Point KT

Le talent enterré

image_pdfimage_print

ImagePendant un temps, nous nous sommes contentés de leur affirmer que Dieu les aime…
Mais bien vite nous avons eu envie d’aller plus loin, de dire qui était Dieu et comment il nous aimait.

Oser le partage du texte biblique

Je suis devant un groupe d’enfants porteurs d’une déficience mentale. Je fais venir un camion plein de Bibles, toutes traductions confondues que je déverse au milieu d’eux. II y en a des rouges, des vertes, des bleues, des oranges, des petites, des lourdes, des simples et des compliquées. Ils pourraient en faire un jeu de construction ou d’association de couleurs. Elles deviendraient un mur ou un pont, une tour ou un chemin pour guider nos pas. On pourrait aussi choisir d’en faire des tabourets et s’asseoir dessus mais ce serait dommage. S’ils l’ouvraient et forcement ils l’ouvriraient, ils n’auraient pas peur des mots puisqu’ils ne savent pas lire mais ils s’en donneraient à cœur joie pour tourner les pages, les triturer, les arracher peut-être, en faire des jeux de matières. Ils enverraient les mots au vent, feraient des colliers de versets. Des Bibles ? Du papier simplement. Aucun effet magique.

Mais je ne leur ai jamais donné la Bible de cette manière-là. Je l’élevais sur l’autel ou la plaçais au milieu de notre cercle comme un symbole. Un symbole de ce Dieu qui se sert de moi pour parler de lui, comme un instrument. Je prends la Bible dans mes mains pour signifier cela. Ce que je dis ne vient pas de moi.

« Attention, m’avait averti un ami théologien, ne la sacralise pas ! Ce n’est qu’un livre. Nous sommes issus d’une tradition orale. Ces pages ne sont que traduction humaine. »
Ah !
« Questionne-la. Interroge-la. Mets-la à l’épreuve. Elle est moderne. Elle peut parler à tout homme ici et maintenant. Ose !  »
Moi ?

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Notre équipe est œcuménique. Nos connaissances bibliques limitées. Nous nous sentions incompétents, indignes. L’interprétation du texte appartient au pasteur. Mais le savoir du pasteur ne suffit pas pour parler à ces enfants-là. II a besoin de nous pour apprendre à communiquer avec eux. La question du comment dire ou faire est très importante mais l’essentiel restera toujours de trouver quoi leur dire. Pendant un temps nous nous sommes contentés de leur affirmer que Dieu les aime. Eux, ça ne leur faisait pas de mal et nous, ça nous donnait bonne conscience. Mais bien vite nous avons eu envie d’aller plus loin, de dire qui était Dieu et comment il nous aimait. Nous cherchons ce fameux quoi dire dans le texte, dans l’histoire. Et parfois nous n’y arrivons pas.

Sortir le talent de sa cachette

J’aurais aimé pouvoir utiliser cette histoire pour affirmer que chacun a reçu au moins unImage talent, mais ce n’est pas vrai, il y a trois serviteurs choisis pour leurs capacités. Et il est question de peur, de placements financiers et de jugement dernier. On est loin de l’histoire édulcorée que je m’étais fabriquée.
Alors comment irais-je devant les enfants avec ce texte si un jour j’ose l’aborder ? Sans doute faudra-t-il les encourager à sortir le talent de sa cachette. Lui rappeler, me rappeler qu’il a un talent caché et que peut-être personne ne le sait encore. Comment un banquier pourrait-il accepter un placement s’il ne sait rien de sa valeur ?

Finalement peut-être pourrons nous faire mentir l’histoire en changeant notre regard en relevant les forces plutôt que les manques. Et peut-être me suis-je complètement trompée. Si ça se trouve c’est lui qui a reçu cinq talents et qui en rendra dix le moment venu. Après tout Je ne suis pas juge !

Crédit : Martine Leonhart – Point KT