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Prédication autours d’une croix fabriquée à partir d’une balle

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Quand Dimanche des rameaux est aussi culte de confirmation… voici la prédication de la pasteure Isabelle Horber (UEPAL) 

Dimanche des rameaux!
Jésus, quand tu es entré à Jérusalem
A grands cris, les gens t’ont acclamé.
Mais qui a dit : Moi, je veux bien t’écouter » ?
Leurs manteaux, ils ont enlevés.
Mais qui a dit : Ce qui me sépare de Dieu, je veux le retirer » ?
Près de leur porte, tu es passé.
Mais qui a dit : « Viens, Jésus, tu peux entrer » ?
A leur cœur, tu as frappé.
Mais qui a dit : « Comme toi, je veux aimer » ?
Aujourd’hui, Jésus, Tu te tiens à la porte et tu frappes.

Qui lui dira : « Entre, je t’accueille dans ma vie.
Sois le bienvenu chez moi » ?

Nous voilà une semaine avant pâques… C’est-à-dire à l’aube de la semaine de la passion où nous nous souvenons de la dernière semaine du Christ. Mais, et c’est la raison de la présence de la majorité d’entre vous, c’est aussi le dimanche de la confirmation d’A., de Ca. et de Co.

Mais pourquoi, pendant longtemps et presque partout, les confirmations avaient-elles lieu le dimanche des rameaux ?

D’une part parce que dans le monde paysan, c’était bientôt le temps des labours et des semailles et qu’il fallait des bras. Beaucoup de jeunes n’allaient plus à l’école d’avril à octobre afin d’aider leurs parents. Les rameaux de l’année de leur 14 ans marquait la fin de leur présence à l’école. C’est d’ailleurs pour cela, comme un rite de passage à l’âge adulte, que la confirmation a lieu aux 14 ans des jeunes… Mais aujourd’hui, A, Ca, et Co. vous avez probablement encore de longues années de scolarité devant vous.

Je ne pense pas que mes prédécesseurs pasteurs se soient uniquement pliés aux rythmes scolaires et paysans. La confirmation avait lieu à rameaux aussi parce que justement … c’était les rameaux et qu’en cette fête était reflétée la vie qui s’ouvrait devant eux.

Écoutons ce qui se passe le dimanche des rameaux selon l’évangéliste Jean :

Une foule nombreuse de gens venus à la fête ayant entendu dire que Jésus se rendait à Jérusalem, prirent des branches de palmiers, et allèrent au-devant de lui, en criant : Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël !

Voici que Jésus entre à Jérusalem comme un roi ! C’est le sommet de sa « carrière » ! Le jour où la foule proclame vraiment qui il est. Le jour où il est accepté comme le Messie. Faire sa confirmation en souvenir de ce qui se passe ce jour, c’est avant tout affirmer sa foi devant la communauté et la famille rassemblées. A, Ca. et Co. ont d’ailleurs préparé une affirmation de la foi qu’ils liront tout à l’heure au moment de la liturgie de confirmation. A. Ca., Co., cette affirmation de VOTRE foi ce sera votre façon d’agiter les rameaux pour l’entrée de Jésus dans votre vie de jeunes adultes. Qu’ils restent verts tout au long de votre vie.

Cependant, nous connaissons la suite de l’histoire, c’est-à-dire la semaine qui s’ouvre devant nous. Nous savons que la foule n’est pas restée une foule joyeuse et acclamante. Et ces vivats qui tourneront aux cris de haine nous font mal. Ce haut, cette apothéose avant la grande dégringolade de vendredi saint.

Proposer la confirmation à rameaux, ne serait-ce pas une façon de dire à nos jeunes : attention aujourd’hui vous êtes les rois de la fête, mais bientôt viendra la chute, car on ne reste pas éternellement au sommet il suffit de regarder le prophète Elie.

Ce pourrait être aussi une anticipation de ce qui arrive trop souvent avec la confirmation. Trois ans de cheminement dans la paroisse : caté, présence et participation aux cultes. Et puis la confirmation passée, les cadeaux déballés, pff, plus de confirmands.

Est-ce comme cela que vous vivrez votre engagement A., Ca., Co. ? Aujourd’hui un grand jour et après une longue traversée du désert jusqu’au jour de votre mariage ou du baptême de votre premier enfant peut-être ?

Mais je crois que ce culte de confirmation à rameaux peut avoir un autre sens qu’une forme de culpabilisation. Et pour cela je vais vous offrir un petit souvenir de cette journée. Vous verrez qu’il fait aussi sens dans ce qui vous a peut-être touché dans l’actualité mondiale.

Mon petit cadeau fait juste quelques centimètres de haut. Vous pouvez également reconnaître que c’est une petite croix, mais il a été formé à partir d’un objet spécial …

Il a été fabriqué à partir d’une cartouche de fusil au Libéria, petit pays pauvre sur la côte ouest de l’Afrique qui sort d’une guerre civile de plus de 10 ans.

Pour s’assurer un petit revenu et proclamer leur volonté de paix, les églises du pays ont décidé de faire des croix à partir de cartouches et d’obus vides.

C’est mettre en œuvre la prophétie d’Ésaïe que nous avons lu tout à l’heure : « De leurs glaives ils forgeront des hoyaux, Et de leurs lances des serpes ». Là, Ésaïe dirait que de l’engin de mort qu’est une balle ils ont fait le symbole de la vie éternelle. En continuant dans la même idée : « ils transforment leurs mitraillettes en pelles et fabriquent des cloches à partir de leurs canons. »

Proposer la confirmation à rameaux, ne serait-ce pas une façon de dire à nos jeunes. Oui, il y a des hauts et des bas dans la vie. Il y en aura dans TA vie… Oui, un jour vous aurez à vivre votre propre vendredi saint, mais après vendredi saint il y a la lueur de pâques.

C’est une façon de dire : de la violence qui vous est faite peut sortir une bénédiction…

C’est aussi dire, face à l’actualité, qu’il est toujours possible de transformer le mal en bien. Des balles en croix. Une tuerie de plus à Parkland en Floride sera peut être le début d’un gun control aux états unis… parce que les lycéens et les étudiants se sont saisis du problème et qu’ils ont organisé une grande manifestation nationale … hier

Cette croix que je vous offre aujourd’hui veut briller tout au long de votre vie. Les jours de désespoir ou les jours où vous aurez envie de recouvrir à la violence, elle vous rappellera que Jésus, même s’il lui est arrivé de se mettre en colère, n’a jamais recouru à la violence physique. Au contraire, il a toujours imaginé des solutions pour préserver les personnes menacées par la violence.
Il a convaincu ceux qui voulaient tuer la femme adultère, qu’il leur arrivait d’être aussi coupable qu’elle.

Il a refusé cette violence du rejet fait aux enfants de son temps et a dit aux disciples « laissez venir à moi les petits enfants ».
Le soir de son arrestation, il a guéri celui qui l’emmenait à la mort.

Regardez cette croix que je vous donne. Elle devra symboliser pour vous le choix devant lequel vous vous trouverez encore et encore : choisir le mal ou le bien.

Encore et encore il vous faudra choisir d’exercer la force ou de trouver un autre chemin.

Et quand je parle d’user de force, je ne parle pas seulement de se battre et de donner des coups de pieds mais aussi d’insulter, de raconter des mensonges sur les autres, de crier, d’intimider l’autre. La violence a beaucoup de visages et de formes.
Je disais qu’il vous faudra encore et encore choisir d’exercer la force ou de trouver un autre chemin. Je ne dis pas qu’il faut se laisser faire mais trouver un autre chemin. Il ne s’agit pas de devenir victime de la violence, mais de résister à celle-ci.

A Parkland, les condisciples des 17 jeunes assassinés par balle sont en colère. Et leur colère fait passer un souffle d’urgence et de renouveau sur le contrôle des armes à feu. Ils résistent et ne se résignent pas.

S’il vous arrivait de devenir victime de la violence, résistez, obtenez de l’aide, contactez les enseignants, les adultes, les amis et la police. Ne vous résignez pas, jamais face à la violence.

Jésus ne s’est pas résigné, mais a ouvert un autre chemin, il s’est relevé même face à la mort.

La croix que je vous offre n’est pas une croix de bois, polie et lissée (montrer) confortable dans votre main, mais c’est une croix de métal, froide, avec des bords rugueux et même coupants.

Cette croix exprime quelque chose de la dureté de notre monde. Tout n’est pas toujours heureux et facile dans nos vies ; tout ne sera pas toujours heureux et facile dans vos vies. Il vous arrivera sûrement d’être confrontés à la laideur de la vie, comme le Christ a été exposé aux hurlements et aux crachats de la foule sur son chemin de passion.

Mais la vie ne se résume pas à cette laideur. Si vous regardez cette croix, si vous regardez toute croix, vous verrez qu’avec un peu d’imagination on peut y voir quelqu’un qui tend et ouvre les bras. Comme s’il vous appelait pour faire un monumental câlin.

En regardant cette croix, en regardant toute croix, je vois le Père du Fils prodigue qui m’ouvre les bras. C’est ma foi et mon espérance pour vous.

Mais c’est aussi ma foi et mon espérance que dans toute situation difficile, nous sommes invités à ne pas baisser les bras.

En ce jour de confirmation je vous l’affirme, vous n’avez pas à pas baisser les bras. Mais vous vous devez de prendre les difficultés à bras-le-corps pour faire de balles de fusil des croix. Pour faire de tout ce qui nous blesse des symboles de vie.
Vous ne devez pas baisser les bras mais les élever pour devenir réceptacle de la bénédiction de Dieu, savoir que vous êtes envoyés sur la route de la vie avec lui à vos côtés. Amen.

crédits : Isabelle Horber (UEPAL) Point kt