Point KT

Prédication de confirmation, Pentecôte 2010

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Chers confirmands, vous ne vous en rendez certainement pas compte, mais aujourd’hui, vous avez de la chance. Malheureusement pour moi et heureusement pour vous, vous êtes ma première fournée dans cette paroisse, je ne vous ai pas vu grandir, nous n’avons pas eu le temps de bien nous connaître, de passer beaucoup de temps ensemble. Aussi, je ne peux pas même pas me plaindre auprès de vos parents d’un tas d’années à vous supporter à l’école biblique et au KT
Je peux tout au juste faire ma malheureuse juste de quelques rendez-vous ratés, de quelques coups de pieds aux fesses perdus, de chouia de mauvaise volonté à mettre la table ou à comprendre l’absence incongrue de lave-vaisselle, d’incapacité forcée à trouver un texte dans ce curieux bouquin  (qui lit encore des livres, hein ?), de quelques regards en l’air si par chance, vos yeux avaient quitté la table, de quelques «mais bien sûr !», en lisant quelque passage biblique curieux à nos yeux modernes… Et aussi, remercier vos parents d’avoir usé quelques paires de baskets à vous traîner jusqu’aux affreux pasteurs, alors que vous auriez eu mille et une choses plus intéressantes à faire pendant ce temps-là…

Non, je ne vais même pas vous traiter de sales gosses, ou alors, si je le fais, ce serait avec une certaine tendresse, mais je ne vais pas vous dire non plus que je vous aime bien, parce que ça non plus, ça vous plairait encore moins que si je vous traitais de sales gosses…

Bon, vous allez me dire que moi, sûr, j’ai mal tourné, mais au KT, quand j’avais votre âge, je n’avais pas l’air spécialement plus intéressée que vous, et croyez bien que mes camarades non plus… Franchement, déjà, ça ne le faisait pas, d’avoir l’air vaguement intéressé, et même, je vous trouve drôlement plus sage que notre génération, quand le pasteur a les yeux ailleurs… Moi, je me suis fait viré plusieurs fois de la salle de KT… Ceci dit, ce qui rentrait par une oreille ne sortait pas forcément illico par l’autre… J’ai sans doute confirmé en grande partie pour les cadeaux, et pour avoir enfin le droit de rester au lit le dimanche matin, mais j’ai continué à réfléchir de temps en temps sur ce que j’avais appris, à faire la part des choses, à faire des tris entre ce je croyais, ou ce que je refusais de croire de cet enseignement… Et puis un jour, c’est de moi-même que j’ai remis les pieds dans un édifice comme celui-là, sans chantage, ou menace de coups de pieds aux fesses. J’ai trouvé que les gens n’étaient pas particulièrement accueillants dans l’ensemble, et puis ils paraissaient tous si vieux, du bas de mes 17 ans, mais j’ai continué à y aller, à m’abreuver des paroles qui m’étaient offertes, jusqu’à devenir aujourd’hui une vieille de l’Eglise à vos yeux.

Je ne vous dis pas de finir aussi mal que moi, mais vous, vous n’avez pas l’excuse de l’accueil… Parce que ceux-là, ils sont sympathiques, tous ! Et si vous les trouvez trop vieux à votre goût, il ne tient qu’à vous de faire baisser la moyenne d’âge !

Vous faites partie de leur famille, ils font partie de la vôtre ! L’Eglise, ce n’est pas un club, ce n’est pas une institution, ce n’est pas un centre de redressement, c’est une famille… Oh certes, comme dans toutes les familles, il y a aussi des portes qui claquent, des mots plus haut que d’autres et des coups de pieds aux fesses perdus, mais il y a aussi et surtout ce lien  plus fort que tout, parce qu’il est issu d’une parole d’amour qui permet de tout dépasser, et de ne toujours voir l’autre comme une membre de sa famille, envers et contre tout… Vous êtes ici parce que lors de votre baptême, cette parole d’amour a été prononcé sur vous… Vous étiez alors des nourrissons et des petits enfants, ce sont vos parents qui vous ont emmené, mais aujourd’hui, vous êtes assez grands pour entendre cette parole et la faire vôtre, et l’accepter, pour qu’elle nourrisse votre vie quotidienne. Vous avez bien sûr le choix, on a toujours le choix d’accepter un amour offert, ou de lui claquer la porte au nez…

Ceci dit, lorsque dans quelques années, vous allez atteindre la majorité, vous n’allez quand même pas dire au revoir à vos parents et ne plus jamais les revoir, n’est-ce pas ? Vous viendrez encore les voir de temps en temps, n’est ce pas ? De même qu’eux continueront à vous aimer, même si vous n’habitez plus avec eux !

Ce qui se passe aujourd’hui pour votre confirmation, c’est la même chose, ce n’est pas un adieu, ni de votre part, ni de la vôtre, et sûrement pas de la part de Dieu… C’est certes la fin du KT, et c’est le début de votre entière liberté de vivre ou non de ce qui vous a été proposé depuis votre enfance… Les versets bibliques que vous avez choisis parlent beaucoup de recherche, de nourriture spirituelle, de confiance… Continuez à chercher, allez vagabonder, mais venez manger à la maison de temps en temps, vous aurez toujours votre couvert !

Ainsi, nous avons simplement, tenté de semer quelque chose en vous. Nous avons essayé de partager l’espérance et la beauté de la Parole de Dieu, et de l’inscrire dans votre présent. Cela, même dans des textes qui parfois vous faisaient soupirer encore plus qu’à l’accoutumée… Nous avons quelquefois entendu, cette année, des « vraiment, n’importe quoi », avec regards qui disaient « tu ne crois quand même pas me faire gober des trucs pareils »! Car après que de vous dire l’amour dont vous êtes l’objet, l’autre but des années d’enseignements que vous avez suivi, c’est de vous donner des bases susceptibles d’agiter correctement vos neurones, de vous amener à réfléchir par vous-mêmes, et de faire en sorte justement que ces bases là vous servent au-dehors d’une salle de KT, ou d’un temple, donne à avoir un certain regard sur le monde, et une certaine façon de vous y comporter. Nous n’avons jamais voulu vous noyer de bonnes paroles et vous faire rentrer dans le crâne des vérités toutes faites. Mais plutôt faire un bout de chemin avec vous, en espérant vous montrer que la bible peut encore dire quelque chose d’essentiel à des jeunes de 15 ans d’aujourd’hui, que ce qu’elle dit peut concerner votre vie.

Et de presque pouvoir entendre aujourd’hui, pendant la lecture du récit de Pentecôte, des « et puis quoi encore, des langues de feu…qui font parler des gens dans d’autres langues, mais bien sûr ! »…

Pourtant, nous avons essayé, tous, de faire comme les disciples de ce jour-là, à votre égard, de venir à vous et de vous parler comme ils l’ont fait pour d’autres…

Car les langues que les autres comprennent en ce jour, ce ne sont pas des langues étrangères, c’est, disent-ils, leur langue maternelle… Et qu’est-ce qu’une langue maternelle, que celle de l’intimité, que celle qui vous parlait au plus profond du cœur lorsque vous étiez petit, celle que vous compreniez parfois même sans mots… La langue maternelle, c’est celle qui vous connaît, et arrive à vous atteindre. C’est la langue de la tendresse, la langue de l’amour.

C’est cela dont il s’agit… Les apôtres ne se mettent pas subitement à être des polyglottes géniaux, sachant parler et le gaulois et le zoulou, ils ne se mettent pas à parler les langues de tous, mais ils reçoivent un élan qui leur permet de parler la langue de cœur de chacun,… De les rejoindre chacun au-plus profond d’eux-mêmes, pour pouvoir leur dire l’amour de Dieu, pour pouvoir se sentir frères d’eux…

Oui, un élan, un souffle, tout simplement , qu’ils ont peut-être décrit par des langues de feu parce qu’ils n’arrivaient pas à trouver les mots adéquats pour dire ce qu’il leur était arrivé, mais un souffle, un élan merveilleux qui leur a donné de sortir d’eux-mêmes, de leur stagnation, pour pouvoir aller à la rencontre d’autres, de tous les autres, si différents qu’ils soient… C’est ce jour là qu’ils sont passé du club à l’Eglise, c’est ce jour là qu’ils ont créé une famille…

Et c’est avec cela que nous voudrions vous voir franchir les portes de ce temple aujourd’hui : cette conscience d’un élan, l’esprit de l’amour de Dieu, qui vous permet de vous sentir frères des autres, de tous les autres, et de pouvoir parler à leur cœur… et de ne jamais être indifférents à eux… Et de savoir que Dieu est à la source de tout cela.

Quelle que soit pour l’instant votre foi assumée, vos balbutiements ou vos doutes, partez sur ce chemin… chers confirmands, nous vous souhaitons une bonne route, tout simplement, et vous confions à la grâce de Dieu. Ainsi, si nous vous disons A Dieu, c’est avec deux mots, pas avec un seul. Amen