Nous préparons et nous soignons le texte, le matériel, le lieu, l’accueil, le message, mais savons-nous au moins à qui nous nous adressons ?
Entre 2 et 18 ans, tant d’évolutions, de changements, de phases d’apprentissages, de questions qui varient. Notre catéchèse doit tenir compte des paramètres de l’âge tout autant que du reste. L’enfant est un interlocuteur qui, par ses réflexions parfois drôles, parfois désarçonnantes, nous redit où il en est de son développement. Ainsi, pas de panique, adaptons-nous à ses capacités !
- De 4 à 7 ans : l’âge des pourquoi et autres points d’interrogations
L’enfant ne se demande pas « qui il est », il se contente d’être ; il n’a pas encore de passé et ne conçoit pas j’avenir. À l’âge de la pensée concrète selon Jean Piaget, celui des « pourquoi », il n’a pas une vue panoramique du monde qui l’entoure ; à travers les réponses qu’il reçoit, les détails enregistrés en fonction de ce qui le touche personnellement, il construit son présent.
Le jeu permet l’exercice fonctionnel de tous les rouages en formation ; il expérimente en créant des situations imaginaires, en reproduisant des modèles. Appuyée sur la mémoire, l’imagination n’est pas seulement une charmante poésie, c’est la faculté de l’enfant de se mouvoir à l’aise dans l’irréel ; elle est le fruit de ses associations et créations originales de pensée ; cela en fait un terrain d’exercice, d’expérimentation semblable au jeu.
Dans la position égocentrique qui est la sienne (tout part de lui), l’enfant se donne une explication du monde qui ressemble à ce qu’il connaît ; il le pense en fonction de lui, ce qui peut faire dire à 7 ans : « il n’a pas eu de chance Jésus, il est né le jour de Noël » !
Au niveau de l’évolution sociale, dès 3-4 ans, l’enfant est amené à se frotter à ses semblables ; à la crèche, au jardin d’enfants, il vit alors toutes sortes d’interactions. Progressivement, par le déclin de la centration exclusive sur soi au niveau intellectuel comme au niveau affectif, il apprendra à tenir compte des droits et des intérêts des autres, étape indispensable à la vie de groupe. Longtemps, la difficulté à supporter la frustration rend le respect des règles insupportable.
Petit, l’enfant est tributaire dans ses jugements de la toute-puissance imputée à l’adulte et d’un système de valeurs extérieures auquel il adhère sans discussion (c’est bien/c’est pas bien) ; les interdits interviennent souvent dans sa vie de manière magique, comme tombés du ciel ; le développement du sens moral chez l’enfant naît du déclin de la période œdipienne, première constitution de l’identité ; on parle à 7 ans de « l’âge de raison ».
- De 7 à 12 ans : l’enfant collectionneur – quand l’interrogation amène au classement et à l’essai de cohérence
Développant sa connaissance des objets et de leur relation par l’acquisition des opérations logiques de la pensée, selon Piaget, l’enfant devient capable d’introduire une stabilité et une cohérence dans le monde trompeur des apparences par la maîtrise des sériations, classifications, conservations notamment, premières compétences qui déboucheront sur la compréhension des opérations mathématiques et des lois de physique par exemple.
Entre 7 et 12 ans, la notion de causalité permet d’établir des liens entre les éléments par la compréhension et l’anticipation des phénomènes.
Il faut attendre 11-13 ans pour que l’enfant soit capable, selon la difficulté du problème, de coordonner un ensemble de relations multiples ; c’est alors qu’il pourra accéder aux problèmes abstraits.
L’apparition d’une conscience temporelle lui permet des liens, ce qui peut faire dire à 11 ans : « Ah, les Romains de Jésus, c’est les mêmes que ceux du cours d’histoire ? »
Vers 10-11 ans, avec le sens critique, aptitude concomitante au raisonnement logique, moins crédule, il apprend à juger en fonction de la cohérence que cela produit en lui ; très habité de rationalité, de la logique qu’il vient d’acquérir, il met en cause tout ce qui n’entre pas dans ce cadre. On est alors confronté à un : « Ça c’est pas possible, moi j’y crois pas ! »
Vers 12 ans, le sens critique s’applique à tout ce qui peut agiter l’ambiance, et annonce l’adolescence ! Apprendre à lire et à écrire est, après la marche chez le tout-petit, un puissant moyen d’acquérir de l’indépendance, car celui qui lit peut accéder seul à la connaissance. La maturation du langage permet l’accès au sens métaphorique (« avoir un chat dans la gorge ») et à la dimension symbolique du langage.
Dès 8 ans s’ouvre une période de fort investissement des héros, à travers récits, vidéos et BD ; par un mécanisme d’identification, l’enfant peut échapper aux contingences du réel, aux limites frustrantes de la réalité ; par personnage interposé, il maîtrise et se surpasse, nouveau terrain d’exercice de sa compréhension du monde.
Autour de 9-10 ans, une période dite « de latence » est indispensable à la construction de l’identité ; l’enfant met en place des défenses aptes à garantir son objectivité ; le réel observable prend le pas sur le rêve ; porté à un hyper-réalisme et un hyper-matérialisme, on remarque une éclipse de l’imagination, une retenue dans l’expression des sentiments.
Sur le plan social, par la confrontation avec les autres, par la mise en commun d’idées et d’expériences, l’enfant corrige ses illusions et accède à une représentation du monde plus objective ; confrontation physique vers 8 ans, la valorisation porte sur les performances, puis combat et articulation d’idées ; la coopération devient possible lorsque la tolérance à la frustration augmentant, le jeu social amène l’enfant à la maîtrise de son impulsivité.
Le groupe d’enfants devient alors capable de « démocratie » ; les règles du jeu sont élaborées en commun.
Au niveau du sens moral, le système de valeur transmis par les adultes est réévalué à la lumière de l’expérience commune ; la soumission progressive à des valeurs librement consenties est un nouveau pas important vers l’autonomie, prémices de la morale adulte.
- L’adolescence est une puberté physiologique et mentale, une phase d’inadaptation après que le jeune ait été adapté à sa vie d’enfant, dans son corps d’enfant. Le jeune de 13 à 18 ans : monde des valeurs, des modèles et contre modèles
On peut schématiquement dégager deux phases :
1. Une offensive générale contre le milieu familial et l’autorité, désordonnée et paraissant manquer passablement de cohérence ; anarchie qui vise à briser les entraves de l’enfance dans la négation des valeurs et des idées reçues.
On se retrouve alors avec des : « Vous pouvez pas m’obliger ! Ça sert à rien votre truc ! »
2. Puis la crise s’organise en profondeur ; les mécanismes d’introspection et de méditation permettront l’avènement d’un être conscient de son individualité, de ses particularités et des choix que cela entraîne pour sa cohérence interne.
Dès 13-14 ans, l’adolescent, selon Piaget, passe de la pensée concrète à la pensée formelle ; il devient capable de dépasser l’ici et le maintenant pour embrasser le possible, l’abstrait, le passé et l’avenir ; raisonnant sur des idées, il peut s’engager sur la voie de toutes les spéculations philosophiques, politiques, sociales, scientifiques, esthétiques…
Cet essor de la pensée coïncide avec un renouveau de l’imagination alimenté par l’effervescence de l’affectivité, une vie sentimentale intense et une survalorisation du rêve pour oublier les contraintes de la réalité, fragilisation et confrontation parfois douloureuse au réel.
Physiquement et par son développement intellectuel, le jeune a les compétences de l’adulte ; cette dernière phase d’autonomisation mène le jeune à l’insertion responsable dans le monde ; ce qui lui manque encore, c’est l’expérience.
Charlotte KUFFER-BURNAND
commission de l’enfance
de l’Église protestante de Genève