Point KT

Ils sont raisonnables… Les adolescents et la famille

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Cet article a été réalisé à partir d’une interview de deux couples habitant Vendenheim, un gros village à 15 km ou nord de Strasbourg. Ces familles sont protestantes et engagées dans la paroisse. L’un des couples a deux enfants de 15 et 20 ans, l’autre trois enfants de 13, 15 et 18 ans.
De nos jours tout se passe comme si le cri du cœur d’un André Gide : « Famille, je vous hais » avait été remplacé par : « Famille, je vous aime » ou « Famille, j’ai besoin de toi ! ».

En effet, l’adolescence elle-même, qui devient une période de plus en plus difficile à délimiter, a perdu au sein de la famille ses aspects conflictuels les plus agressifs qu’ont connus les générations antérieures, sauf dans les milieux où la famille elle-même se trouve perturbée pour des raisons économiques ou socioculturelles graves.

Les conflits de fond, souvent identitaires, ont prêté le pas à des points de friction épidermiques qui naissent des controverses quotidiennes sur les vêtements, la coiffure, l’argent de poche, les mauvais résultats scolaires ou l’heure de rentrée.
Ces controverses naissent souvent d’une surenchère entre les jeunes eux-mêmes qui ne désirent pas se démarquer par rapport aux modes et aux lois du groupe. Il nous est souvent difficile à nous parents, de ne pas jouer le jeu pour ne pas marginaliser nos enfants.

Mais ces points de friction, s’ils existent, ne rompent pas pour autant la communication qui paraît être au beau fixe lorsqu’une relation authentique et franche existe.
– On discute de tout. Nos rapports sont plus naturels et sains. On les associe à pas mal de discussions et décisions.

Les vrais problèmes sont au-delà, car ils touchent au travail et à l’avenir socioprofessionnel, à l’établissement d’une vie sexuelle stable et au sens de la vie dans un monde où les repères idéologiques et les systèmes de croyances foisonnent, se contredisent et fluctuent.
Le monde extérieur est de plus en plus agressif et instable, on sent chez nos enfants un phénomène de repli sur le cocon familial. Pourquoi chercher ailleurs ce qu’ils trouvent chez eux ? Pourtant, nous remarquons une opposition entre la maturité qu’ils prétendent avoir et qu’ils affichent et leur comportement. Tout se passe comme s’ils n’avaient pas envie de grandir, de se précipiter dans ce monde pour lequel ils n’ont pas été préparés.

Or sur ces points fondamentaux les parents sont souvent eux-mêmes déroutés et en recherche, comme leurs enfants. Ce qui a changé, c’est qu’on en parle.
Tout se discute, c’est cette qualité relationnelle qui permet de se sentir proches et d’évoluer ensemble. Ils découvrent que nous n’avons pas toujours des solutions toutes faites aux questions qu’ils se posent et que nous sommes également en recherche.
D’un côté ils sont hyper protégés, de l’autre ils sont fragilisés et insécurisés face aux problèmes du chômage, de la drogue, du sida, de l’instabilité de la vie sentimentale et conjugale.
Ils sont à la fois fragiles et extraordinairement lucides et exigeants.

On cherche donc un modus vivendi acceptable de part et d’autre en évitant les « éclats » et ceci d’autant plus que les jeunes voient leurs possibilités de vie indépendante reculer parfois du fait de la crise et du chômage.
Alors, assistons-nous au développement d’une génération d’adolescents nouvelle, lucide et raisonnable, marquée par une relation parents enfants basée sur le respect et l’estime mutuels, retardant son envol dans une vie autonome de plus en plus incertaine, dure et redoutable ?
Ils sont raisonnables ! Parfois je ne les trouve pas assez combatifs et revendicatifs, tels que nous l’étions à leur âge.

Nous ne voudrions pas généraliser, mais nous faire l’écho de parents qui sont heureux de l’être et de vivre une relation avec leurs enfants adolescents certes exigeante, mais passionnante sans pour autant idéaliser et préjuger de l’avenir.

Crédits : Evelyne Schaller (UEPAL), Point KT