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- De l’usage du temps

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Qu’est-ce que la sagesse des Écritures peut apporter, concernant l’usage du temps ? Comment répond-t-elle à cette préoccupation permanente de l’homme au cours de l’histoire et plus que jamais véritable enjeu de société aujourd’hui ? 

Suite de l'article " Excusez-moi, je n'ai pas le temps !"

 


 De l'usage du temps

Qu’est-ce que la sagesse des Écritures peut apporter, concernant l’{yootooltip title[usage du temps] [width=450]}Entre autres documents utilisés pour ce travail : Divers commentaires sur l’Ecclésiaste, Emission AGAPE Présence protestante – Le Jour du Seigneur, sur France 2 de novembre 2006, Question de Temps avec Nicole AUBERT, sociologue, Olivier ABEL, théologien protestant, professeur de philosophie éthique à la Faculté protestante de Paris, Etienne KLEIN, physicien au commissariat à l’énergie atomique, Françoise FORES, professeur de gériatrie, Philippe SIMAY du Collège international de philosophie {/yootooltip} Comment répond-t-elle à cette préoccupation permanente de l’homme au cours de l’histoire et plus que jamais véritable enjeu de société aujourd’hui ?

Dans le texte biblique, cohabitent différentes figures du temps, nous ne les évoquerons pas toutes. Notons toutefois que la vision de l'éternel retour du même, propre aux Orientaux et à certains penseurs grecs de l'antiquité est entièrement éliminée de la Bible, mises à part quelques paroles de l’{yootooltip title=Ecclésiaste]  [width=450]}Il est évident que Qoheleth a été profondément marqué par la pensée hellénistique, c est la première manifestation indiscutable de l hellénisme dans la pensée juive. {/yootooltip} qui le feraient penser . Pour les auteurs bibliques, il y a un commencement (Gen 1/1), un déroulement, et une fin (Mt 34/14).
La création correspond dans la Genèse, à l’organisation d’un temps et d’un espace dont le couple humain est le gérant mandaté par Dieu (Gen 1/1-2, 3).
Dans la langue hébraïque, plusieurs termes sont utilisés pour distinguer des temps différents :
  • -"ha olam" désigne à la fois un avenir ou un passé lointain, le temps incontrôlable et l'éternité sans mesure, la durée illimitée du monde ou de Dieu, le monde et l'éternité qui échappent à l'homme. Il exprime un espace de temps dont la durée est incalculable, c’est le temps immémorial de ce qui est toujours déjà là. C'est le temps de Dieu, temps caché et secret, pendant lequel se déploie le projet divin sur le monde. « Il a disposé avec ordre les œuvres grandioses de sa sagesse, car il est avant l’éternité et jusqu’à l’éternité. Rien n’a été ajouté, rien n’a été ôté. » (Siracide 42/21).
Dans ce temps de l’organisation de la création, émergeant d'un monde chaotique, le tohu bohu, Dieu fait apparaître les luminaires, dont le mouvement va rythmer notre temps et donner les saisons, les jours et les nuits. C'est le temps voulu par Dieu pour l'ordonnancement de ce monde, ouvrage de Dieu encore inachevé nous dit Paul (Romains 8/22)...
  •  Le mot "zeman" désigne un temps fixé, jusqu’à ce que… C’est un terme de l'hébreu tardif, un aramaïsme attesté seulement 8 fois dans l'A.T. (Esd 10/14; Né 2/6 ; 10/35, 13/31; Si 43/7 ; Ec 3/1 ; Est 9/27, 31). En grec, il est traduit par "chronos" pour exprimer une période de temps, la durée limitée, la temporalité; c'est le temps qui court depuis le commencement jusqu'à la conclusion d'un événement ; c'est le temps fixé, la saison, le délai pour un voyage, une fête ou une initiative précise. Dans ce temps, les choses sont réglées avec mesure et l'histoire est finalisée. C’est dans ce temps que l'homme est appelé à jouer un rôle. C’est le temps de l’homme. Ce temps qui lui est collectivement et individuellement imparti, s’inscrit dans ce temps très long où se réalise le grand dessein de Dieu. C’est dans ce temps là que l’homme accomplit sa destinée.
Alors, que nous disent les Ecritures sur la gestion de notre temps ?
  • Au psaume Ps 90/11, la prière de Moïse, homme de Dieu, s'exprime ainsi : Enseigne-nous à bien compter nos jours, afin que nous appliquions notre cœur à la sagesse. Ses paroles témoignent qu’il est important de penser la finitude du temps personnel, d’en être conscient pour vivre sagement. Il faut utiliser la perspective de la mort comme un mur qui fait rebond et qui donne du sens à ce que nous faisons aujourd’hui. Comment peut-on fabriquer une sorte de diététique de l’instant qui passe sans l’idée de la mort ? Au Moyen-Âge, les symboles de la fin et de la mort avaient leur place dans chaque maison, dans chaque rue et plus encore dans le cœur et l’esprit de chaque homme. Aujourd’hui, mentionner seulement la mort est une faute de goût.
L'auteur demande à Dieu la sagesse qui consiste pour lui à apprendre la vraie mesure de ses jours. Cette sagesse lui permet de se tenir à sa juste place devant Dieu. La clef du bonheur, le chemin du bonheur, c’est donc remettre à Dieu sa vie, ses projets, les placer en toute confiance dans sa main. Nous sommes petits certes, mais sûrs de la réussite de son œuvre.
  • Mais quelqu’un ici dira son inquiétude, son angoisse même : « Moi j’ai beau me dire qu’il faut changer de rythme, qu’il faut se laisser ralentir, je souffre beaucoup de l’accélération. Je suis obligé par trop de responsabilités. Je trouve que le train accélère et je voudrais sauter du train en marche. Je ne sais pas où va ce train, je ne sais pas … Je ne suis pas sûr que l’on puisse si facilement que ça le dominer, être optimiste et penser que tout va bien, qu’on va y arriver. Je n’en suis pas sûr. Je suis inquiet. Dans le même temps, je vois d’autres gens qui sont désœuvrés. Et je trouve cette situation, cette évolution tout à fait terrifiante ! »
 Dans les rythmes imposés, contraints par l'exigence de rendement, avons-nous la possibilité de nous dégager ? Pas si sûr que ça ? De quelle façon vivons-nous notre vie au cours de cette période de l’histoire qui est nôtre ? Nous venons d’un passé qui n’est plus; nous allons vers un futur qui n’est pas, nous n’avons que le présent ! Ne le perdons-nous pas en nous précipitant dans une course incessante vers le futur par activisme infatigable ? Nous supposons que le futur sera meilleur que le présent, mais il y a toujours un autre futur derrière le futur proche…
 
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Cadran solaire de Saint Véran 

{mospagebreaktitle=-Prendre conscience de la profondeur de l'instant présent}

Une nouvelle urgence s’impose : prendre conscience de la profondeur, de l’importance de l’instant présent.
C’est vrai ! Le temps a le pouvoir de tout dévorer dans son domaine, mais selon l’évangile de Jean, la vie éternelle est un don présent (Jean3). Celui qui écoute le Christ a déjà l’éternité. Il ne devrait plus désormais être soumis à la course du temps. La révélation est là : le temps a reçu la possibilité de recevoir en lui l’éternité et de nous conduire vers une création nouvelle. Quelqu’un qui ne procède pas de notre temps mais de l’éternité intervient dans notre temps, et c’est cela qui donne du temps à notre temps. Il existe donc une autre réponse à la question existentielle douloureuse du fait d’être sans cesse minuté. Jésus la résume ainsi en Marc 1/15 : « Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est à portée de la main. » Le temps divin fait irruption dans notre temps.
Prenons au sérieux la parole évangélique : Le Royaume de Dieu est tout proche, déjà là et pas encore visible ! Le Royaume de Dieu est là et vous ne le voyez pas. Hâtez-vous ! Rachetez le temps ! Cette tension est extraordinaire. C’est sûr que si l’on ne garde que l’un des deux aspects ça devient ingérable, ça devient dangereux, on va verser dans le culte de l’urgence … ou de l’immobilisme à l’image de certains fondamentalismes !
Acceptons donc en même temps que cette parole soit inscrite dans un long travail de mûrissement… « Pour toi Seigneur, mille ans sont à tes yeux, comme le jour d’hier quand il passe, et comme une veille de la nuit. » (Ps 90/4)
L’important c’est d’être présent au présent, de tenir nos lampes prêtes, de ne pas nous endormir, de veiller et d’agir, de travailler pour la justice ! Ainsi nous hâterons l’avènement du Royaume !
Mais ne s’agit-il pas là d’un autre activisme ? Ouvrons les yeux !
  • « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », ce commandement nous rappelle qu’il y a deux types de temps, le temps pour soi, le temps pour les autres.
Le temps pour soi diminue, et c’est cette expérience douloureuse de la finitude humaine, qui pousse le psalmiste à prononcer les paroles extraordinaires du psaume 90 : « La durée de nos jours déclinent… nous achevons nos années comme un murmure. La durée de nos jours s ‘élève à soixante-dix ans, pour les plus vigoureux, à quatre-vingt ans… cela passe vite et nous nous envolons. » (Ps 90/10)
Le temps pour les autres comprend le temps familial, le temps des amis, auxquels nous pouvons ajouter le temps professionnel. Prendre soin des autres est une expérience enrichissante, que ce soit dans le cadre de son travail, de son cercle familial ou amical, ou bien comme bénévole. Cependant, nous pouvons en arriver souvent à nous oublier nous-même, alors cela nous semble épuisant. Un temps pour prendre soin des autres nous invite à maintenir un équilibre. Plus nous serons attentifs et compréhensifs avec nous-même, plus nous serons capables d'en faire autant pour les autres. Restons fidèles à nos besoins, ressourçons-nous, prions. Avec ces conseils, nous transformerons notre vie et celle de notre entourage.

Il est intéressant de se souvenir au passage que le temps présent de l’homme ne correspond pas au temps défini par les physiciens, faits d’instants successifs, jamais ensemble par définition. Voilà comment {yootooltip title=Etienne Klein] [width=450]}Le temps, 1996, éd. Flammarion ; Les tactiques de Chronos, 2004, éd. Flammarion et Conférence à l’Université de tous les savoirs du 6 juillet 2000{/yootooltip} illustre son propos : « Le temps de l’homme, le temps psychologique, le temps de la conscience, le temps subjectif, est constitué de plusieurs sensations enchevêtrées, structurées comme un cordage tressé, fait de multiples brins plus ou moins longs, de multiples fibres plus ou moins fines. Il y a au sein du présent une sorte de coexistence qui s’élabore en mélangeant un peu de passé plus ou moins récent et un peu d’avenir proche, imminent. Notre perception du présent a une durée de l’ordre de deux secondes et un dispositif de notre conscience établit une continuité. Le temps psychologique unit ce que le temps physique ne cesse de séparer. Par exemple lorsque vous écoutez une mélodie de musique : la note précédente, la note qui vient d’être jouée est retenue avec la note présente et la projection de la note future et l’ensemble forme une sorte de structure harmonieuse. Sans cette alliance au sein de la conscience, chaque note serait isolée et il n’y aurait pas de mélodie à proprement parler. »  
Puissions nous vivre le présent, sans défigurer cette harmonie !
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Cadran solaire de Fontgillarde 

{mospagebreaktitle=-Recevoir le discours de l'Ecclésiaste ou Jésus et Qoheleth}

Nous sommes parvenus, au point où nous ne pouvons pas esquiver le discours de l’Ecclésiaste / Qoheleth.

Dans l’Ecclésiaste par exemple tout est vain, mais il y a un temps pour tout. Pour lui, l’homme est incapable de saisir le sens de ce que Dieu fait ou veut faire à travers la succession des moments qui fuient vers le néant. Il lui revient de respecter le déroulement des temps et de vivre à l'intérieur de la vie rythmée des événements.
Comme il le dénoncera lui aussi, les Stoïciens, disaient déjà : "Certains sont possédés par le désir toujours inassouvi de posséder de plus en plus de choses. D'autres s'épuisent à faire des travaux ou des tâches superflus. D'autres s'adonnent à la boisson, à la paresse; d'autres sont dévorés par l'appât du gain et s'exténuent à faire du commerce dans tous les pays, sur toutes les mers. D'autres sont agités par le désir de faire la guerre, ne pensant qu'à mettre autrui en danger, inquiets de celui qu'ils courent eux-mêmes et des risques qu'ils prennent pour leur propre vie. D'autres enfin passent leur vie comme asservis à la nécessité de devoir courtiser leurs supérieurs sans pour autant que ceux-ci ne leur en témoignent de la reconnaissance ni ne les paient en retour".

Qoheleth s’est plongé dans toute la possibilité humaine, et il a vu ce qui était possible et il a parlé avec sérénité, acuité, rigueur, de son expérience. Il se met, lui, Qoheleth, totalement en question en commençant par montrer tout ce qu’il a fait et apprendre que cela n'était rien. Qoheleth est le contestataire absolu. Il affirme tantôt que le bonheur n’est rien, et ailleurs que la seule chose que l’homme puisse faire raisonnablement dans la vie, c’est de prendre de la joie.
Qoheleth aime l’argent et la richesse dans la mesure où ils permettent une vie confortable ; mais il les craint à partir du moment où le souci de les acquérir empoisonne la vie (5/9-16). Il condamne la rapacité des aristocrates et des riches insatiables qui raffolent de parader. Ce n’est donc pas nouveau si l’on songe aux grands procès pour délits financiers. Qoheleth s’en tient à l’absurdité de cette conduite. Amasser des trésors et la nuit ne plus pouvoir dormir (5/11), thème d’une fable bien connue. L’évangile ne transformera pas fondamentalement cet énoncé. Jésus condamnera lui aussi l’inquiétude de ceux qui cherchent avec avidité les biens terrestres ! (Lc. 12/13-21). Lui-même sera accusé par ses ennemis de manger et de boire, d’être un glouton (Mc. 2/15-17). On ne lui reproche pas son ascèse, comme à son Maître Jean, mais sa goinfrerie ! ! ! (Mt. 11/19).

Quant au récit du malheur du riche ruiné, qui n’a plus rien à léguer à son fils (5/12-13), Qoheleth l’a peut-être imaginé à la lecture du livre de Job 1/21 que rappelle la phrase : « Tel qu’il était né du ventre de sa mère, tout nu il repartira. »
Par contraste Qoheleth en revient à ses propositions pour une vie heureuse (5/ 17-19). La vie est courte, le seul bien-être sans mélange est l’absence de soucis. Le corps doit être nourri et abreuvé, c’est là un don de Dieu. La richesse est donc bonne à condition d’en user sans en abuser. Et Dieu l’a voulu telle. Mais pourquoi y consacrer sa vie et que d’aléas dans l’usage de cette richesse (6/1-2). Il est des hommes à qui leur santé ou la mort enlèvent leur fortune. Elle passe aux mains de leurs héritiers et c’est l’autre qui consommera tout et pour lui, c’est une souffrance et un scandale pour Qoheleth (2/18-23 et 6/3-9). Les lecteurs de Qoheleth se souvenaient sans doute des conditions désastreuses dans lesquelles s’était ouverte la succession du Salomon de l’histoire. Ils se rappelaient la sottise de Roboam qui avait abouti au schisme. Ainsi le plus sage des rois avait-il eu pour héritier un fils stupide (I Rois12).
L’homme qui plaît à Dieu est d’après l’Ecclésiaste celui qui possède sagesse, science et joie, c’est à dire celui qui use de sa sagesse et de sa science pour jouir des biens du monde en chassant la crainte. En revanche, Qoheleth nomme imbécile celui qui passe son temps à accumuler dans l’anxiété. La bénédiction divine c’est la joie de vivre, l’inquiétude est une malédiction. Ainsi, l’ascétisme de l’avare, les insomnies de l’ambitieux, la recherche ardente de la volonté de puissance, Jésus et Qoheleth sont d’accord pour les réprouver !
Qoheleth insiste aussi sur la dépendance de toute réussite par rapport au temps. Il n’y a qu’à relire les chapitres 3 et 12 : Il y a un temps pour toute chose sous le soleil et ... jeune homme souviens-toi de ton créateur durant ta jeunesse. Qu’importe les héros des dynasties antédiluviennes, qu’importent les 979 ans de Mathusalem, s’il n’a pas été heureux. Le temps ne nous appartient pas, aujourd’hui comme il y a 2500 ans, c’est la seule chose que nous ne puissions en rien maîtriser !
En conclusion, la morale traditionnelle affirmait que celui qui accomplit la volonté de Dieu doit être heureux. Qoheleth en gauchisant le sens des termes laissés par ses prédécesseurs affirme que celui qui est heureux suit la volonté de Dieu.
La sagesse des professeurs appelait le pécheur un fou. Qoheleth aussi, mais il se réserve le droit de définir le mot. Un pécheur est celui qui néglige de s’efforcer de progresser dans le bonheur. {yootooltip title=[R.Gordis]}Koheleth, The man and his world, New York, 1951"{/yootooltip} « Il faut donc prendre garde au sens particulier que Qoheleth donne au vocabulaire traditionnel des sages. »  Jamais la pensée hébraïque ne fut doloriste.
Si nous pouvons réunir les perles de ce livre et les suivre selon le fil conducteur clairement indiqué : un bout du fil est la vanité, l’autre bout, Dieu présent.
Voici donc l’éloge de la fragilité ! Voilà la leçon de Qoheleth !
Certes, les techniques évoluent, et l'on peut se demander ce que l'Écclésiaste aurait dit devant ces personnes qui passent quotidiennement des heures devant leur écran de télévision ou d'ordinateur, se laissent traverser par des milliers d'images extérieures, et oublient de soigner leur image intérieure avec laquelle ils ont été créés et qui les relie à Dieu. En perte d'image, l'homme erre en tâtonnant dans un monde obscur.
Ecrit dans un contexte particulier cette parole biblique s’applique à notre temps comme si elle avait été écrite hier et pour nous.

Ce texte est là dans son réalisme sans faille, sans fuite mais aussi, sans désespoir et sans excès le plus sombre qui conduirait immanquablement à la mort. Qohélet est un grand discours interpellateur avec l’alternance des constats de désespoir et l’affirmation des raisons d’espérer. Ne s’agit-il pas d’un texte thérapeutique pour faire sortir le désespoir du roi, et le roi du désespoir, à un moment où celui-ci se trouve en crise, dans l’amertume de la fin de son règne ?

 Conclusion

Paul Tillich nous dit  : « Le temps est notre destin. Le temps est notre espoir. Le temps est notre désespoir. Le temps est aussi le miroir où nous voyons l’éternité . » Alors aujourd’hui, selon l’expression d’Alain Houziaux, « Prends cette gorgée de vie, prends cette gorgée de temps que Dieu te donne, prends-la et dis seulement : amen et merci ». Saurons-nous le partager avec nos enfants ?
 

Nicole VERNET 

 
 
 

 

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- Des objectifs pour la rentrée

Image    Le regard du cœur et la catéchèse

Apprendre à regarder avec les yeux du cœur et de l’esprit est un des axes forts dans la proclamation de l’Evangile. Le comité de rédaction du POINTKT a décidé de centrer son travail sur les thématiques, certes multiples, de la mondialisation.

Si celle-ci a des conséquences diverses et contradictoires, nous relevons néanmoins et constatons, parmi les conséquences positives : la communication entre les êtres humains, sa rapidité et le partage du savoir. Parmi les conséquences négatives, nous soulignons l’augmentation de la vulnérabilité individuelle, l’atteinte de l’environnement, la course à la seule rentabilité, l’homme devenant objet, et le néolibéralisme économique.

Nous sommes par ailleurs devant une situation et une prise de conscience qui en appelle à l’urgence. Nous avons donc décidé d’éditer de manière privilégiée des thèmes et des outils qui sont en relation avec cette prise de conscience .Si nous avons entamé notre démarche ce n’est pas sans faire appel à toutes les richesses catéchétiques qui déjà interpellent. Aussi, si vous avez quelque chose à mettre en ligne, faites le nous savoir !

Nous lisons dans les évangiles, Luc.4. 18 et 19:
Jésus trouva le passage où il est écrit : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a conféré l’onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, il m’a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année d’accueil par le Seigneur »

L’effet le plus sournois de la mondialisation réside probablement dans le risque que l’intérêt de quelques uns l’emporte sur le général. Le péril est réel puisqu’il touche à l’essence même de notre être humain. De sujets, nous deviendrions objet, c’est à dire des êtres vidés de leur culture, de leur sens et de leur conscience. Le regard vide de l’homme objet n’aurait alors d’égal que le regard vide de celui par qui ce scandale serait arrivé. Apprendre à regarder avec les yeux du cœur et de l’esprit est un des actes fondateurs de l’Evangile de Jésus qui vient apporter la bonne nouvelle aux pauvres, la délivrance aux captifs et le don de la vue aux aveugles. Le Fils de Dieu ne s’est pas contenté de discours, il a su s’arrêter et regarder l’autre dans ses questionnements, avec authenticité et compassion. Ce don de la vue aux aveugles m’apparaît aujourd’hui comme une urgente nécessité dans ce contexte de la mondialisation.

La catéchèse doit aussi se donner cet objectif : nous inviter et nous apprendre, petits et grands, à nous conduire et à regarder l’autre comme un frère, comme une sœur. Elle peut aussi nous inviter à regarder avec les yeux du cœur ce que nous consommons, ce que nous mangeons, ce que nous regardons et lisons. Oui la catéchèse est là aussi pour stimuler notre foi pour une réflexion et en engagement vers plus de paix, plus de justice, plus de fraternité et…pour un autre regard. C’est dans cette optique que nous souhaitons développer nos prochains objectifs catéchétiques pour l’année à venir. Les publications pour préparer la rentrée 2007, traceront les sillons de cette large thématique.
                                        

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- Dis, comment on jouera dans le Royaume ?

Image Leçon de jeu donnée par ceux que nous appelons ici « différents » et par cette interprétation évangélique de la Loi : penser d'abord au plus faible.

« Dis,  comment on jouera dans le Royaume ? »

Leçon de jeu donnée par ceux que nous appelons ici « différents » et par cette interprétation évangélique de la Loi : penser d'abord au plus faible.

 

  • J'ai gagné une médaille !
 
À la première rencontre de catéchisme, avec ma toute première volée de jeunes handicapés, une fille m'informe : « La semaine prochaine, nous ne serons pas là, il y a la journée sportive inter-institutions ». Et elle ajoute dans un aparté : « Si tu me donnes quelque chose de toi, je le prends avec moi, et je vais sûrement gagner. »
Perplexité de ma part. Pour me donner le temps de réfléchir, j'ouvre le coffre de ma voiture et j'y dépose mon matériel. La jeune fille en profite pour s'emparer de ma couverture de voiture, et elle s'enfuit en criant : « Je te la rendrai après la journée sportive ! »
Deux semaines plus tard, elle me rend mon bien, rayonnante : « J'ai gagné une médaille ». Je suis encore plus perplexe que la première fois : ma couverture a donc fait un tel effet ? Un éducateur me glisse à l'oreille, en passant : « En fait, ils ont tous gagné une médaille ! »
  1. J'ai ainsi compris dès le début deux choses capitales du monde des personnes handicapées : Ils aiment jouer, tous, autant qu'ils sont, et quels qu'ils soient.
  2. Ils n'aiment pas quand il y a des perdants, ils se réjouissent quand tout le monde gagne.
  • Le monde des personnes handicapées est un monde où le jeu rend heureux
 
C'est un monde sans compétition possible. Chacun agit toujours au mieux de ses capacités, mais les capacités de chacun ne sont ni mesurables, ni comparables. Impossible d'avoir deux joueurs de capacités exactement semblables, avec des chances exactement identiques. Impossible de mettre la règle du jeu au-dessus de tout. Des joueurs handicapés vont respecter la règle, certes, mais s'ils voient un concurrent en difficulté, il sera plus important de ralentir le rythme pour l'attendre, que de respecter strictement la règle.
Les règles du jeu existent, mais si les règles habituelles exigent que le vainqueur écrase ses concurrents, si le dernier arrivé est montré du doigt, à la limite de l'humiliation, si les règles sont trop difficiles pour certains joueurs ou trop contraignantes pour le groupe, alors on change les règles. Et peut-être plusieurs fois au cours du jeu si c'est nécessaire. La seule règle : penser d'abord au plus faible.
On est même au-delà des principes des jeux coopératifs : là, un joueur qui fait bien, fait gagner toute l'équipe ; ou un joueur qui fait mal, fait perdre toute l'équipe, même si la plus grande entraide possible permet parfois de contourner le piège.
 
 
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  • Avec des personnes handicapées, il n'y a pas de piège. Il n'y a que la joie de jouer.
 
J'évoque ici deux épisodes de jeu :
• Un samedi soir, après une célébraion et un pique-nique avec des personnes mentalement handicapées, nous avons joué à des jeux de société. Nous étions une quarantaine, dont environ 8 animateurs qui avaient apporté des jeux divers. Les groupes se sont formés. J'avais apporté un jeu de loto, avec les plaques, les chiffres, les caches, mais pas de lots. Je pensais que les jeunes du groupe allaient réclamer les lots. Pas du tout ! Nous étions cinq, celui qui savait lire tirait les numéros. Les autres surveillaient leurs cartes, mais aussi celles du voisin pour lui dire : « regarde, c'est le 26, c'est 2 et 6, tu as un 26 ici, tu dois le recouvrir ! » Et on attendait que tout le monde ait bien repéré la présence ou l'absence du 26 pour tirer le numéro suivant. Et quand le premier a recouvert tout son carton, il l'a simplement mis de côté pour aider son voisin à continuer. Et on a crié victoire (mais alors, vraiment crié) que lorsque le dernier numéro fut recouvert. Nous avions tous gagné. Quelle leçon ! Ce fut ainsi dans tous les groupes, chacun avec son jeu, dans une joie et des rires très bienfaisants.
.
  • Des jeux sans vainqueurs ni vaincus

Un autre samedi soir, avec des jeunes sourds, soirée de jeux, mais d'un autre genre.
Là encore, il fallait penser :
• aux plus faibles : les deux qui ont en plus des problèmes de vue ; la jeune fille qui a un équilibre instable ; celle qui est légèrement hémiplégique,
• à la crainte de tous de se toucher,
• à l'habitude de regarder les visages derrière les mains qui signent.
Nous avons fait des jeux inspirés des « New Games » (imaginés pour les soldats américains de retour du Vietnam). Des jeux sans vainqueurs ni vaincus, des jeux où on se compare sans concurrence, des jeux où on se fait confiance. Par exemple des jeux de classement par ordre de grandeur (les plus grands à gauche, les plus petits à droite), par date de naissance (1er janvier à gauche, 31 décembre à droite), par couleur des yeux (les plus foncés à gauche, les plus clairs à droite), etc. Ainsi, personne n'est jamais toujours premier ni toujours dernier ; ce n'est pas mieux d'être à gauche qu'à droite, on change de place selon les critères. Et on se regarde, on se parle, on s'entraide pour trouver la bonne place. Ou bien encore les chaises musicales, où l'on enlève les chaises mais pas les joueurs, et où il faut se faire confiance quand, à la fin, on se retrouve à 15 sur une seule chaise ! Dernier jeu : « On my knees, please ! » Nous ne sommes jamais tombés.
Oh oui, nous aimons jouer ! Et c'est si reposant de ne pas connaître le pincement au ventre de la défaite... ou la crainte de ne pas pouvoir, mais seulement l'éclat de rire de la fin du jeu. On a de la peine à s'arrêter.
Ce sera sûrement ainsi dans le Royaume, non ?

Anne-Lise Nerfin, pasteur de la Communauté œcuménique  des personnes handicapées et de leurs familles, et de la Communauté des sourds et Malentendants

Archives  PointKT N° 46 juillet, août septembre 2004.
 

 

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- Dieu parle avec des symboles

Image Les symboles, moyens de communication
Il existe deux catégories de phénomènes religieux : les croyances et les rites. Les croyances relèvent de l’abstraction, ce sont des discours sur Dieu, sur l’humain et sur leurs relations. Les rites relèvent de l’action, ce sont des comportements codifiés où l’humain et le divin sont mêlés. L’un est pensée, l’autre est mouvement.

 


La séparation n’est cependant pas aussi franche. Le mouvement rituel est pensé et l’expression de la pensée est ritualisée. A l’époque de la Réforme, Zwingli combat le rite parce qu’il s'est transformé en superstition. Le mouvement se vit alors sans être réfléchi. Il veut, par la pensée, ( la Parole de Dieu) libérer le rite des comportements irrationnels, autrement dit de la superstition. A l’époque de Zwingli elle est tellement répandue que le mouvement réformé va très loin dans la lutte contre l’obscurantisme en matière de rites. Il fait de ces derniers une simple béquille liée à l’imperfection de l’humain, incapable de saisir le divin dans toute sa plénitude. Au bout du compte, dans le protestantisme le discours écrase le rite.

Or la pensée n’est pas en mesure d’aborder pleinement tous les aspects des choses ultimes. Il ne s’agit pas d’une imperfection de l’humain, mais d’un trait inhérent aux réalités qui nous surpassent. Rite et pensée se complètent mutuellement. Le rite n’est pas une béquille mais l’une des deux jambes de l’être religieux. Parallèlement, la pensée s’exprime de façon ritualisée. Tout discours, s’il veut être efficace, prend une forme rituelle. Cette forme permet au destinataire du discours de voir que le message lui est destiné. Il repère ainsi plus facilement le fonctionnement du discours. La presse, qui reproduit quotidiennement la même forme de présentation de l’information en est le meilleur exemple.

Notre société utilise de plus en plus le langage indirect des symboles pour exprimer des pensées, décrire des réalités ou susciter des désirs. Le langage symbolique retrouve une légitimité que l’hégémonie cognitive avait mise à mal. Or le rite est le lieu par excellence du langage symbolique. Le rite peut, à notre époque redevenir pleinement Parole de Dieu.


Les rites ont plusieurs fonctions

D’abord, le rite fédère les membres d’un même groupe qui se reconnaissent entre eux et vis à vis des autres. Les symboles doivent être spécifiques aux membres du groupe, pour qu'ils se reconnaissent.

 

Par ailleur, le rite relie les participants à une vision du monde qui les surpasse. Il rappelle le sens du monde et de l’existence. Grâce au rite, l’humain faible, au destin incertain et au raisonnement limité, participe au divin. La symbolique doit être ici relativement universelle pour être signifiante.

Le rite constitue en effet également une réponse au trouble devant l’inconnu. Les rites de passages en particulier, aident à gérer l'angoisse devant un avenir nouveau et inconnu.

L’évolution des rites et le développement de nouveaux doit tenir compte de leur fonction et du sens symbolique des éléments qui les constituent.


L’Eglise doit offrir des rites de passage

Le baptême peut fonctionner comme le premier rite de passage de l'existence. Un rite de passage efficace se prépare et se célèbre pour des individus et pour leurs proches. Si le baptême faisait l’objet d’une célébration particulière comme le mariage et le service funèbre, son importance serait valorisée aux yeux du public. En organisant des célébrations pour le mariage et les services funèbres en dehors des célébrations habituelles, l’Eglise renforce leur importance aux yeux du public. En célébrant Baptême et Cène pendant les cultes réguliers, l’Eglise diminue leur importance aux yeux du public. Exemple typique où la pratique n'esprime pas la théologie !

Le moment de l’adolescence pose problème puisque ce n’est plus un moment mais une longue période. Elle commence en effet assez tôt, vers 12 ans, c’est à dire à l’âge où, en général, les jeunes entrent au catéchisme. Elle se termine très tard. Il y a au moins deux périodes d'adolescence : la période "juridique" et celle "d'autonomisation". La période juridique concerne les jeunes entre 14 et 18 ans. Ils acquierrent petit à petit des droits et des devoirs. Le droit de rouler en scooter et celui de conduire une voiture balisent cette période. Ensuite arrive la période où, en phases successives, le jeune quitte le foyer famillial. Il s'installe avec un conjoint mais peut continuer à amener, tous les samedis, son linge chez ses parents. La fin de cette longue période, l'entrée dans "la véritable période adulte",  n'est guère balisable par un événement précis. D'une manière humoristique disons qu'elle se termine...lors du baptême du premier enfant !

Dans beaucoup d'Eglises protestantes, le catéchisme se situe au moment où les enfants entrent dans l'adolescence, de 12 à 14 ans. Le catéchisme, dans son ensemble, peut constituer ainsi un rite de passage entre la période de l'enfance qui se quitte de nos jours vers 11-12 ans et l'entrée, vers 14 ans, dans la longue période des diverses phases amenant à  "la période adulte", dont baptême du premier enfant, pourrait constituer le rite de passage idéal !

Si la confirmation marque l'entrée dans "la véritable période des adolescences" (c'est ainsi qu'en réalité elle est vécue de nos jours) quel sens lui donner ? Traditionnellement au cours de cette célébration le catéchumène "confirme les voeux du baptême" et confesse sa foi, devant Dieu et devant l'assemblée. En général, il promet de vivre en chrétien car il est désormais considéré comme responsable de ses actes. Or sa mentalité ne fait que commencer à évoluer, toute affirmation ne peut, à cet âge, qu'être révisable. La confirmation ne peut de ce fait que prendre un autre sense. Elle devient la célébration où l’Eglise annonce que Dieu confirme la promesse qu’il fait, à chaque être humain, lors de sa naissance. La catéchèse de l’adolescent peut prendre appui sur le rite. Cette pratique est conforme à celle de la Bible où la participation au rite précède la catéchèse. Voir par exemple Exode 13.11 à 16 ; Deutéronome 6.20 ; Josué 4.4 à 7.


Pour créer de nouveaux rites

L’Eglise délaisse deux autres passages très importants : le divorce et le départ à la retraite. La création de rites adaptés à ces deux passages serait une tâche importante mais difficile.

Un rite comprend toujours des éléments visibles. Il est vécu avec les cinq sens. Un rite a une signification si les objets et les gestes utilisés évoquent tout ou une partie de ce que le rite doit exprimer. Le rite chrétien est accompagné de paroles compréhensibles par tous même par ceux qui n’ont pas été initiés. Ceci exclut du rite toute formule obscure du type “Nous sommes ici pour attester la grâce prévenante de Dieu”. Un rite chrétien est célébré par une ou plusieurs personnes mandatées par l’Eglise, dans un cadre correspondant à une pratique d’Eglise. Tout repas où du pain est partagé et du vin circule n’est pas sainte Cène. Quelle que soit sa fonction, le rite chrétien est conçu pour exprimer la Parole de Dieu. Tous les éléments constitutifs d’un rite participent à cette expression.

Il n’existe pas encore à l’heure actuelle de grammaire du rite qui permettrait de faire évoluer la pratique pour l’adapter aux nécessités du temps. Le christianisme possède cependant une source d’inspiration tout à fait remarquable : la Bible. Le livre d’Alfred Marx et de Christian Grappe, {tip Le sacrifice::Vocation et subversion du sacrifice dans les deux Testaments: Labor et Fides, Genève, 1998,98 pages}Le sacrifice{/tip}, prouve, s’il en était besoin, toute la richesse de la Bible dans le domaine du rite et du langage symbolique.

© Claude Demissy, Eglises Protestantes d'Alsace et de Lorraine, 1999.

 

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- La liturgie, une pédagogie différenciée

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La liturgie : communication non verbale
{tip La liturgie::Mot grec : désigne, dans l’antiquité, le service des citoyens pour les tâches d’intérêt collectif}La liturgie{/tip} désigne le culte chrétien dans son ensemble, avec ses différents éléments et son déroulement. Après l’époque apostolique, le mot désigne les services que les chrétiens rendent à Dieu. Le vocable est souvent utilisé de nos jours pour distinguer la partie rituelle du culte de sa partie homilétique. Dans cet article, le mot "liturgie" désigne le déroulement de l'ensemble du culte, retour partiel à l’étymologie et à l’usage ancien.

Ce texte est paru en 2002 à l'occasion de la publication de l'ouvrage Toutes ces rencontres .

 

 


Le rite, moteur de la liturgie

Le rite désigne la succession organisée des éléments d’une pratique cultuelle. Chaque partie du rituel comporte une part de paroles et une mise en scène : actes et attitudes des participants, décors, espace, etc. La répétition à l'identique peut concerner l’ensemble de l’élément rituel, y compris les paroles à prononcer. Elles et reviennent alors régulièrement (commencer toujours par « Au nom du Père … »). Inversement la succession ne peut concerner que la forme de l’élément liturgique, laissant à l’officiant le choix de paroles originales à chaque célébration (commencer toujours par une parole d’accueil). La répétition réside ici dans la mise en scène (commencer par écouter un jeu d’orgue, une parole d’introduction puis se lever pour chanter). Dans cette approche c’est en quelque sorte le support de la communication qui est marqué du sceau de la régularité, le contenu (les textes utilisés) changent à chaque célébration.

Nous avons publié {tip un ouvrage::Toutes ces rencontres: Cent idées pour célébrer avec les enfants, Paris, 2001, diffusion Olivétan, Lyon.}un ouvrage{/tip} de célébrations pour enfants ou la liturgie respecte le principe de la répétition ritualisée. Les rencontres commencent toujours ainsi : les enfants sont accueillis en recevant un badge où ils inscrivent leur nom. La couleur du badge détermine le groupe où ils se retrouveront le moment venu. Ils vont ensuite s’asseoir sur un tapis et apprennent le chant. La répétition de ce mode d’accueil en fait un rite qui sécurise l’enfant. Ensuite chaque élément du culte revêt une forme spécifique et le participant peut sans peine repérer où il en est.

La presse utilise abondamment cette technique pour permettre au lecteur de s’orienter. Le magazine {tip Pomme d`Api soleil::Nous nous référons à l`année 2001.}Pomme d`Api soleil{/tip} présente toujours la même structure : d’abord deux pages de BD avec des personnages contemporains, puis une narration biblique, ensuite quatre pages centrales détachables, une page « bricolage », une BD biblique et une fresque contemporaine terminent le numéro. Chaque déroulement propose donc des petites séquences toutes différentes dans leur forme, mais cette suite est reproduite à chaque fois. La même observation pourrait être faite avec la presse adulte. La une des journaux présente différents modes d’expression, photos, titres, sur titres etc. mais la même panoplie revient chaque jour selon un même dispositif. Cette forme de constance pourrait s’intituler la variété dans la régularité : une série de supports différents pour traiter d’un sujet avec des approches multiples, mais toujours le même déroulement formel qui facilite la compréhension du cheminement général.

 



La liturgie support de l'homilétique

Ce système forme le principe de base des liturgies de l’ouvrage Toutes ces rencontres. Les diverses situations de l’animation de groupe : chant, prière, bricolage, narration etc. introduisent un maximum de variété dans les célébrations. La répétition ritualisée sécurise le participant. Le contenant reste fixe, permettant au contenu toutes les audaces. Le message se décline sous diverses formes. Lorsqu’il est question du « père formidable » le badge représente une activité que les enfants aiment faire avec leur père. Quand il s’agit de communion avec les chrétiens malgaches, il ressemble à un billet d’avion etc. Il n’y a plus de séparation entre la partie homilétique du culte et son aspect rituel : le message est véhiculé par la répétition. Si les liturgies pour adultes ne peuvent aller aussi loin dans les techniques d’animations, le principe de faire de la liturgie le lieu de l’annonce de la Parole, sous les formes les plus variées possible, peut aisément se transposer. Aux animateurs de tirer parti de toutes les possibilités offertes par le cadre des cultes.

La nécessaire répétition sécurisante pondère cette invite à la variété. Les changements trop brutaux sont à éviter. Lorsqu’il s’agit de moderniser l’étiquette d’un produit de grande distribution, le graphisme d’origine est reconnaissable mais quelque peu modifié. Les maquettes de journaux évoluent également mais tout aussi prudemment. Le rite n’est pas figé mais il se modifie petit à petit, influencé par l’évolution culturelle de la société. Or, très souvent, les participants aux célébrations vivent les évolutions liturgiques avec quelques réserves. Ceci est tout a fait normal, la participation aux cérémonies religieuses étant basée sur le volontariat, ne viennent que ceux à qui telle ou telle liturgie convient. Si cela leur convient il n’y a pas lieu de changer. Les raisons de cette résistance au changement sont cependant d’un autre ordre. La liturgie exprime ce qui surpasse les initiatives humaines. Une innovation issue des humains, pour satisfaire un effet de mode, risque de ne plus renvoyer au créateur. Certes les habitudes rituelles les plus ancrées ne sont pas toujours les plus anciennes. « Cela a toujours été ainsi » signifie en réalité : « Cela est ainsi depuis mon enfance ». Peu de formes rituelles remontent à la nuit des temps ! Il n’en est pas moins vrai qu’une trop grande désinvolture humaine dans ce domaine donne à penser que la transcendance s’arrête, là où commence la fantaisie de l’officiant.


La liturgie symbole de la transcendance

Quelle symbolique permet la communion avec les chrétiens de tous temps et de toutes régions ? Ce sentiment communautaire ne peut résulter d’un discours commun : chaque tradition, chaque individu développe sont approche cérébrale de la vie avec Dieu. De plus chacun sait de nos jours que la parole (avec un « p » minuscule) n’est pas perçue immédiatement en fonction de son sens mais à partir de diverses contingences psychologiques (cadre, dispositions psychiques de l’écoutant etc .) Le discours le mieux conçu n’est pas apte à rendre les relations entre les humains, les gestes et autres éléments non verbaux en disent plus que les mots. Il en est de même pour les relations entre Dieu et son peuple : seul les éléments liturgiques, en particuliers les non verbaux, permettent une authentique communication.

L’ensemble antique baptême/cène retrouve ainsi toute sa pertinence. Les sacrements sont le meilleur moyen pour exprimer la rencontre Dieu/humains, surtout lorsque l’on célèbre les deux ensemble. Une réhabilitation des deux sacrements pour tous les âges permettrait de rendre justice au principe selon lequel la communication passe autant (même plus) par le geste que par la parole. Renforcer les célébrations autour de Pâques par exemple avec cène et baptême liés dans un même ensemble liturgique pourrait trouver un large échos dans les paroisses d’autant plus que le jour de Pâques est propice aux baptêmes.
 
© Claude Demissy, Eglises Protestantes d'Alsace et de Lorraine, 2002.

 

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- Les deux Europes de la religion à l’école

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La religion à l'école publique

La laïcité demeure une particularité curieuse de la majeure partie des écoles publiques françaises. Les autres écoles publiques d’Europe proposent un cours de religion. Il évolue cependant différemment dans les pays catholiques et dans les pays protestants.

Cet article a été publié en 2001 par Pointkt (version "papier"). Il fait référence à des évènements de cette époque.

 

L’Allemagne fournit deux exemples caractéristiques de ces changements. Le premier concerne « l’affaire des crucifix » dans le land fédéral, majoritairement catholique, de la Bavière. L’école publique devait retirer les crucifix accrochés dans les salles de classe au nom du respect de la pluralité religieuse. Ce fait, par ailleurs anodin, illustre la conception romaine de la religion à l’école : elle n’est pas envisagée en dehors de l’Eglise. La situation en Slovénie fournit un autre exemple l’Eglise catholique désire faire de la catéchèse paroissiale une des matières optionnelles de l’école.

L’autre exemple allemand nous vient du land protestant de Berlin/Brandenburg. Le service public d’éducation y a créé un enseignement de « éthique, étude des religions, philosophie de l’existence ». Ce cours, obligatoire pour tous les élèves, est conçu par l’école sans aucune participation des Eglises. Cette nouvelle matière montre l’évolution de la religion à l’école dans les pays protestants : elle peut être enseignée sans l’intervention d’une organisation confessionnelle. Le canton suisse protestant de Berne fournit un exemple semblable : c’est l’école (c’est à dire l’état et non l’Eglise) qui définit le contenu de la religion à l’école.

Ces deux options sont compatibles avec les principes fondamentaux d’une école publique démocratique mais chacune révèle une façon de comprendre la religion à l’école. L’école d’une démocratie respecte les convictions intimes des élèves, reflète le pluralisme de la société, et prépare l’avenir des jeunes en leur donnant des outils pour comprendre le monde. Les états européens répondent à ces trois impératifs en prenant une certaine distance avec la religion dominante. Mais les modalités de cette prise de distance diffèrent entre les sociétés protestantes et catholiques.


En pays catholique pluralisme égal diversité

 En pays catholique les élèves  peuvent être dispensés d’enseignement religieux si celui-ci ne correspond pas à leurs propres valeurs (ou à celles de leurs parents), voilà pour le respect des convictions individuelles. D’autre part l’état affirme la diversité religieuse en reconnaissant plusieurs cultes. Les religions ayant un enracinement notoire dans la société peuvent organiser, pour leurs fidèles, un enseignement religieux à l’école. L’esprit des lois locales en Alsace et en Moselle reflète bien cette conception des sociétés majoritairement catholiques : les protestants, les juifs et les catholiques organisent ce cour et en déterminent les contenus. En Belgique les musulmans bénéficient également de cette possibilité, comme d’ailleurs en Espagne. Ces pratiques sont celles d’une école respectant le pluralisme, chaque élève étant éduqué dans la tradition religieuse à laquelle ses parents font confiance. La capacité des élèves à comprendre les dimensions religieuses du monde qui les entoure dépend exclusivement des organisations confessionnelles organisant le cours de religion.

Affirmation à nuancer car d’autres matières telles l’histoire, les arts ou la littérature peuvent aborder les questions religieuses. Même la France non concordataire qui présente la particularité d’une absence théorique de religion à l’école publique, se soucie de l’inculture religieuse des élèves et des enseignants. Cette infiltration du religieux à l’école, par le biais d’autres matières, n’est cependant pas totalement satisfaisante car la religion n’est pas un phénomène humain éclaté. La littérature, l’histoire, les arts mais également la psychologie, la sociologie, la géographie, sont des composantes d’un tout, « le religieux », qui possède sa propre cohérence.


En pays protestant pluralisme égal objectivité

C’est ce qui est pris en compte dans le modèle développé dans de nombreux pays protestants. La création précoce de l’étude scientifique des religions, indépendamment des organisations confessionnelles, y a permis l’élaboration d’un savoir sur les religions indépendant du message des confessions. Le pluralisme est respecté parce que l’école, institution indépendante des communautés religieuses, s’est penchée sur le fait religieux, d’abord dans les universités puis, petit à petit, dans l’ensemble des niveaux du service public d’éducation. Les méthodes pédagogiques sont les mêmes que celles utilisées dans les autres matières. Les capacités de l’enfant à comprendre le religieux sont développées avec la même rigueur que ses compétences linguistiques ou mathématiques.

 

Certes, l’école risque alors d’instruire l’enfant sur des formes religieuses qui ne correspondent pas à celle de sa propre tradition. Mais un enfant n’a-t-il pas le droit de comprendre les formes de religions dominantes de la société au sein de laquelle il vit ? Le respect de chacun et du pluralisme est garantit ici par l’objectivité de l'enseignant, le fait religieux est appréhendé comme tous les autres faits historiques et philosophiques. Cette conception implique cependant l’idée qu’une religion peut s’étudier en dehors d’une communauté croyante, ce qui n’est pas le cas dans les pays de culture catholique ou l’école à tendance à pratiquer une neutralité passive.

 

Deux philosophies différentes

Ces deux évolutions de la religion à l’école infèrent deux philosophies différentes sur la nature du fait religieux et sur sa place dans la société. S'il est l’apanage des religions constituées, il se décline comme une façon de comprendre les questions ultimes. Les formes concrètes de religions s’étudient alors pour permettre aux élèves de structurer leurs pensées sur « Dieu » ou « les principes régisseurs du réel ». Le cours est alors fortement dépendant des options dogmatiques, éthiques et philosophiques de l’instance enseignante.

S'il s’étudie de l’extérieur, comme une autre science humaine il donne des outils pour comprendre les comportements religieux. Le travail sur les formes concrètes de religion permet aux élèves de se situer par rapport aux diverses manifestations des phénomènes religieux. Il est alors fortement dépendant des options historiques et  littéraires, sociologiques et psychologiques des enseignants.


Entre le confessionnalisme et le scientisme

Les options de l’Europe protestante permettent une bonne harmonie entre les contenus de l’enseignement religieux et ceux des autres matières. En pays catholique le protestantisme se doit de valoriser sa conception de la religion à l’école : une éducation de culture religieuse utilisant les méthodes des sciences humaines et ouverte à tous. Elle permet de développer l’autonomie de l’individu et, dans le cas particulier de la France, de sortir du conflit séculaire entre l’école publique et l’Eglise catholique. Ce modèle n’est cependant pas totalement neutre car le religieux n’est jamais neutre. Croire dans l’objectivité totale dans ce domaine c’est tomber dans le scientisme. C’est pourquoi, en pays catholique, les protestants devraient promouvoir un enseignement de culture religieuse qui soit clairement d’inspiration protestante, tout en étant ouvert à tous. Cela remet en cause le retrait des protestants de l'école publique et surtout leur soutien aux dogmes laïcs.

 

L’erreur des sociétés catholiques est de considérer les faits religieux comme exclusivement confessionnels, donc totalement subjectifs, et celle des pays protestants est de considérer le religieux comme un objet d’étude détachable des lieux où il se vit, c’est à dire les communautés religieuses.
© Claude Demissy, Eglises Protestantes d'Alsace et de Lorraine, 2001.

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- Fête de Chavouôt

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« Si tous les océans étaient remplis d’encre, si tous les roseaux étaient des plumes, si tous les nuages étaient des rouleaux de parchemin et tous les hommes qui vivent étaient des scribes… 


... Ils ne suffiraient pas à consigner toute la sagesse de la Torah ! » Rabbi Yochoua.

Deuxième fête de pèlerinage, Chavouôt prend place dans le calendrier cinquante jours après l’offrande de l’Omer. C’est la fête du don de la Torah au mont Horeb (Dt 4 : 10 à 14), appelée aussi « Fête de la Promulgation, Fête des Semaines, Fête de la Moisson et Fête des Prémices ». Les juifs grecs parlent de « Pentecôte » (cinquantième).

Le nom est gardé par les chrétiens qui la célèbrent cinquante jours après Pâques. C’est pour eux l’annonce, à chacun dans sa langue, des grandes choses que Dieu a faites : c’est la fête du don de l’Esprit (Actes 2 :1 à 13). 

Lorsque Moïse redescend du Sinaï avec la Torah, son visage brille. 

Lorsque l’Esprit Saint remplit les croyants, les voilà qui semblent ivres… 

Pourtant, il est seulement neuf heures du matin ! 

Peu m’importe l’heure, Seigneur, et que les autres me croient ivre… 

Fais luire sur mon visage le don de Ton amour, pour cinquante jours, et à toujours.

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- L’enfant différent dans une perspective religieuse

Image  Dans son ouvrage « Mon entant est différent », aux Editions Frison-Roche, Paris 1996, le docteur René METTEY envisage l'enfant différent dans une perspective religieuse. Il donne la parole aux représentants des principales confessions pratiquées en France pour répondre aux interrogations que peuvent se poser les parents mais aussi leurs familles, les socioprofessionnels ou même chaque individu un tant soit peu altruiste.
Les trois articles qui suivent sont extraits de ce livre avec l'autorisation de l'éditeur.

 


1. Pour les Protestants
 
        « Différents mais semblables »

Subissant ou cultivant la différence, les protestants français ont toujours été sensibles à la présence parmi eux et autour d'eux de personnes différentes des autres et en danger de marginalisation. Parmi eux, des enfants, jeunes ou adultes, ayant un handicap.
Ce n'est pas que leurs difficultés ou souffrance et celles de leurs proches aient quelque valeur en elles-mêmes. Contrairement à d'autres courants spirituels, le protestantisme ne donne aucun mérite à celui qui supporte vaillamment la souffrance, en tout cas aucun mérite salutaire.
Sa méfiance vis-à-vis de tout ce qui pourrait s'approcher d'une réitération du sacrifice de Jésus, lui fait également éviter les rapprochements faciles entre nos souffrances et celles du crucifié.
Certes les êtres qui peinent peuvent être pour ceux qui les rencontrent des signes de la présence du Christ, cependant pas par eux-mêmes, mais par la grâce de Dieu. C'est la parole de Dieu qui, agissant en nous, transforme les malades, les exclus, les solitaires en messagers de Dieu. On pense, bien sûr, à Matthieu 25,31-46, mais aussi à Luc 10,25-37...
Bien entendu, si la personne ayant un handicap n'a pas de ce seul fait une valeur ou une place en soi supérieure, elle n'en a pas moins sa dignité totale et absolue de personne humaine et d'enfant de Dieu !
Évidemment il n'est nullement question de leur faire porter quelque culpabilité du fait de leur handicap, à cause de fautes d'un passé lointain (d'une supposée vie antérieure ou de la vie utérine comme on le lit parfois !) ou récent. Jésus a suffisamment distingué la faute de la maladie ou souffrance ! Nul handicap n'est le résultat d'une punition de Dieu !
L'idée ne viendra pas non plus de se demander si les porteurs de tel ou tel handicap ont ou non une âme et, malgré une tradition qui insiste sur la participation consciente et éclairée des chrétiens à la vie de la communauté, la place des personnes apparemment les moins intellectuellement conscientes dans l'Église n'est pas mise en cause. A plus forte raison leur part à la grâce et au salut de Dieu ne fait-elle pas de doute.
Dans certains cas, on ne se polarisera pas à leur sujet sur les sacrements (baptême et cène) parce qu'ils ne sont pas des passages obligés pour le salut ou la vie éternelle, mais aucune exclusion de principe n'est pensable.
Sur le plan de la bioéthique en rapport avec les handicaps, le protestantisme ne donnant pas à la vie diminuée une valeur en soi, ne craint pas d'aborder de façon nuancée et ouverte certaines situations limites, où l'existence ou la possibilité d'une conscience peuvent être mises en doute. L'euthanasie peut être envisagée dans des cas exceptionnels, l'acharnement thérapeutique pour des adultes ou pour l'embryon est généralement exclu, l'avortement envisageable quand la vie se profile trop chargée de souffrances. C'est, une fois encore, que la souffrance n'a rien de bon en soi.
Mais il faut surtout parler des façons de reconnaître à chaque personne sa valeur et sa dignité. Elles sont nombreuses et multiples.
Presque partout, un effort est fait pour que les enfants et adolescents ayant des handicaps (physiques mais aussi mentaux ou intellectuels), trouvent leur place dans des groupes de catéchèse, de scoutisme et autres activités de jeunesse. D'une part à cause de la dissémination protestante presque partout en France, qui ne permet pas le regroupement d'un assez grand nombre d'enfants et de jeunes concernés, mais surtout à cause d'un désir d'intégration. II existe cependant quelques lieux de « catéchèse spécialisée», soit dans des institutions adaptées aux jeunes ayant un handicap, soit dans des grandes villes, souvent dans un cadre œcuménique, ce qui est à souligner.
Pour les jeunes adultes on peut citer à titre d'exemple, les camps bibliques «Chemin faisant» organisés par une petite équipe de la Région Ouest de l'Eglise Réformée de France.
Sur le plan sanitaire et social, une part du Protestantisme français a joué un rôle pionnier dans l'accueil, l'éducation, le soin des personnes ayant des handicaps. II faut citer en premier lieu la fameuse Fondation John Bost à La Force en Dordogne, créée au milieu du XIXème siècle par le pasteur du même nom. Cet ensemble qui reçoit en divers lieux, près de 1000 résidents est, par l'esprit et l'intelligence déployés au service des plus démunis un lieu phare bien au delà du protestantisme français. On peut citer, parmi d'autres, la Fondation Sonnenhof à Bischwiller, le Centre de rééducation de l'ouïe et de la parole à St Hippolyte du Fort, les établissements des Diaconesses en Charente Maritime....
Par tous ces engagements individuels et collectifs, par une réflexion théologique ouverte et proche du réel et donc proche des personnes, le protestantisme essaye de vivre en cohérence avec une conception du handicap compris comme une différence douloureusement révélatrice des faiblesses et limites de chaque être humain et reçu comme un fardeau à porter à plusieurs, dans un esprit de solidarité.

Olivier PIGEAUD
 
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 2. Pour les Catholiques

        «Ils sont un trésor pour l'Église !»

Un être humain qui se trouve dans des conditions sociales défavorables, telles que privation de famille, migration, chômage, etc., peut en subir les conséquences sur le plan physique voire psychique et se trouver «en danger moral». De telles situations nous peinent quand nous en sommes témoins. Parfois elles nous révoltent, nous scandalisent. Comment les concilier avec la bonté et la toute-puissance de Dieu, avec la notion que nous nous faisons de Sa justice ? Le magnifique «Livre de Job» dans l'Ancien Testament, livre trop peu connu, et, dans le Nouveau Testament, les écrits de Saint-Paul, nous apportent de précieuses lumières pour affronter ce « problème du mal » et, par voie de conséquence, celui de la souffrance... en évitant d'ailleurs de confondre l'un avec l'autre, tant il est vrai que la souffrance n'est pas « le mal », qu'elle n'est pas toujours un mal et qu'elle peut, au contraire, constituer, d'un certain point de vue, un bienfait pour la personne qui l'éprouve et un trésor pour l'humanité.
Dans une perspective chrétienne, l'apôtre Paul ne s'écrie-t-il pas « je surabonde de joie dans mes souffrances parce que j'achève dans ma chair ce qui manque à la passion du Christ pour son corps qui est l'Eglise » (Colossiens I ,24).
Cela ne veut pas dire, pour autant, que l'Eglise catholique se réjouisse du mal. Elle le combat, au contraire, sous toutes ses formes comme son fondateur, Jésus lui-même, l'a combattu. Mais elle lui reconnaît un sens.
C'est, en particulier, pourquoi, à l'instar de Jésus, L'Eglise catholique a toujours pris un soin particulier des personnes handicapées et continue de le faire. Bien entendu, cette prise en charge a été essentiellement pastorale, mais elle n'en a pas, pour autant, négligé, tout au contraire, le bien physique ou psychique de ceux vers lesquels, en appliquant évidemment les méthodes de son temps, elle dirigeait ses efforts.
Fondamentalement, la raison pour laquelle, à la suite de Jésus, l'Eglise agit ainsi, est la reconnaissance de la dignité imprescriptible de l'être humain quel qu'il soit. Le pire des handicaps ne saurait altérer, dans ce qu'elle a d'essentiel, une telle valeur. Et, s'il est possible que d'aucuns, parmi les membres de cette Eglise, aient pu hésiter, de quelque manière, quant à l'intégrité de cette grandeur essentielle de la personne humaine, quelle qu'elle soit, l'Eglise catholique en tant que telle a tenu bon pour en affirmer inlassablement la valeur et les droits.
Deux preuves parmi d'autres, en sont le signe éclatant :
  • D'une part la position très ferme de l'Eglise catholique et ses déclarations non équivoques concernant le refus de l'avortement, de l'euthanasie, de la stérilisation directe de l'homme et de la femme, fût-elle temporaire. Le magistère ecclésiastique, en particulier par la voix des Souverains Pontifes, affirme clairement se référer là au droit naturel et, par conséquent, devoir ne rien changer à ce qui concerne l'homme en tant que tel et tous les hommes, fussent-ils les plus handicapés du monde.
  • D'autre part l'Eglise catholique ne refuse jamais le Baptême à un être humain sous le prétexte qu'il est handicapé. C'est même toute « l'initiation chrétienne» qui lui est ouverte et - l'on n'y pense malheureusement pas toujours - la Confirmation lui est également accessible.
  • Enfin, de plus en plus d'enfants très sévèrement handicapés accèdent à la réception de l'Eucharistie et ce moyennant une préparation qui se doit d'être adaptée à leur état. Et lorsqu'on comprend que ces sacrements font que l'homme pénètre dans l'intimité de la vie divine, participant à la nature même de Dieu, comme le rappelle la 2ème épître de Saint Pierre, on ne peut qu'être persuadé, là encore, du fait que l'Eglise reconnaît l'éminente dignité de tout être humain en tant que tel et le traite en conséquence...
Là est certainement un des motifs qui peuvent, le plus profondément, aider les familles et plus particulièrement les parents d'enfants handicapés dans la grande épreuve que constitue la venue au monde, en ce milieu familial, d'un ou plusieurs enfants handicapés, surtout lorsque ce handicap est tellement grave qu'il faut envisager la nécessité de conditions spéciales d'éducation et l'établissement d'une relation interhumaine particulière. Les parents ont alors un immense besoin de voir que leur enfant est estimé, respecté, aimé comme un être humain et un fils de Dieu à part entière.
Un autre témoignage de ce que l'Eglise catholique porte en profonde estime la valeur imprescriptible de l'être humain handicapé, se manifeste dans l'intérêt qui est porté à la vie et à la formation religieuse de ces personnes. II faudrait ici un très long article pour pouvoir énumérer tout ce que l'Eglise a fait, depuis une soixantaine d'années notamment, pour la pastorale et, plus spécialement, la catéchèse de personnes dites handicapées.
Celles-ci ont de plus en plus la faculté de participer à la vie de toute l'Eglise, qu'il s'agisse par exemple de la vie liturgique ou bien des groupements et mouvements de jeunes et adultes. Le scoutisme masculin ou féminin les a, de longue date, considérés comme des membres actifs, et aussi des mouvements tels que l'Action catholique de l'enfance. Cela est vrai, a fortiori, pour les mouvements de jeunesse et d'adulte tels que ceux de l'Action catholique spécialisée.
Un effort notable a été fait également pour que, indépendamment de la possibilité de s'unir à la communauté priante par le moyen de la radio et de la télévision, les personnes handicapées puissent être aidées à se rendre aux assemblées religieuses diverses. Dans certains cas, pour ce qui est des malentendants par exemple, des boucles magnétiques permettent que ces membres de l'assemblée, notamment dans la célébration de l'Eucharistie, puissent participer réellement à la liturgie et accueillir la parole de Dieu comme leurs coreligionnaires.
Enfin, un effort très spécial a été réalisé dans le domaine de la pastorale catéchétique des personnes handicapées. Une approche a été élaborée, adaptée aux divers handicaps, appliquée par des catéchistes et autres, agents pastoraux que l'on a eu le souci de qualifier à cet effet. Une formation aux divers degrés est assurée, en plusieurs pays du monde, aux religieux et aux laïcs qui veulent se préparer à accomplir une telle mission : la formation religieuse des enfants, adolescents et adultes, victimes des divers types de handicaps que nous évoquions plus haut. Pour l'avoir longuement pratiqué moi-même, nous pouvons dire que c'est une mission passionnante et dans laquelle le pasteur, laïque, religieux, prêtre, a conscience de recevoir plus encore qu'il n'apporte. La parole du Christ Jésus lui revient souvent en mémoire: « Je te bénis, ô Père, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux prudents et que tu les a révélées aux petits ». (Matthieu 21,25).

Père Henri Bissonnier
 
 
3. Pour les Juifs

        «Le judaïsme et l’enfant handicapé»

Face à l'enfant handicapé, il convient de préciser un certain nombre de points :
Le premier d'entre eux est que l'enfant est pour nous une personne à part entière, d'abord d'un point de vue purement spirituel : il a une âme, et même une âme d'une grande pureté puisqu'on a tendance dans nos sociétés à juger un homme en fonction de ses capacités. Je crois que le judaïsme est un système qui a d'emblée placé la valeur d'un être humain non pas au plan de ses résultats, donc au plan de son pouvoir, mais au plan du sens qu'il avait à l'intérieur d'une Histoire. Chaque être humain est créé avec une volonté divine dans une finalité spécifique, c'est-à-dire en d'autres termes que chacun est porteur d'un message. Dès lors, lorsqu'un enfant naît, quel que soit son handicap, il est doué de ce message, ce qui signifie en clair :
    - que sa vie a un sens par rapport à lui-même ;
    - que sa vie à lui a une signification par rapport au monde qui l'entoure.
Le sens qui lui est spécifique est celui qui consiste évidemment à se réaliser pleinement. Dieu ne juge jamais un homme autrement qu'en fonction de ses propres capacités. Le principe de base, c'est que chacun d'entre nous est appelé à donner ce qu'il a de meilleur. Alors on constate par exemple que ces enfants (il s'agit d'un exemple non exhaustif) ont une approche extrêmement pure des choses, innocente et profonde à la fois. La perversité est absente de leurs actes et de leur pensée, et on constate que ces êtres sont souvent marqués par un sourire, un sourire que beaucoup interprètent comme une niaiserie ou une dispersion, mais qui en fait donne dans la vie une capacité à surmonter ses propres problèmes.
Un enfant handicapé est surtout diminué non par ce qu'il l’est, mais par la place que les autres lui donnent. II est trop souvent mis de côté. II est à part... C'est pour cela qu'il est important de lui donner les conditions de sa propre réussite. II aura alors réalisé le maximum de ce qui est possible pour lui.
Je vous citerai une anecdote alors que j'étais grand rabbin de Marseille : un enfant handicapé s'est présenté pour célébrer sa Bar Mitsva (majorité religieuse à treize ans). Sur le plan moteur et mental son déficit était assez lourd et il a franchi à grand peine les trois marches qui mènent au rouleau de la Torah et qui l'en séparaient, Torah qu'il n'a bien sûr pas pu lire. II a juste cité péniblement les trois phrases que tout adulte récite quand il est appelé à "monter" lire le Pentateuque. Faisant un effort considérable pour tenir alors debout, transpirant toute la sueur de son corps, il réussit à donner le maximum de son potentiel physique et moral, ce qui serait pour nous l'équivalent d'écrire un ouvrage d'analyse philosophique sur le sens de la vie. En ce sens, il a réussi à réaliser ses capacités.
Quand à l'approche du handicapé par rapport au monde qui l'entoure, chaque être humain est porteur d'un enseignement. Cet enfant peut apporter autour de lui un nouveau sens à la vie :
  •  D'abord le sens de l'épreuve. II est vrai que, pour les parents, c'est une épreuve par les soins que va exiger cet enfant, épreuve par le sentiment de frustration que cela va entraîner par rapport aux autres enfants et au monde en général.
  •  Ensuite un sens naturel de la vie, la vie que souvent les adultes compliquent ; la vie qui, peut-être, est aussi simple que comme eux la vivent, avec une nouvelle échelle de valeurs qui va émerger à leur contact, dans leur famille, famille qui va mieux comprendre ce que signifie son existence.
Notre attitude à son égard doit simplement consister à lui donner notre affection, et à recevoir la sienne.
Tout être humain a droit à l'accession au Royaume des Cieux dès lors qu'il n'a pas fait preuve d'une cruauté hors du commun qui le rabaisserait au rang de l'animal. C'est le cas de cet enfant. Il a donc sa place, hors de la dimension charitable.
C'est une interpellation fondamentale sur notre propre façon de vivre. Peu d'êtres humains sont capables d'aller à l'essentiel et ce type d'enfant permet à ceux qui les approchent d'accéder à l'essentiel.
Celui qui n'a pas souffert est incapable de jouer un rôle fondamental dans la société. La souffrance étant le lot commun de l'humanité, être concerné par ce problème c'est peut-être trouver de nouvelles capacités pour aborder le monde en général. Cet enfant handicapé a donc totalement accès à tous les stades de la vie spirituelle comme il est tenu au respect des préceptes religieux, dans la mesure de ses capacités, sans l'étalonner et le juger.
Je me permets d'ajouter une dernière note métaphysique à ce problème : ce type d'enfant a une approche prophétique des choses car il a exacerbé chez lui un certain nombre de sensations. On a souvent considéré ces enfants comme porteurs d'un message fort et profond par leur sens de l'intuition, de la générosité, de l'approche. Ils nous regardent avec une telle naïveté que c'est comme si nous nous regardions au fond de nous-mêmes.

Grand Rabbin Jo Sitruk
 (Propos recueillis par le Docteur Sion Sitruk)
(Extrait des n° 19, 20, 21 de PointKT, années 1997 - 1998)

 
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- Chemins de doute, chemins de foi

 

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De Jérusalem à Emmaüs, deux amis se racontent le passé. Celui en qui ils avaient mis toute leur espérance vient de subir le supplice de la croix. Avec son souffle coupé, ses os brisés  et l’abandon ultime de tous ses frères, s’éteignent les lueurs d’un royaume de paix et de concorde entre Dieu et les hommes.

D’autres espérances aussi se meurent : espérance de libération du joug des Romains, espérance d’équité entre les riches et les pauvres, espérance pour ceux qui souffrent dans leur corps et leur esprit. 

Et puis il y a l’ami inconnu qui les rejoint, leurs cœurs qui brûlent d’une joie indicible malgré cette tristesse qui, jusque là, les nouait dans la douleur. Il y a la halte, le repas et le partage du pain. Tout va très vite, à peine ont-ils le temps de comprendre que leur chemin de douleur prend une autre direction : une direction d’annonce et de joie, une direction de partage et de bonne nouvelle qui se répand, une direction de rencontre et de communauté qui se soude autour de cette parole « il est vivant, il est vraiment vivant ».

Certains chemins seront encore de doute, allant de cette joie de Pâques au vent de Pentecôte, doute de ces femmes qui ont peur et se taisent, de ces disciples qui se verrouillent dans les maisons. Mais plus rien désormais ne peut retenir ceux dont les yeux se sont ouverts. La vie renaît depuis Pâques : c’est un chemin ponctué de matins, d’aubes qui se lèvent. Tous ceux qui hésitent encore, vont dénouer leurs peurs, leurs doutes, leurs réticences. 

Car, jour après jour, ils vont apprendre à marcher, à courir, à danser. Car c’est sûr maintenant, le jour se lève quelque part, le chemin du doute devient chemin de foi.

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- Les quatre catéchèses

Image  Les bouleversements de la fin du 20ème siècle

Le catéchisme désigne traditionnellement l’essentiel de ce qu’une Eglise annonce. Il résume les éléments essentiels de la foi et se présente comme une sorte de carte d’identité d’une Eglise, comme un ensemble concis et pratique proposé à tous. C’est une démocratisation de la pensée théologique. Jusqu’au milieu du 20e siècle il suffisait d’énoncer les points de doctrine lors des séances de catéchisme et de demander aux catéchumènes de les apprendre. L’Eglise avait alors rempli sa mission de formation des fidèles. Or trois changements fondamentaux ont rendu le modèle inopérant.

 

 

Vulgariser et enseigner : deux activités différentes

Tout d’abord, la démocratisation des connaissances, la vulgarisation, ne passe plus par des rencontres, qu’il s’agisse de groupes d’élèves, de salles de conférences ou d’assemblée cultuelles. La pensée est diffusée en grande quantité par les médias. Elle atteint les gens chez eux, sans qu’ils aient à se déplacer. L’essentiel de ce que pensent les jeunes, comme les moins jeunes, étant acquis par l’intermédiaire des médias, c’est par cette voie que les Eglises peuvent communiquer les notions catéchétiques et l'écrit demeure un média efficace.

Le deuxième bouleversement est d’ordre pédagogique. L’apprenant n’est plus considéré comme une tête vide qu’il suffit de remplir avec des connaissances bien conçues et clairement énoncées. L’être humain, quelque soit son âge, aborde un cursus de formation avec des idées, des a prioris, sur le sujet. Apprendre, c’est remettre en cause son opinion de départ pour s’en forger une, plus évoluée. Le pédagogue met les élèves devant des obstacles qu’ils doivent surmonter pour dépasser leurs anciennes représentations du sujet étudié. Le pédagogue doit proposer une suite d’activité aux enseignés.

De nos jours, si des personnes se déplacent, ce n’est pas pour être mis en présence d’un ensemble de connaissances. Elles peuvent les acquérir plus aisément à la maison, par exemple en lisant une bonne revue. Si les gens se rassemblent, c'est pour faire des choses qu’ils ne réaliseraient pas chez eux. Il s’agit de leur proposer des activités. C’est pourquoi le mot « catéchèse » recouvre aujourd’hui deux réalités différentes : la vulgarisation qui se caractérise par la clarté des exposés, et la pédagogie qui se caractérise par les activités proposées. L’auteur d’un livre de vulgarisation doit se demander « qu’est-ce que je vais leur dire ? ». Le pédagogue doit se dire « qu’est-ce que je vais leur demander de faire ? ».


Croire et connaître : les deux faces du religieux

Le troisième bouleversement concerne l’approche du religieux. Depuis un siècle la connaissance des religions s’est émancipée de la tutelle des communautés croyantes. Les religions sont étudiées comme les autres phénomènes humains. La pédagogie religieuse participant à cette évolution a désormais deux faces clairement identifiables : l’une de connaissance de la religion (la mienne et celle des autres) l’autre de construction d’une opinion sur les choses ultimes. Aucune de ces deux faces n’est superflue. Certes, la religion est une affaire d’opinion avant d’être un objet de connaissances. Mais, pas plus qu’il n’est possible d’aimer la lecture sans apprendre à lire, il n’est envisageable d’avoir une opinion sur quelque chose d’inconnu. La catéchèse (dans sa réalité pédagogique) est divisée en deux entités distinctes :
une formation à la connaissance de sa religion et de celle des autres
un travail d’élaboration d’une pensée personnelle sur la dimension spirituelle de l’existence.

L’école est par définition, le lieu où les connaissances sont développées. La face culturelle de la catéchèse trouve donc en principe, tout naturellement sa place à l’école publique. Or toutes les écoles publiques d’Europe, à l’exception de la plus grande partie de la {tip France::Seuls les départements du Rhin et de la Moselle ont sur le point une situation comparable aux autres pays européens.}France{/tip} et du canton suisse de Genève, offrent aux enfants un enseignement religieux. Malheureusement le cours de religion se limite parfois à de la catéchèse traditionnelle : une confession présente, à ses propres enfants, l’essentiel de la foi ; la religion se coupe alors, des autres domaines de la connaissance. Inversement l’émancipation du religieux a parfois aboutit à la tendance inverse : l’enseignement religieux y devient une étude comparée des religions sans hiérarchie aucune ; la religion se coupe alors de la vie religieuse des élèves et participe à la rupture déjà importante entre l’école et la vie.

Les enfants doivent développer leurs connaissances du fait religieux dans un esprit d’ouverture et acquérir les repères essentiels de leur foi. Le religieux est actuellement diffusé de façon tout à fait erratique dans les médias et c’est à travers eux que l’enfant acquiert ses idées sur les questions spirituelles. L’enfant doit donc trouver un lieu pour organiser ses connaissances religieuses. Si la diffusion par les médias est, de loin, dominante en quantité, c’est à l’école de développer la qualité. Par ailleurs, là où  le média se consomme individuellement, le groupe permet de s’initier à la différence religieuse. L’école n’est cependant pas en France actuellement prête à remplir cette tâche. D’abord pour des raisons idéologiques puisque bon nombre d’enseignants estiment que la religion véhicule des valeurs opposées à celles du système éducatif. Les religions seraient en quelque sorte le contraire de l’esprit scientifique qu’il faut développer chez l’enfant.

Or l’évolution des sciences religieuses montre qu’il n’en est rien. Les pays scandinaves, l’Angleterre, le Benelux, l’Allemagne, la Suisse et l’Autriche développent actuellement des modèles tout à fait éclairants. Le protestantisme pourrait se mobiliser davantage pour faire connaître à la société française ces évolutions. Il rendrait un énorme service à un pays où les questions religieuses restent relativement bloquées. Il se rendrait également service à lui-même. Si l’aspect « connaissances » de la catéchèse était pris en charge par l’école, les Eglises n’auraient plus à investir autant d’énergie dans ce domaine. Des visées catéchétiques courantes dans le protestantisme, telles : « permettre à chacun de comprendre la Bible comme un livre ayant joué un grand rôle dans l’histoire du protestantisme » relèvent du culturel et devraient être traitées dans le cadre de l’école.

Les Eglises auraient alors la possibilité de se consacrer aux questions de foi qui relèvent de l’opinion et des comportements. Le jeu et la fiction deviennent alors des instruments privilégiés de la catéchèse paroissiale. Débarrassées du souci cognitif, les Eglises pourraient rassembler les enfants et les adolescents pour vivre des expériences les uns avec les autres et avec l’Autre. La visée première de la catéchèse deviendrait alors des célébrations où les jeunes sont actifs. Non des cultes, centrés sur la dimension cérébrale de la foi, mais des liturgies mobilisant les cinq sens de la personne humaine. L’objectif des rassemblements catéchétiques ne serait pas de permettre à chacun de « découvrir les multiples sens d’un texte biblique » (objectifs semblables à ceux d’un cours de littérature) mais « offrir à Dieu la joie de vivre ensemble ». Cela oblige à repenser l’ensemble de notre théologie du culte, lieu où les gens se rassemblent, donc lieu qui n’est guère propice à la diffusion des connaissances.


La catéchèse familiale

Ces lignes décrivent la partition nécessaire de la catéchèse traditionnelle : la vulgarisation, de nos jours véhiculée par les médias, l'enseignement religieux qui devrait trouver toute sa place à l'école, les rencontres paroissiales, démarchent de foi. Il pourrait en exister une quatrième : la catéchèse familiale. Qu’acquiert-on en famille ? D’abord un patrimoine culturel. Les enfants héritent de leurs parents une culture qui leur est transmise souvent inconsciemment. Le niveau de vocabulaire d’un enfant par exemple, dépend de celui des parents. Il en est de même pour le religieux et des parents qui sont en contact avec une paroisse familiarisent l’enfant au phénomène religieux. Mais qui dit « catéchisme » parle « de foi raisonnée ». Pour que la catéchèse familiale soit une réalité, elle doit dépasser la transmission inconsciente d’un patrimoine. Or pour que des parents soient à même d’accomplir cette tâche, il leur faut des outils adaptés. Retour donc sur le terrain des médias, ici Internet devrait avoir une carte majeure à jouer. Mais sans se faire trop d’illusions. Actuellement les opinions se forgent à partir des médias, des chats Internet, de la cour de récréation pour les plus petit et du café du coin pour les adolescents.

 

© Claude Demissy, Eglises Protestantes d'Alsace et de Lorraine, 2000.

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