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Le harcèlement à l’école

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En 2017, plus de 700 000 élèves sont victimes de harcèlement scolaire en France, soit près d’un enfant sur dix.  La plupart du temps, les cas de harcèlement débutent dès l’école primaire (12%), tandis que 10% des collégiens sont harcelés et 4% au lycée. Vous avez peut-être vu le film télé qui retrace l’histoire de Jonathan Destin ou encore entendu  des témoignages d’enfants harcelés mis en ligne par vidéo via YouTube ? Ce que l’enfant subit à l’école, ou dans toute situation où il est confronté à un ou plusieurs de ses pairs peut avoir des conséquences graves sur sa vie présente et à venir

Le harcèlement qu’est-ce que c’est

Le dictionnaire « Larousse » propose trois définitions :

  • Soumettre quelqu’un, un groupe à d’incessantes petites attaques : Harceler l’ennemi.
  • Soumettre quelqu’un à des demandes, des critiques, des réclamations continuelles : Les journalistes harcelèrent le ministre de questions.
  • Soumettre quelqu’un à de continuelles pressions, sollicitations : Il faut le harceler pour obtenir quelque chose.

Il y a donc plusieurs manières de comprendre le mot. Attachons-nous alors à la définition qui nous est donnée par l’Education Nationale(http://eduscol.education.fr)

  • Le harcèlement en milieu scolaire se définit comme une violence répétée qui peut être verbale, physique ou psychologique.

Le harcèlement se fonde sur le rejet de la différence et la stigmatisation de certaines caractéristiques. Il revêt des aspects divers en fonction de l’âge et du sexe. Les risques de harcèlement sont plus grands à la fin de l’école primaire et au collège.

On peut considérer qu’il y a harcèlement lorsque :

  • Les agressions sont répétées et s’inscrivent dans la durée,
  • La relation entre l’agresseur ou les agresseurs et la victime est asymétrique.
  • Le harcèlement est inséparable de la mise en place d’une situation de domination.

Le harcèlement peut prendre de très nombreuses formes plus ou moins visibles : les jets d’objets, les pincements, les tirages de cheveux, les moqueries, les surnoms méchants, les insultes, les violences physiques, le racket, les jeux dangereux, la mise à l’écart, la propagation de rumeurs….

Le harcèlement raconté

« Pour Jade, 15 ans, tout a basculé en classe de 5ème . Celles qu’elle considérait comme ses amies l’ont exclu de leur groupe. Une brimade anodine au départ, qui s’est vite transformée en cauchemar. C’était le point de départ d’un harcèlement quotidien, qui a conduit l’adolescente à l’isolement. Cette adolescente, que nos journalistes ont rencontrée, a même envisagé de mettre fin à ses jours. « C’était dur de se retrouver seule face à des personnes qui t’insultent jour et nuit. »

Les insultes ?  » ‘Tu es grosse. Tu es moche.’ Ce sont des mots grossiers auxquels j’ai cru. Je me suis refermée sur moi-même et c’était dur. » C’est la mère de Jade qui préviendra la direction de son établissement. A ce moment-là, son calvaire prend fin. Les harceleurs ne seront cependant pas sanctionnés. Jade, qui a depuis changé de collège, mène aujourd’hui des campagnes de prévention dans les établissements scolaires auprès des adolescents. »

Aujourd’hui, Timéo (11 ans) a emménagé dans la Meuse pour ne plus avoir affaire avec ses bourreaux. Dans son ancienne école primaire en Haute-Marne, le jeune garçon a été victime de trois camarades de classe : « Au début, il était tout seul. Puis il en a trouvé deux autres comme lui. Ils me tapaient tous les jours, dans un coin de la cour. » Et de préciser : « Mais ce n’était pas juste des baffes comme ça. Ils y allaient avec le poing. »

Timéo essaie de se défendre. Sans succès. « A trois contre un, je n’y arrivais pas, » lâche-t-il. Les professeurs ? « Quand j’allais leur dire, les trois autres rétorquaient que c’est moi qui les tapais. C’est moi qu’on punissait. » « On a été incompris, ajoute sa mère. Autant lui, que moi. »
Du cour élémentaire à la dernière année d’école primaire, Timéo ne dit mot. « Il paraissait heureux. Il ne voulait pas que l’on sache tout ça », raconte sa maman. Mais à la rentrée 2017, le silence n’est plus tenable. Timéo vomit, se plaint de maux de tête, de nausées. « On a passé tous les examens possibles, des échographies. On voyait bien que quelque chose n’allait pas niveau des intestins, que c’était dû à un stress. » (https://france3-regions.francetvinfo.fr)

Il faudra du temps avant que le harcèlement soit enfin reconnu et Timéo a dû être déscolarisé. Sa souffrance est devenue une phobie de l’école.

Reconnaitre le harcèlement

Il peut s’agir de violences physiques, psychologiques ou sexuelles. Mais ce qui distingue le harcèlement de la violence est son inscription dans la durée comme nous l’avons vu dans les définitions.

Certains signes peuvent permettre à l’entourage adulte de déceler un possible harcèlement subi :

  • L’enfant ne veut plus aller à l’école.
  • L’enfant est marqué de bleus, son matériel détérioré.
  • L’enfant est épuisé et présente des troubles : peur d’aller en classe, énurésies.
  • L’enfant est isolé.
  • L’enfant est en échec scolaire
Conséquences du harcèlement

L’enfant dort mal, il ne veut plus aller à l’école. Il est fatigué, il fait des cauchemars. Il peut développer de l’eczéma, perdre ses cheveux, avoir des dérèglements hormonaux, notamment pour les filles (retard de règles par exemple), voire un retard de croissance. Il s’isole, joue seul. Certains enfants peuvent devenir agressifs vis-à-vis d’eux-mêmes. Et nous l’avons vu le traumatisme peut aller jusqu’à la phobie scolaire. Il est important que l’enfant se sente soutenu, qu’il garde sa confiance en lui et en l’adulte qui l’entoure. Un enfant qui manque de confiance en lui risque de penser que ses agresseurs « ont raison », et qu’il l’a « sûrement mérité ». Le danger, c’est qu’il ne se confiera pas aux adultes.

Harcèlement comment réagir ?

La bienveillance, l’acceptation de la différence, mais aussi la force de la parole et de la confiance, autant de sujet d’apprentissage auprès des enfants qu’il serait bon de développer. « On en parle plus librement, aussi parce qu’on est en capacité de développer dans les établissements des techniques de prise la parole. 7 % des collégiens et des lycéens se disent harcelés sexuellement ; parmi eux, sans surprise, beaucoup de filles. Toute la problématique du harcèlement, c’est l’isolement ; l’enfant se replie sur lui, se sent responsable de son harcèlement, il se dit que c’est de sa faute. C’est contre cela qu’il nous faut œuvrer pour permettre un changement de posture, au quotidien, et que l’enfant soit sûr de trouver un soutien indéfectible et une écoute. »         (page web du journal « Le Monde » publié en novembre 2017).

Comment réagir face au harcèlement ?

« Prévenir le harcèlement scolaire doit être une lutte constante car cette situation intenable pousse parfois les élèves les plus fragiles à commettre l’irréparable. Une issue tragique à cette souffrance, souvent silencieuse, de l’enfant, qui doit être évitée à tout prix. » L’enfant qui subit moqueries, insultes ou coups s’enferme dans le silence, il se persuade de « mériter » ce qui lui arrive. Il faut donc être attentifs aux signes de mal être pour que la parole retrouve sa place dans une relation de confiance à l’adulte. La première étape de la démarche est d’avertir l’établissement scolaire.

Le gouvernement français met à disposition un numéro vert à l’attention des parents, afin de les accompagner dans leur lutte contre le harcèlement que celui-ci se déroule à l’école (0808 807010) ou sur Internet (0800 200 000).

Il faut savoir aussi sensibiliser les enfants sur le sujet. Qu’ils soient victimes ou témoins, eux aussi peuvent réagir. Ainsi, en cas de harcèlement, l’enfant doit savoir qu’il peut en parler à un parent, un adulte de l’école (surveillant, professeur…) ou encore à un camarade de classe qui serait plus à même d’en parler à un adulte. La violence ne doit être en aucun cas une réponse, seul le dialogue peut faire cesser définitivement le harcèlement. (page Web du magazine « psychologies » Février 2015)

Ce que dit la loi

Les coupables de faits de harcèlement scolaire mineurs âgés de plus de 13 ans risquent des peines de prison et des amendes.

Peines aggravées pour harcèlement scolaire
Sanction Sans circonstance aggravante Avec 1 circonstance aggravante Avec 2 circonstances aggravantes ou plus
Peine de prison 6 mois 1 an 18 mois
Amende 7 500 € 7 500 € 7 500 €

Des circonstances aggravantes existent :

  • Si la victime a moins de 15 ans
  • Si le harcèlement a été commis sur une victime dont la vulnérabilité (maladie, handicap physique ou mental…) est apparente ou connue de l’auteur
  • Si le harcèlement a entraîné une incapacité totale de travail (jours d’école manqués) de plus de 8 jours
  • Ou si le harcèlement a été commis via internet

Dans ce cas, les peines varient selon le nombre de circonstances.

Les mesures et sanctions applicables aux mineurs de moins de 13 ans relèvent de dispositifs spécifiques. Ils ne peuvent en aucun cas aller en prison ou payer une amende. Depuis que l’Etat français se préoccupe des situations de harcèlement en milieu scolaire, des initiatives pédagogiques ont vu le jour. « La journée du 8 novembre est aussi importante car elle permet, grâce à la mobilisation de toutes les institutions d’éducation et des associations, de sensibiliser les élèves, les personnels, et, au-delà, la société entière à la question du harcèlement. Sur cette question la solution dépend en effet de l’unité du monde adulte. » Jean-Michel Blanquer, Ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse. ( www.education.gouv.fr)

Veillons donc à rester attentifs aux signes et surtout prenons soin de garder une relation de confiance avec l’enfant pour que la parole puisse toujours trouver une « porte ouverte ».

Crédit : Emmanuelle DYSLI, Point KT