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Des attentes dans l’histoire de Jacob en lien avec l’avent

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Pourquoi parler de Jacob alors qu’on est dans l’attente de Noël, l’attente de fêter l’anniversaire de la venue de Jésus-Christ dans le monde ?

Parce que l’attente fait partie de notre vie de tous les jours

Attendre le bus, attendre un collègue pour travailler, attendre un enfant qui rentre de l’école, attendre le résultat d’un examen scolaire, ou d’un examen médical. Attendre un ami, attendre un parent. Attendre un entretien d’embauche, attendre une réponse. Attendre un jugement, attendre un papier. Attendre les vacances, attendre la rentrée.

Qu’est-ce que je suis en train d’attendre ?

Vous pouvez déjà remarquer dans ces exemples que toutes ces attentes vont être vécues très différemment, selon l’objet de l’attente. Notre état d’esprit est conditionné par ce que nous allons trouver au bout. En soi, le temps passe et rien ne change fondamentalement dans le temps d’attente, uniquement la façon dont nous pensons à l’objet de l’attente.

Pour réfléchir à notre façon de vivre cette période de l’avent, tournons-nous vers une personne centrale de l’ancien testament : Jacob, celui qui deviendra « Israël » (Gn 25, 19-34 ; Gn 27 à 33 ; Gn 35).
Comment vit-il les attentes différentes de sa vie mouvementée ?

1er temps d’attente de Jacob : le sentiment amoureux l’aide à attendre 7 ans

L’attente la plus connue de son histoire concerne sa vie affective. Il arrive chez son oncle pour trouver une femme et tombe amoureux de la cadette, Rachel. Mais l’oncle lui demande de travailler sept ans pour lui avant de l’épouser. Le texte biblique nous dit : Jacob servit sept ans pour Rachel, et ils lui parurent quelques jours tant il l’aimait. ( Genèse (Gn) 29/ 20)

Le sentiment amoureux lui permet de vivre, de faire son travail parce qu’il est dans l’espoir de se marier avec celle qu’il aime. L’attente n’est pas douloureuse car c’est une attente pleine de promesses. Promesse d’un amour qui n’aspire qu’à s’épanouir, promesse d’une vie future à deux pour fonder une famille, avoir une descendance. Cette descendance fait partie de la promesse que Dieu lui fait à travers un songe (Gn28).

Quand les sept années sont terminées, Jacob se fait tromper par son oncle. Il lui donne comme épouse l’aînée de ses filles, Léa. Ce n’est pas la coutume de donner la cadette avant l’aîné.(Gn 29 / 26) Combien de temps cet homme, Laban, a-t-il attendu pour marier ses filles ?
La négociation reprend et Jacob recommence à servir son beau-père sept ans, mais avec l’avantage d’être marié avec ses deux filles.

2ème temps d’attente de Jacob : l’arrivée des enfants habite les sept années suivantes.

Pendant cette deuxième période, Jacob est lié à Laban et ne travaille pas pour lui. Mais on nous parle surtout de l’attente des deux femmes pour avoir des enfants et de la compétition qui se joue entre elles.

Attente douloureuse de la femme stérile

Rachel attend vainement de pouvoir donner un enfant à celui qu’elle aime. Mais c’est Léa qui est féconde et espère ainsi se faire aimer de Jacob. Attente angoissée de Rachel pour féconder la vie. Donne moi des fils ou je meurs ! ( Gn30 / 1) Attente de combler son désir de devenir mère. Attente angoissante devant celle qui enfante sans problème.

On pourrait croire cette attente dépassée aujourd’hui, car notre époque offre aux femmes d’autres façons de s’épanouir, notamment un statut de travail souvent comparable aux hommes. Pourtant, pour ces femmes, se sont développées avec succès les recherches sur la fécondation in vitro. L’humain recule les limites de son impuissance.

L’attente d’une femme stérile révèle l’impuissance de l’être humain à tout maîtriser.
L’attente en général révèle notre état limité d’agir sur le monde, sur des éléments qui peuvent être décisifs pour nos vies. Bien souvent l’attente devient insupportable quand une situation est dramatique et qu’on ne peut rien faire.

Les femmes continue leur course à l’enfant avec un nouveau moyen : les mères porteuses que deviennent leurs servantes : Bilha et Zilpa.
Néanmoins, à la fin des sept ans, Rachel enfante enfin un fils : ce sera Joseph, celui qui amènera sa famille jusqu’en Egypte.
Dans le texte biblique cette naissance déclenche chez Jacob le désir de repartir dans son pays d’origine.

3ème temps d’attente de Jacob : un temps d’enrichissement pour partir

Par ruse, Jacob trouve un moyen efficace de se constituer un beau troupeau de moutons et de chèvres. Il utilise son temps pour lui-même et s’enrichit petit à petit durant environ six ans. Ce n’est pas un temps d’attente qu’il doit utiliser mais c’est un temps d’enrichissement qui diffère son départ. Pour la première fois depuis le début, il devient acteur de son histoire, et maître de son temps. Il en profite même au dépend de Laban qui a abusé de sa patience.

4ème temps d’attente de Jacob : angoisse de retrouver son frère Esaü

Repartir dans son pays, c’est se souvenir de la situation qu’il a laissé là-bas, et qui a simplement été mise entre parenthèse pendant 20 ans. Il est parti car son frère voulait le tuer. Comment envisager alors un retour serein ?
L’attente de cette rencontre va se vivre dans une terrible angoisse pour Jacob. Car il ne connaît pas l’issue joyeuse de l’histoire.

Que va faire Jacob pour supporter cette attente ?

  • Il prie Dieu en reconnaissant son impuissance : je suis trop petit pour toutes tes faveurs et ta fidélité. Mais il remet aussi sa vie dans les mains de Dieu : de grâce, délivre-moi de la main de mon frère.
  • Il prépare des cadeaux pour amadouer son frère.
  • Il doit faire face à une dernière épreuve qui lui est donné de vivre pendant la nuit : il doit lutter avec un personnage mystérieux qui se révèle être un ange de Dieu. (Gn32/ 23-32).

Jacob est mis à l’épreuve dans cette attente. Mais Dieu ne le laisse pas seul. Il répond à sa demande. Même si cette lutte laisse boiteux Jacob, ce qu’il y a gagné c’est la fierté d’être béni par Dieu. La fierté de recevoir une nouvelle identité : celle de tout un peuple. Il se met alors en route vers son frère. IL se met en route vers la réconciliation.

Comment attendre ?

En regardant l’histoire de Jacob, nous pouvons dire que toute attente nous apprend quelque chose sur notre impuissance humaine à agir sur les choses ou sur les personnes. On ne peut pas tirer sur la tige d’une fleur pour la faire pousser plus vite, on ne peut pas obliger quelqu’un à se réconcilier s’il n’y est pas prêt. On ne peut pas faire venir le bus plus vite, on ne peut pas obliger un employeur de nous embaucher.

Par contre, nous pouvons agir sur nous-mêmes. Et en particulier sur notre façon de voir les choses. Jacob ne pouvait voir qu’une issue tragique à sa rencontre avec Esaü. Il ne pouvait pas imaginer les embrassades marquant la paix des retrouvailles.
Pourtant, c’est la réconciliation qui lui est donnée. Quand nous attendons quelque chose, pouvons nous imaginer tous les cas de figures qui seraient possibles ? Souvent non. Nous sommes surpris.

Changer notre regard, c’est le tourner vers Dieu. Car il nous promet sa présence quand nous le lui demandons. Inviter Dieu dans notre attente, quelle qu’elle soit. C’est peut-être un des sens de la période de l’avent : dans toute attente, Dieu peut être présent. Et il est bien souvent meilleur pédagogue que notre impatience ou notre angoisse. Il nous aide à accepter notre petitesse humaine car il s’est fait lui-même tout petit pour nous rejoindre dans notre monde.

Attendre Noël, c’est attendre quelqu’un
C’est être devant notre impuissance humaine, et découvrir quelqu’un qui nous rejoint dans cette impuissance. Jésus nous y rejoint, mais en nous faisant découvrir de quelle façon nous sommes accompagnés par Dieu. Jésus s’est laissé traverser par la puissance de Dieu pendant sa vie pour faire avancer la venue du royaume : il restaurera la vie dans toutes ses rencontres, jusqu’à la nôtre aujourd’hui.

Attendre Noël, c’est se réjouir ensemble de cette présence parmi nous. C’est recevoir cette force donnée par Dieu pour agir et faire exister l’essentiel, c’est à dire ce qui est indispensable à notre vie humaine : la paix, la joie, l’amour, l’espérance.

Crédit : Laurence Berlot