Point KT

Les enfants sont ritualistes

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Vous est-il arrivé d’accompagner un enfant dans sa chambre au moment du coucher ?
– Tu me racontes une histoire ?
– Oh, tu as oublié quand le loup lui a dit « C’est pour mieux te voir mon enfant.  »
– On n’a pas fait le « bisou-esquimaux ».
– Et maintenant un dernier bisou sur le front et puis « chut ! », on dort jusqu’à demain matin…
– Laisse la petite lumière dans le couloir…Toutes ces phrases ont peut-être été dites par Matthieu quand Caroline est venue le garder pour la première fois… C’est aussi ce qu’il dit à sa maman, à son papa, aux grands-parents, à toutes les personnes qui ont le privilège de partager avec lui le moment du coucher. Matthieu aime les rites, comme tous les enfants, il en a besoin.

Les rites sont d’abord des repères pour lui. Il ne les a pas inventés, ils sont nés d’une relation d’amour et de confiance. C’est pour lui une façon d’être en sécurité, une provision de tendresse, jusqu’au lendemain matin. C’est la certitude que demain maman sera là après la grande séparation de la nuit, une nuit qui serait bien trop noire sans les histoires, les câlins et la petite lumière du couloir…

Les enfants aiment les rites et pas seulement à la maison, à |’heure du coucher. Ils fonctionnent ainsi. Il y a les rites à l’école, ceux de la récré, ceux des moments de loisirs, les rites quand on va chez Mamy…

Y a-t-il aussi des rites à l’’École Biblique ?

Bien sûr ! Quand Élodie et Léa arrivent au temple le mercredi matin, elles posent leurs sacs et leurs manteaux, toujours au même endroit. Puis elles courent dire bonjour à Paulette la monitrice. Elles cherchent Clémence, elle n’est pas encore là. Alors elles ressortent et l’attendent dehors. Elles viennent en avance pour avoir du temps pour la rencontre.

Pendant ce temps les autres aussi sont arrivés, les monitrices, le pasteur, les grands, les plus jeunes, tout le monde est là. On commence par un moment de chants précédé par un grand « Bonjour ». Les enfants ont choisi un de leurs chants préférés, un « Alléluia, Gloire au Seigneur », où l’on se lève et s’assied, les filles sur Alléluia, les garçons sur Gloire à Dieu… Ils aiment beaucoup cette louange qui, il est vrai, ressemble plus à une gymnastique qu’à un temps de recueillement. Maintenant, ils sont prêts pour apprendre un nouveau chant !
Puis c’est le moment liturgique. Ouf ! Ce sont des prières qu’on connait et qu’on aime bien. À cet âge on aime se retrouver en terrain connu, un peu comme Matthieu aime retrouver ses histoires et les rites du coucher.

Et déjà on part dans les groupes. Là, invariablement on commence par l’offrande. Puis c`est le temps du partage des nouvelles de la semaine. On refait « troupe », la communauté cela s’apprend et il faut du temps. On peut alors être attentif à une nouvelle histoire ou à une activité.
Je pourrais continuer ainsi à vous décrire une rencontre d’école biblique dans laquelle beaucoup pourraient se retrouver. À l’école biblique aussi les enfants aiment les rites.

Les adultes dans l’Église en ont souvent une approche négative, comme si les rites étaient un peu tout ce qui reste de païen en nous.

Et si les rites étaient simplement une porte d’entrée ?

L’exemple des enfants nous montre qu’ils font ainsi le passage entre (pour dire vite) le profane et le religieux. Les rites sont pour eux des passages obligés pour se sentir bien, un sas d’entrée.
Quand ils arrivent dans le temple ou autre salle, ils investissent les lieux, ils retrouvent leurs repères, ils ont besoin de se sentir chez eux. Si les tout-petits, à l’éveil biblique ont l’habitude de goûter, c’est un temps fort, cela part du même principe : ils sentent intuitivement qu’ici on les accueille, c’est un lieu de vie, comme à l’école maternelle ; on peut faire confiance…

Le rite n’est pas d’abord bien ou mal, il est un besoin constitutif de l’être humain. Il aide l’enfant à grandir et l’adulte à se situer dans la vie. Par le rite et ce qu’il signifie pour les enfants, ils se donnent les moyens d’entrer en présence de Dieu. C’est aussi pour certains, le témoignage que Dieu n’est pas présent seulement dans ce lieu où ils viennent occasionnellement, mais si présence de Dieu il y a, elle est dans toute la Vie, dans la vie de tous les jours. C’est pourquoi dans ce lieu particulier les enfants ont aussi besoin de signes et de gestes qu`ils connaissent par ailleurs : se dire bonjour, avoir du plaisir à se retrouver, goûter ensemble, partager…

En catéchèse nous allons quelquefois trop vite, nous voulons toujours innover, parce que nous avons peur de la routine. Nous voulons changer de forme, de textes liturgiques, avant que ce que nous disons ne soit devenu clair pour les enfants. Nous avons autant besoin de temps forts, où la nouveauté prime, que de temps répétitifs, où ce n’est pas d’abord la surprise qui est visée, mais le plaisir de rencontrer Dieu avec des mots et des gestes connus. Des mots et des gestes que l’on peut goûter, savourer, mémoriser.

Oui, des rites il en faut. S’ils permettent, parce qu’ils sont répétitifs, de créer les conditions d’une rencontre, certains gestes et signes qui se répètent annoncent le Dieu de |’insolite et de l’inattendu. Les enfants aiment se saluer. C’est important de prendre du temps pour cela. Mais on peut aussi de ce désir « humain », apprendre le sens liturgique de l’accueil et de la salutation au nom de Dieu.
On peut découvrir que dans l’Église il y a des gestes pleins de sens qui nous parlent de Dieu.et que ce Dieu ne se laisse pourtant pas enfermer dans nos gestes. Là ce sont les histoires de la Bible qui vont servir d’exemples.

Il ne faut alors pas louper le temps où ce besoin de rites va prendre plus de contenu. L’Église a en effet ses propres rites, Qu’on le veuille ou non, baptême et cène, liturgie et même prédication sont aussi de l’ordre du rite. On passera alors d’un sens de la définition du dictionnaire à l’autre : du sens large de « pratique réglée, invariable », à celui de « geste particulier prescrit par la liturgie d’une religion » (Dictionnaire Robert). Et on découvrira ensemble, dans la pratique, ce qu’ils ont de structurant pour la foi.

Le besoin structurant de rites peut être une manière d’éveiller les enfants à nos pratiques rituelles dans l’Église. Par exemple, en prenant l’habitude d’entourer avec eux les enfants qui sont baptisés dans la communauté paroissiale. Vivre la liturgie du baptême avec d’autres, c’est comprendre le sens du baptême et au-delà le sens de l’engagement de Dieu avec les hommes, les femmes et les enfants. Pour comprendre le langage de la foi, il faut avoir la chance de vivre plusieurs fois les mêmes choses. Nous sommes ainsi faits. Il faut en tenir compte dans notre catéchèse où nous apprenons à doser le connu et la nouveauté pour découvrir un Dieu qui vient « dans la nouveauté », mais qui était là bien avant nous !

Crédit : Point KT