas », afin de maintenir leurs enfants dans la vallée, loin des dangers et des corruptions de la ville.- Peux-t-on admettre une telle vie de mensonge de la part de ses parents, même avec « les meilleures intentions du monde » ?- Peut-on croire ainsi que la ville est le lieu de tous les dangers  ( « Ce sont de mauvais lieux où vivent de mauvaises gens ») et de toutes les perditions, au contraire du village qui serait le lieu de l’innocence ?

    – Peut-on de toute façon éviter à ses enfants les dangers de la vie, et la perte de l’innocence ?

    – Est-ce vraiment de l’amour ? Ne doit-on pas élever ses enfants pour les rendre libres, et les laisser « aller » ?

  • Peut-on créer le paradis sur terre ?L’histoire humaine nous a enseigné, par de nombreux exemples, que lorsque des hommes ont tenté d’établir sur terre des formes de paradis terrestres, ceux-ci ont bien souvent fini par devenir les pires lieux d’oppression et de dictature.- Les habitants de ce village, notamment les jeunes, sont-ils vraiment libres ? Une vie qui se fonde sur la peur est-elle vraiment libre ?- Peut-on faire refuser la modernité ? Jusqu’où ? La modernité est-elle « mauvaise » ?

    – Peut-on vivre en-dehors de la réalité ?

    – Peut-on éviter le malheur, d’une façon ou d’une autre ? « Comme un chien à l’odeur… Tu as beau fuir le malheur comme nous l’avons fait, il te retrouve toujours »

    – A noter qu’ils ont créé cette communauté pour préserver l’innocence, et que ce sera par Noah, sans doute le plus « innocent » de tous, que le sang coulera. La « grâce » viendra aussi de l’autre figure innocente de ce village, Ivy, elle « qui voit de la lumière là où il n’y a que des ténèbres », comme si le drame se jouait entre deux innocences, toutes deux victimes des choix de leurs parents.

  • L’Eglise une communauté ouverte sur le monde- Créer un parallèle entre l’affiche américaine du film, et les tables du décalogue : les trois lois du village, et le dix lois ont-elles la même visée ?  Les unes ne sont-elles pas mortifères, parce que basées sur le mensonge, tandis que les autres sont destinées à rendre libre, et à rendre possible justement la vie en société, la vie les uns avec les autres ?- Innocence/grâce : la Bible nous apprend que l’homme, en grandissant, perd son innocence, et que c’est cela qui le fait sans doute devenir adulte et acteur de sa vie ( jardin d’Eden et connaissance du bien et du mal). Mais cette perte est contrebalancée par la grâce, qui lui permet de voir le monde et sa propre vie avec les yeux de l’espérance.- Vivre pleinement dans le monde : l’évangile ne nous invite pas à nous retirer du monde, mais au contraire à nous y investir, et contribuer à le transformer.
  • Fin du film – Créer une discussion sur la fin du film. Ivy ne sachant pas que c’est Noah qu’elle a tué, et non pas un véritable représentant de « Ceux dont on ne parle pas », la communauté pourra continuer à vivre dans le mensonge : « Votre fils a donné une réalité à nos histoires. Noah nous permet de continuer à vivre en ces lieux ». Ceci est-il une « bonne » fin, ou une « triste » fin ?

Crédit : Corinne Scheele