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La catéchèse des enfants pas comme les autres

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Pour le Pasteur Jacques van der Beken, tout a commencé à La Force, en 1970, lors d’un colloque sur la catéchèse spécialisée. C’est son ministère dans les hôpitaux qui lui a révélé à nouveau l’importance de ce travail auprès de ces enfants…Avec les progrès de la médecine dans la réanimation des nouveaux-nés, les drames sociaux et familiaux, les conflits et les désastres mondiaux, il y aura de plus en plus d’enfants inadaptés, déracinés, exclus. Il faut adapter notre témoignage à ces enfants ; l’essentiel est l’amour du Christ ; et c’est dans notre amour qu’ils en recevront témoignage.

  • De quel droit tirerions-nous les verrous là où Jésus-Christ ouvre la porte ?
    Dans les différents centres pour enfants de Nancy, je me trouve face à des inadaptés de tous âges, de tous Q.I. C’est avec eux que je me suis demandé de quel droit tirerions-nous des verrous, là où Jésus-Christ ouvre la porte ? De quel droit émettrions-nous un refus quand Lui appelle ? Comment pouvons-nous sonder les idées et les cœurs sans nous prendre pour le Seigneur ?Je ne peux plus accepter que l’on trace quelque limite que ce soit à la Sainte Cène, aussi bien pour des inadaptés que pour des enfants de tout âge ; tout en sachant très bien que la grâce du Seigneur, libre et surabondante envers tous, appelle une prise de responsabilité de notre part.Un cheminement s’engage, non plus pour «mériter» la communion, mais dans la grâce même qui nous est renouvelée là, pour nourrir notre foi, pour nous faire grandir.Pour que cela forme un ensemble cohérent qui soit modestement et réellement à la gloire de Dieu et pour le bien des hommes, il importe d’élargir l’horizon de notre attention aux gestes, aux sons, à la disposition des lieux et même à la fréquence de la célébration, sans porter une attention excessive aux seules «espèces» de la communion, au pain et au vin offerts, comme si le Christ n’était enfermé que là.
  • Mettre le projet en pratique : faire passer tout autrement le même message !
    Ayant ainsi déterminé le projet dont je me sens responsable auprès des inadaptés, je me trouve bien démuni pour le mettre en pratique.
    Dans les centres où je me rends, malgré la solide bienveillance de la Direction, je ne puis disposer que de quelques minutes d’attention de la part des enfants ; je suis seul dans un coin de salle, sans pouvoir bénéficier de matériel de «travaux pratiques» ! Alors je tente de faire passer tout autrement le même message : par une affection chaleureuse, une fidélité rigoureuse et la joie sincère de pouvoir partager ces brefs instants. II faut à chaque fois chercher un nouveau support d’attention et me lancer bravement dans l’aventure semaine après semaine, à vue et sans radar…
Précautions et implication du catéchète
  • Précautions
     Sur le plan psychologique, l’absence de leur mère et les présences féminines nombreuses sont un des problèmes de ces enfants «placés». II y a aussi les problèmes relationnels avec le père. Pour moi, ce ne sont pas des remarques déplacées mais des questions : qui parle ? à qui ? où et dans quelle situation ? II est impossible de se garder de tout accrochage affectif avec la personne du catéchumène : ce lien est avant tout souhaitable. Mais il est préférable de ne pas y mettre trop d’émotion. II y a tant de choses qui passent dans les yeux, le sourire, le timbre de la voix ; comment nous sommes placés, dans quel lieu. C’est très personnel, peut être trop : j’en suis conscient. C’est surtout trop individuel et ce manque de communauté me peine. Mais que faire ? Comment mettre ensemble deux fillettes dont l’une a 13 ans et un Q.I. de 40-50 et l’autre de 8 ans et un Q.I. de 70-80 ?
  • Implication
    Mais ce que nous appelons catéchisme est un reflet de ce qui se passe d’abord entre Jésus-Christ et chacun d’entre nous. Ensuite le catéchète y met foi, vie, prière et action. C’est pourquoi, il ne doit être en rien obstacle à cette grâce, et c’est ce qui lui donne de l’assurance, car Christ est là avant, pendant et après la rencontre catéchétique.
    Je veux ajouter combien l’amour de Dieu en nous doit être sagesse, pour nous donner la lucidité dans notre approche des aveugles, des sourds, des muets. Certains enfants ont plusieurs handicaps psychomoteurs. Ils n’en sont pas pour autant des sous-hommes.
    Ils ont trop à souffrir dans leur vie pour oser manifester quelque demande. Dans le respect des lois certes, mais aussi avec la hardiesse de notre obéissance, c’est à nous de faire les premiers pas en nous faisant au moins connaître de ces centres. Une chose bien délicate à formuler : les familles ne semblent ne pouvoir que les couvrir d’une chape de secret.

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Cesser d’expliquer : VIVRE !

  • Préparation et contenu
    La préparation exige beaucoup de temps, de minutie, mais il faut aussi mieux prendre le temps de vivre l’expression libre, le culte.
    Pour la «leçon» proprement dite, j’ose avancer le paradoxe de cesser de vouloir expliquer avant de vivre. L’inverse me semble plus juste, comme pour la Pâque juive : vivre d’abord, expliquer ensuite.
    Pour le contenu, je vois plutôt un cheminement balisé par les grandes fêtes chrétiennes.
  • Quelle technique utiliser ?
    Quelle technique utiliser ? Celle avec laquelle nous serons à notre aise. Et être prêt à en changer tout en gardant une structure qui soit un repère : cela aide à situer ces rencontres comme ayant leur valeur propre. Je pense surtout à la partie liturgique, au cadre, à la musique.Ne faisons pas l’économie du texte biblique lui-même. II est des mots, des images, des dialogues qui savent se faire entendre. Dans la Bible, il est souvent question de manger et de boire, de marcher et parler. C’est à cela qu’il convient de faire davantage attention !

Réfléchissons avant de nous lancer dans un symbolisme risqué : celui de la flamme qui brille mais qui brûle et détruit aussi. Les symbolismes peuvent tomber dans la faille d’une personnalité fragile.

  • Prudence dans l’utilisation des mots
    Prudence aussi dans l’utilisation des mots. Sachons bien à qui nous les adressons car il peuvent être susceptibles d’associations très prégnantes : celui de père, avec un caractériel ; pour d’autre ce seront des mots comme justice, pardon et même amour.
    Nous ne pouvons nous contenter de notre seule bonne volonté : penser au préalable aux indications de mouvements dont l’handicapé physique sait mieux que nous qu’il en est privé. La Sainte Cène peut poser des questions que l’on n’imagine pas : avaler le pain, le vin peut rencontrer l’obstacle de la déglutition. Ne l’ignorons pas.
  • Place de la prière
    Essentielle pour moi est la place de la prière. Comment apprendre aux handicapés à se joindre à la prière, à prier eux-mêmes ? Et le chant ? Et l’offrande ? II ne saurait y avoir l’usage de mots rituels, de geste machinaux. Tout doit être porté dans une atmosphère où tous participent du plus sincère d’eux-mêmes.
  • UNE QUESTION ?
    Adultes inadaptés que nous sommes, quand serons-nous capables de prendre place à la Table du Seigneur avec l’enfant inadapté ? Le recevoir du Seigneur comme un frère bien-aimé, heureux d’être au bénéfice du même don, de la même grâce, de la même prière du Christ ?

 

Jacques van der Becken
Archives PointKT   N° 17 Janvier – février – mars 1997