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Les prophètes de la Bible : « grands communicateurs devant l’Eternel ! »

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prophètes

La Bible contient de nombreux termes propres à décrire l’activité prophétique, ainsi que les moyens et les modes de révélation variés de la communication prophétique, articile présenté par Frédéric Gangloff.

D’emblée, on peut dire que le prophétisme biblique tente surtout d’interpréter les signes cachés du présent. Une définition générale du prophétisme, relativement satisfaisante, pourrait être la suivante : « Un/e médiateur/trice qui prétend recevoir des messages provenant directement d’une divinité sous des formes multiples – paroles, visions, rêves…- et qu’il/elle communique à des récipiendaires ».
Le terme technique, attesté plus de 300 fois dans la bible hébraïque, décrivant le prophétisme dit « classique » est Nâbi. Sa traduction exacte reste imprécise puisqu’elle évoque autant le fait de parler, que de réciter, sans oublier les sens de nommer ou d’appeler. La plupart des traductions peuvent être réparties en trois catégories :
1. « Celui/celle qui est appelé(e) » ;
2. « Celui/celle qui invoque » la divinité ;
3. « Celui/celle qui est mis(e) en état/en mesure de parler, d’annoncer ».
Des termes plus anciens touchent au « phénomène prophétique », mais semblent décrire d’autres fonctions comme « l’homme du dieu (Ish Elohim) » ; le voyant (rohé) ; le visionnaire (hosé). Des archives et des textes d’autres civilisations nous rapportent que le phénomène prophétique est antique et qu’il possède des similarités avec le prophétisme biblique. On le retrouve depuis le second millénaire av. J.C en Syrie, Mésopotamie, Jordanie et Palestine.

Une communication en actes, en images et en paroles

Si la grande majorité des textes prophétiques de la Bible ont été mis par écrit dans un langage relativement compréhensible, une autre manière de communiquer passe par « l’acte symbolique » – une sorte de signe en action-. Cette communication publique, pas forcément verbale, est quelquefois justifiée par une « parole prophétique » après coup :

  • Des supports pédagogiques : Ce sont des actions qui visent à renforcer la pertinence du message prophétique. On peut même parler de « théâtre de rue », technique dont use essentiellement le prophète Ezéchiel.
  • Des gestes (signes) « représentés » : Elie remet son manteau à Elisée et signifiant par là que ce dernier lui succède (1 Rois 19, 19-21). Ahiyya de Silo déchirant son habit neuf en douze morceaux (1 Rois 11, 16-39). Il annonce la séparation entre le royaume du nord (Israël) et celui du sud (Juda). On peut également mentionner Jérémie échangeant son joug en bois pour un joug en fer et annonçant l’exil babylonien.
  • Des actes perçus comme symboliques : Le prophète Osée doit divorcer et se remarier avec une femme adultère. C’est une évocation des relations tumultueuses entre Israël, son Dieu et ses amants. Ezéchiel voit un lien de cause à effet dans la mort de sa femme et la destruction de Jérusalem en 587 av. J.C. A cause de l’Exil, il est interdit à Jérémie de se marier et de fonder une famille.
  • Des actes quasi ‘magiques’ : Le prophète agit comme un magicien, un faiseur de miracles ou un guérisseur. Voir le cycle d’Elisée (2 Rois 2-7). En Jérémie 51, 59-64, le prophète jette le rouleau contre Babylone dans l’Euphrate. En 2 Rois 20, 7, Esaïe applique un gâteau de figues sur les tumeurs du roi Ezéchias

Un phénomène complexe et profond

La prophétie biblique perdurera jusqu’à l’époque du Nouveau Testament avec des caractéristiques semblables

Il n’en demeure pas moins que souvent, la communication prophétique fonctionne comme un acte de transgression volontaire et publique – devant les portes de la cité- de toutes les conventions de la tradition religieuse. Le prophète scandalise, perturbe, met en cause et réoriente l’ordre politique et religieux de son temps ; il fait ainsi office de guetteur et avertit ses contemporains. Le prophétisme, profondément enraciné dans les images et le monde ambiant du Proche-Orient ancien, ne se limite pas au simple fait de « pré-dire » l’avenir, mais use de tous les moyens de communication à sa disposition pour exhorter ses auditeurs à recevoir et à actualiser le message de Dieu.

Frédéric Gangloff