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La confirmation : évolutions et enjeux pour aujourd’hui

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Un bref historique de l’évolution de la fête de la confirmation dans l’Eglise et quelques réflexions sur les enjeux d’aujourd’hui. Cette présentation a été faite par Christina Weinhold (pasteure de l’EPUdF) lors du bistrot des catéchètes du 15 octobre 2024 sur la confirmation.

Au départ : le baptême

Matthieu 28, 16 à 20 :

Les onze disciples allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus avait désignée. Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais quelques-uns eurent des doutes ; Jésus s’approcha et leur dit : Toute autorité m’a été donnée dans le ciel et sur la terre. Allez, faites des gens de toutes les nations des disciples, baptisez-les pour le nom du Père, du Fils et de l’Esprit saint, et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai commandé. Quant à moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.

Actes 8, 36 à 39

L’eunuque dit : Voici de l’eau ; qu’est-ce qui m’empêche de recevoir le baptême ? Il ordonna d’arrêter le char ; tous deux descendirent dans l’eau, Philippe ainsi que l’eunuque, et il le baptisa. Quand ils furent remontés de l’eau, l’Esprit du Seigneur enleva Philippe. L’eunuque ne le vit plus : il poursuivait son chemin, tout joyeux.

Les éléments de compréhension du baptême selon ces textes :

  • Le baptême comme acte personnel pour se reconnaître chrétien.
  • Accompagné d’un enseignement (Jésus recommande d’enseigner « tout ce que je vous ai commandé » ; l’eunuque, juste avant le passage ici cité, reçoit un enseignement de la part de Philippe).
  • À multiplier partout dans le monde
  • Est-ce que l’appel à enseigner et à baptiser que fait Jésus s’adresse à tous les croyants ou uniquement aux apôtres ?
  • Question des critères du baptême (« qu’est ce qui m’empêche de recevoir le baptême » ?)

Actes 16, 29 à 33

Alors le geôlier demanda de la lumière, entra précipitamment et tomba tout tremblant devant Paul et Silas ; il les mena dehors et dit : Seigneurs, que faut-il que je fasse pour être sauvé ? Ils répondirent : Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé, toi et toute ta maison. Ils lui dirent la parole du Seigneur, ainsi qu’à tous ceux qui étaient chez lui. A ce moment même, en pleine nuit, il les prit avec lui et lava leurs plaies ; aussitôt il reçut le baptême, lui et tous les siens.

Les éléments de compréhension du baptême selon ces textes

Aux points cités précédemment, s’ajoute ici le fait de passer d’une action individuelle à un usage pour toute la famille, toute la maison (serviteurs inclus).

Par ailleurs, deux éléments interviennent autour de la notion de baptême :

  • il faut de l’eau pour le baptême (cf Jean Baptiste qui baptiste dans le Jourdain),
  • mais il y a aussi la mention de l’Esprit Saint (ce que Jean Baptiste réservé à Jésus, voir Marc 1, 7 et 8 : « Quelqu’un qui est plus fort que moi vient après moi ; je ne suis pas digne de me baisser pour délier la lanière de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés dans l’eau, mais lui, il vous baptisera dans l’Esprit saint) qui se retrouve dans l’expression « être scellés de l’esprit saint » (voir Ephésiens 1,13).

 

Rapide panorama historique de l’évolution de la notion de confirmation

Du coup, dans l’Église ancienne (entre le 2ème et le 3ème siècle), le baptême était suivi d’une deuxième action, par laquelle le Saint-Esprit était communiqué au baptisé : ainsi le baptême d’eau marquait le début de la vie chrétienne, un deuxième sacrement devait l’achever plus tardivement.

Avec l’arrivée du clergé dont nous trouvons déjà des traces dans quelques épitres bibliques (Tite, Timothée, Pierre …) va aussi se développer un partage des missions, des responsabilités : l’église locale est chargé de l’enseignement des adultes (la catéchèse) et de la célébration de leur baptême ; les responsables supérieurs (l’épiscopat) passent confirment cet acte par une autre célébration lorsqu’ils passent dans l’église locale. Ici la confirmation est alors une confirmation de l’extérieur, par la hiérarchie ecclésiale.

Lorsqu’en 380, un édit impérial oblige tous les sujets romains à devenir chrétiens, le baptême perd son caractère de changement de vie personnel (c’est devenu un acte imposé à tous). Le catéchuménat (qui dure alors entre 2 et 3 ans)  perd lui aussi son sérieux, jusqu’à disparaître complètement. Mais la confirmation devient un sacrement important qui permet de valider l’autre sacrement, celui du baptême : sans la confirmation, le baptême perdait sa valeur.

Les réformateurs ont rejeté cette compréhension de la confirmation, et ne la considèrent pas comme un sacrement : elle n’apporte rien de plus au baptême et elle n’a pas été instituée par le Christ. Ils exigeaient cependant que les chrétiens baptisés soient formés aux vérités fondamentales de la foi et qu’ils en témoignent devant la communauté, en règle générale avant de pouvoir prendre la cène. Ils acceptaient également un acte de bénédiction avec imposition des mains.

L’idée d’une confirmation unique pour confirmer la profession de foi baptismale faite par les parrains et marraines au moment du baptême d’un enfant est venue d’Érasme de Rotterdam, et a été popularisée par le culte de confirmation avec imposition des mains mis en place par Martin Bucer, le Réformateur de Strasbourg. Cette pratique s’est répandue jusqu’à devenir le rite de la majorité civile à la fin de la scolarité. La confirmation est en effet célébrée vers l’âge de 13/14 ansn qui est aussi l’âge où on dévient adulte : les garçons partent en formation ; les filles quittent le domicile parental pour aller travailler ailleurs ou pour se fiancer puis se marier. Avec le temps la confirmation prend de plus en plus l’aspect d’un rite de passage : c’est le jour où on boit son premier verre d’alcool, où l’on fume sa première cigarette, ou on achète de nouveaux vêtements…

D’un point de vue religieux, on la considérait le plus souvent comme le deuxième acte du baptême des enfants, estimant que les dons de Dieu, les dons de la grâce, ne peuvent être efficaces que s’ils sont reçus dans la foi. Cette position rejoint un autre débat : celui autour du baptême des nourrissons et du rejet par certains du pédobaptisme.

Les réformateurs ont principalement trouvé un intérêt dans la confirmation en ce qu’elle vient au terme d’un enseignement donné. En effet, ils regrettaient et se plaignaient du manque de connaissances de leurs contemporains sur les questions relatives à la foi, et ont donc insisté sur la nécessité d’un enseignement.  La confirmation était donc l’occasion d’instaurer une nouvelle forme de catéchuménat, qui ne se pratiquait plus vraiment avant le baptême, tout en instaurant une préparation à la cène (notamment pour Luther).

Cet usage était imposé à tous les croyants – et non pas seulement aux jeunes : une fois par an le pasteur ou le conseil avait le droit et le devoir d’interroger les croyants sur leur conduite de vie et leurs connaissances sur les questions relatives à la foi, afin de s’assurer qu’ils puissent continuer à prendre la cène. Ceci vaut encore plus pour celles et ceux qui se préparent à leur première communion.

Chez Calvin, il était d’usage de célébrer la cène 4 fois par ans, et il y avait donc 4 dates d’examens prévus.

En bref !

Les réformateurs ne connaissent pas la confirmation au sens que nous donnons actuellement au terme. Ils ont introduit le catéchisme avec un enseignement des choses de la foi, et des examens à différer moments de l’année pour vérifier à la fois les connaissances et la bonne conduite des croyants.  Ainsi Luther et Calvin voient aussi dans le suivi de cet enseignement la condition pour participer à la cène.

Zwingli justifie la nécessité de l’institution de la confirmation notamment en raison de la possibilité du baptême des enfants, auquel il manquerait la dimension de foi personnelle.

Aujourd’hui dans notre Eglise (EPUdF)

Dans la constitution de l’EPUdF, la confirmation ne figure que dans les règlements d’application comme une possibilité pour les Eglises locales et paroisses. Ce qui est inscrit dans les articles de la constitution, c’est le baptême et la catéchèse.

Article 31 – Baptême et accueil

R §1– Personnes baptisées

L’Église protestante unie de France baptise les petits enfants, comme les personnes qui le demandent et confessent que « Jésus-Christ est le Seigneur ».

  • 2 – Participation de la communauté

Pour que le sens du baptême soit clairement affirmé, il doit être administré dans une assemblée de l’Eglise. Si des circonstances particulières, dont le conseil presbytéral est saisi, conduisent à célébrer le baptême en-dehors d’un culte de la communauté, la présence de celle-ci doit être marquée par la participation d’au moins un ou deux conseillers presbytéraux ou membres de l’Eglise, en-dehors de la famille de l’enfant ou de l’adulte appelé à recevoir le baptême.

  • 3 – Accueil dans lEglise

Toute personne baptisée qui en fait la demande peut, après entretiens pastoraux, être accueillie au cours du culte dans l’Eglise protestante unie.

Article 33 – Catéchèse

  • 1 Chaque paroisse ou Eglise locale doit organiser une formation biblique, spirituelle et ecclésiale adaptée aux différents âges. Elle y invite tous les enfants.
  • 2 – Lors de leur catéchèse, les catéchumènes, jeunes ou adultes, sont appelés à confesser que « Jésus-Christ est le Seigneur », à recevoir le baptême s’il ne leur a pas déjà été donné, à participer à la Sainte Cène et à s’engager dans la vie de l’Église.

Le règlement d’application de l’article 33 mentionne la confirmation, mais uniquement dans le cadre de dispositions spécifiquement luthériennes.

Article 33 – Règlement d’application du §2

Dispositions spécifiques luthériennes

  • A bis – Le catéchisme en vue de la confirmation est donnée dans l’esprit du Petit Catéchisme de Martin Luther et comporte un enseignement biblique, doctrinal, historique et spirituel. Le pasteur et les catéchètes utilisent le matériel reconnu ou recommandé par les instances luthériennes compétentes de l’Eglise protestante unie de France. L’admission à la confirmation peut être précédée d’un entretien entre les catéchumènes et le conseil presbytéral, portant sur les matières de l’enseignement religieux.
  • B bis – Par la confirmation, l’Eglise annonce aux catéchumènes que Dieu les confirme dans l’alliance du baptême qu’ils ont reçu étant enfant. C’est l’occasion pour eux de prendre l’engagement de suivre Jésus-Christ, comme l’expriment les textes liturgiques.
  • C bis – Pour être admis à la confirmation, il faut avoir suivi régulièrement une instruction catéchétique pendant au moins deux années consécutives et être âgé de 15 ans ou plus au cours de l’année. Des dispenses, pour les situations particulières, pourront être accordées par l’Inspecteur ecclésiastique, sur la demande explicite du catéchumène, accompagnée de l’avis du pasteur. La confirmation ne peut être refusée sans un motif particulièrement grave à un catéchumène qui a satisfait aux conditions précitées. Si, néanmoins, le pasteur estime devoir retarder ou refuser l’admission d’un catéchumène à la confirmation, il peut le faire avec l’accord du conseil presbytéral.

 

Que peut-on en retenir pour notre pratique aujourd’hui ?

Maintenir un rite de la confirmation et la pratique qui en suit doit certainement prendre en considération plusieurs aspects et ne peut se réduire à un seul :

  • L’aspect de la conversion individuelle : que faisons-nous pour accompagner des jeunes ou des adultes dans une conversion individuelle ?

Quelques pistes : écriture d’un témoignage personnel – offrir des outils et un cadre pour poser ses questions, pour confronter des idées, pour apprendre à exprimer ses propres convictions.

  • L’aspect communautaire : que faisons-nous pour dire que le baptême et la confirmation expriment notre appartenance à la communauté, à l’Eglise ?

Quelques pistes : impliquer la paroisse dans la catéchèse et dans le rite de la confirmation – permettre aux jeunes de participer à des activités, par exemple à la préparation d’un culte – favoriser la convivialité…

  • L’aspect enseignement : que faisons-nous pour faire de l’enseignement une action continue ? La confirmation n’est pas un diplôme à la fin d’un parcours mais devrait donner envie de continuer dans cet esprit.

Quelques pistes : proposer des moments intergénérationnels autour d’un thème -favoriser des témoignages à tout âge.

  • L’aspect eau et esprit / action humaine – action divine : que faisons-nous pour faire comprendre que l’action de Dieu envers nous reste toujours libre ? Personne ne peut maitriser l’action de Dieu en et envers nous. Mais la confiance dans le fait qu’il agisse peut se créer au-delà des preuves. Il est peut-être nécessaire de le fait de célébrer ou non la confirmation : c’est une offre, pas une obligation.

Quelques pistes :  La liturgie de confirmation est à revoir car le langage compte : qui confirme quoi, que signifie-t-on à cette occasion ?

  • L’aspect accès à la Cène : Cette question ne devrait plus être un sujet puisque nous accueillons déjà les enfants à la Cène (voir décision du synode de Soissons de l’ERF, en 2002). Si on veut toutefois signifier cet accent au moment de la confirmation, il nous faut probablement réfléchir à comment le soigner.

Quelques pistes : en travaillant la liturgie avec les jeunes, en faisant une Cène plus explicative et festive le jour de la confirmation.

Sources : Konfirmation früher und heute: Die Geschichte des Festes | Sonntagsblatt.de

Crédits : Christina Weinhold (EPUdF), PointKT, Photo de Levi Guzman sur Unsplash