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La montagne dans la Bible

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Parmi toutes les réalités géographiques chargées d’un pouvoir symbolique, la montagne tient une place éminente. Elle touche le ciel, et la gravir est un acte religieux. Elle est le premier sanctuaire et le premier autel.La plupart des grandes civilisations ont été fascinées par les montagnes. Mythes et légendes, rituels et pèlerinages, ont souvent déifié la montagne. La Bible lui a donné la parole pour révéler le mystère du Très-Haut, l’unique Seigneur d’Israël. La Palestine est un pays de montagnes et de vallées (Deutéronome 11/11-12), mais qui présente peu de sommets importants.

Trois chaînes orientées du Nord au Sud se succèdent plus ou moins parallèlement en partant de l’Ouest :

1. Les monts de Judée qui se prolongent par les montagnes de Samarie et la chaîne du Carmel. On y trouve en particulier depuis le Sud les collines de Jérusalem, la montagne de Sion, Morija et la montagne des Oliviers (Ps. 125/1-2 ; 48/3 ; Gn. 22/2 ; 2 Chr. 3/1 ; Zach. 14/4) ; les montagnes d’Ephraïm (Jos. 17/15) avec le mont Ebal au Nord et le mont Garizim au Sud (Dt. 11/29 ; Jos. 8/33); puis, en tournant vers l’Ouest, la chaîne qui aboutit au mont Carmel (1 R. 18/19).

2. Les monts de Galilée, à partir de la montagne de Guilboa (1 S. 31/8) ; le mont Thabor s’élève, isolé, au bord de la plaine d’Esdrélon (Jug. 4/6). Les collines bordent à l’Ouest le lac de Galilée et se prolongent au Nord par la chaîne beaucoup plus élevée du Liban (Dt. 3/25 ; Jug. 3/3).

3. Une chaîne montagneuse à l’Est du Jourdain présente, à partir du Sud de la mer Morte : la montagne de Séir (Gn. 36/8) et le mont Hor (Nb. 20/22-25), les monts Abarim (27/12 ; 33/48), le mont Nebo (v. 47 ; Dt. 32/49) ; après avoir bordé tout le cours du Jourdain, souvent sous forme de plateau élevé, la chaîne aboutit à l’Hermon (Dt. 3/8).

  • Les montagnes au sens figuré
Les montagnes symbolisent l’éternité (Dt. 33/15 ; Hab. 3/6), la stabilité (Es. 54/10) ; ou bien, les difficultés, les dangers de la vie (Jr. 13/16), les obstacles paraissant insurmontables (Zach. 4/7 ; Mt. 21/21). En employant l’expression « montagne de l’assemblée » (Es. 14/13), le prophète semble faire parler le roi de Babylone à la manière des Babyloniens, qui plaçaient le siège des divinités au sommet des montagnes brumeuses du Nord. (cf. aussi l’Olympe des Grecs).
  • Les montagnes, un endroit que Dieu maitrise 

Les montagnes, un peu comme la mer, et sans doute pour les mêmes raisons de polémique implicite contre les mythologies païennes (cf. l’opposition prophétique contre les cultes sur les « hauts-lieux » depuis la centralisation du culte sur le mont de Sion : 1 Rois 11/7 ; 14/23 ; 2 R. 18/4 ; 21/3 ; Ps. 78/58 ; Jér. 7/30 s ; Ez. 20/27 ss ; Os. 10/8; Mi. 1/5, etc.) apparaissent d’abord comme un endroit que Dieu, dans sa toute-puissance, peut atteindre et maîtriser (Jg. 5/5; Ps. 65/7; Es. 40/12; Mi. 1/4, etc.), en dépit de la puissance qu’elles symbolisent (cf. Dan. 2/34; Jér. 51/25; Zach. 4/7). C’est pourquoi l’Écriture répète si souvent que les montagnes n’ont aucun droit à se trouver là où elles sont (Mat. 17/20; cf. Luc 17/6 ; 1 Cor. 13/2 ; Job 9/5; Ez. 38/20), et que, pour l’avènement de son règne, elles seront nivelées ou déracinées (cf. Es. 40/4 = Luc 3/5 ; Es. 41/15; Ap. 6/14; 16/20, etc.), à l’exception toutefois de la montagne de Sion qui, d’après certains textes prophétiques, deviendra le sommet de la terre (Mi. 4/1; Es. 2/2). C’est pourquoi aussi les mythiques « collines éternelles » ou « montagnes des dieux » (Gen. 49/26; Dt. 33/15; Ps. 36 :7 ; 68/16; Es. 14/12 ss; Ez. 28/16) n’ont aucune autonomie par rapport au Seigneur. Dieu ne passait-il pas pour un Dieu montagnard ? 1 R. 20/23, 28) : « Les gens de son entourage dirent au roi de Syrie : Le Dieu d’Israël est un Dieu des montagnes : voilà pourquoi les Israélites ont été plus forts que nous ; mais combattons-les dans la plaine : il est certain que là nous serons plus forts qu’eux. »

  • Les montagnes, un endroit où Dieu se révèle

Pourtant les montagnes sont aussi des endroits particulièrement réservés à la révélation de Dieu et à son culte. C’est sur une montagne qu’Abraham doit sacrifier son fils (Gen. 22/2), c’est d’une montagne qu’on peut le mieux bénir le peuple de Dieu (Ex. 17/9 ss ; cf. Nb. 22/4-24, 14), c’est sur les montagnes qu’on offrait primitivement les sacrifices (cf. I Sam. 9/12 ss ; I R. 3/4 ; 1 Chr. 16/39), c’est sur une colline qu’on place l’arche de Dieu (1 Sam. 7/1 ; 2 Sam. 6/3 ; cf 1 Chr. 21/29), c’est dans les hauteurs encore que résident les écoles de prophètes (1 Sam. 10/5 ; cf. 2 R. 1/9; 4/25). C’est surtout sur une montagne, le Sinaï, que Dieu a donné la Loi à son peuple (Ex. I9 ss), aussi le Sinaï (ou Horeb), avec la montagne de Sion où se trouve le Temple, resteront, par excellence, «la montagne de Dieu» (cf. Ex. 3/1; I R. I9/8, etc.), la «montagne sainte » (cf. Ps. 2/6 ; Es. 8/18; cf. Jn. 4/20).

  • Les montagnes dans la vie de Jésus
Sans doute est-ce dans cette perspective de lieu de culte et de révélation qu’il faut aussi comprendre la fréquente mention de montagnes dans la vie de Jésus : si Jésus aime à se retirer sur une montagne pour prier (cf. Mc. 6/46 par.; Luc 6/12; 9/28 // etc.), c’est sur une montagne aussi qu’il rassemble et élit les Douze, représentants du nouveau peuple de Dieu (Mc. 3/13 par.) ; sur une montagne qu’il apparaît dans la gloire de la transfiguration (Mat. 17/1 ss // : la « sainte montagne » d’après 2 Pi. 1/18) ; sur une montagne qu’il donne rendez-vous aux Onze après sa Résurrection (Mat. 28/16 ss). C’est surtout sur une montagne, la montagne, que Jésus prononce, d’après Matthieu, son « sermon sur la montagne » (5/1 – 8/1), qu’il faut sans doute interpréter – cf. les allusions au décalogue : 5/17 ss – comme le pendant, pour la Nouvelle Alliance, de ce que le Sinaï a été pour l’Ancienne : la charte du peuple qui n’est pas sauvé seulement par Moïse de la servitude égyptienne, mais, par le Christ, de la servitude du péché. Dans Luc 6/17-49, Jésus prononce son sermon après être descendu de la montagne ; la perspective est différente, et le discours du Christ contient, à côté des béatitudes, des malédictions. C’est une parole qui sépare et qui juge, et il faut vraisemblablement l’interpréter comme une anticipation, dans la vie de Jésus, du jugement dernier qui aura lieu quand le Christ ne descendra plus d’une montagne seulement, mais du ciel.