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Tous capables d’une relation à Dieu !

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Henri Bissonnier, en 1959, dans son ouvrage Pédagogie de la résurrection, dira des personnes handicapées qu’elles sont « Capax Dei ».
Philippe Meirieu, dans Le choix d’éduquer, éthique et pédagogie, ESF 1991, écrit : « l’affirmation de l’éducabilité de tous les hommes n’est en rien une banale constatation, mais bien une pure et simple provocation, une provocation à penser, à imaginer, à agir, à exercer sa liberté ».

Craintes et tremblements !

La première séance de club biblique, de catéchisme, avec cet enfant présentant des troubles autistiques, ou scolarisé en hôpital de jour et ayant un très grand retard scolaire, ou … ; la première séance est pour bientôt. Vous avez accepté l’enfant, dit à sa famille et à lui-même l’accueil de tous par Dieu, sans condition. Vous avez témoigné de votre conviction : chacun de nous est « capable d’une relation à Dieu » (1). Oui, mais demain, en séance ?…
C’est si évident qu’il est nécessaire de le rappeler et de l’affirmer en Église : l’accueil d’enfants ou d’adolescents avec des difficultés de compréhension, de socialisation ou autres nécessite des équipes de catéchètes suffisamment nombreuses. Dans les classes avec intégration d’enfants handicapés, on rajoute un adulte, veillant plus spécialement sur cet enfant-là, sur son intégration. Pourquoi pas en Église ? Ce pourrait être un beau ministère, et l’on peut imaginer appeler à un tel accompagnement lors de nos cultes. Cela, même si les parents de l’enfant accueilli se proposent de rester en séance. Trouver un adulte autre que les parents, cela permettra à ces derniers de « souffler» et à l’enfant d’être comme les autres, hors du regard et des oreilles parentales le temps de la catéchèse.

Comment se préparer à accueillir chacun ?

Sans doute est-il également nécessaire de se préparer à accueillir chacun, à voir en chacun une personne capable de dire « Je » : l’enfant qui passera l’année debout ou sur une chaise à la porte, au seuil, pour ne rentrer vraiment que lorsqu’il donne son avis – l’enfant qui passera l’année sous la table pour n’en sortir que lorsqu’il le décide – l’enfant qui ne saura jamais écrire mais qui apprend à colorier avec l’un de ses membres ou en tenant le crayon dans sa bouche – l’enfant qui ne répond ou ne discute jamais mais, qui se lève quand vous proposez que se lèvent ceux qui veulent recevoir le baptême – l’enfant qui se lève pour danser dès qu’un chant est un peu rythmé… Mais comment se préparer : peut-être en commençant par reprendre 1a liste ci-dessous (2), en équipe, pour partager ce que chacun « ressent » à l’annonce de tel ou tel comportement.
Votre équipe de catéchètes renforcée, vous vous lancez. Autant que faire se peut, si la catéchèse se passe par groupe d’âge, un enfant ou adolescent handicapé physique, handicapé  psychique ou mental peu ou très déficient, suit la catéchèse avec son groupe d’âge, reçoit baptême et cène avec son groupe d’âge ! L’évaluation de 1a catéchèse n’est pas une évaluation faisant la somme la somme des connaissances théologiques, bibliques ou historiques acquises. « Je crois, Jésus-Christ est mon Seigneur », chacun va le mettre en mots et en actes avec ses capacités et compétences !

Des rencontres ritualisées

Dans tous les matériaux édités par Olivétan, Méromédia ou Passiflores, vous trouverez de la matière pour bâtir des rencontres avec suffisamment de ritualité. La présence d’un déroulement de séance ritualisé, rassurant (je sais que l’on commence toujours par chanter deux chants, puis quelqu’un allume la bougie, puis une animatrice raconte une histoire biblique, puis…) est atout pour votre réussite. Chacun de nous a besoin de sécurité, et ce besoin est « à fleur de peau » en situation de handicap.

Après cela : une équipe d’adultes renforcée + un accueil avec son groupe d’âge + une ritualité des séances rassurante ; 1e reste est affaire de créativité.
Pour nous permettre à tous d’oser cette aventure de l’accuei1 des enfants et adolescents handicapés dans nos rencontres de catéchèse, je m’inscrirais volontiers comme héritière de D. Hameline et de Philippe Meirieu (3) racontant l’action du pédagogue comme celle du bricoleur. Osons le bricolage, ses recherches, ses tâtonnements, sa naïveté, ses exigences. Osons aussi la prière pour remercier et demander, porter avec Dieu le souci de la vie spirituelle de chacun des enfants et jeunes qui nous sont confiés.

(1) L’expression du sujet peut être discours, gestes, sourire… De nombreux exemples sont racontés au fil des pages de l’ouvrage de Catherine Fino et Anne Herbinet La pédagogie catéchétique spécialisée, Le Senevé / lSPC 2011. Je citerai ces mots de Giuseppe Morante. p. 90 «Le regard attentif d’un enfant trisomique qui traverse la chapelle pour embrasser celui qui pleure pendant la célébration ; la patience dont chacun fait preuve pour attendre que le plus agité ou angoissé soit attentif. La reconnaissance de cette aptitude à la charité pratique permet que la personne en situation de handicap ne soit pas seulement un destinataire, mais un « sujet reconnu pour son propre témoignage de foi ».

(2) Tous les outils d’animation et pédagogiques qui jouent avec les cinq sens ont bel et bien leur place en catéchèse, afin de se donner toutes les chances de rejoindre toutes les formes d’intelligence.
Il sera alors nécessaire d’avoir dans votre matériel d’animation des outils qui ne nient pas le handicap physique ou menta1 :
Dans les Playmobils avoir le fauteuil roulant et la civière, et garder un ou deux playmobils cassés : il manque une jambe ou un bras…
Pour faire des photolangages sur les textes, avoir quelques photos de personnes avec des handicaps ou autres.
Lors de réalisations manuelles collectives ou individuelles, penser à l’importance du « beau ».

(3) Philippe Meirieu, opus cit p.96 : « L’activité pédagogique s’apparente profondément à celle du bricoleur. Sa recherche est celle d’une- correspondance, souvent mystérieuse, parfois étonnante, entre des événements observés et des propositions effectuées. »

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