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Padilabi, une catéchèse résolument ludique pour les 11-15 ans

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« Padilabi », ça vous dit ? Mais qu’est-ce que c’est que ça, encore ?
Les Padilabi© ou Passionnante Discussion autour de La Bible invitent les jeunes à vivre le message de l’Évangile par l’intermédiaire d’une catéchèse ludique et existentielle…

– Monsieur le pasteur, bonjour, merci de nous recevoir…
– Bonjour à vous !
– Vous nous avez proposé de nous parler des Padilabi. C’est une démarche catéchétique, mais qu’a-t-elle de particulier ?
– A partir de mon expérience personnelle de jeune adolescent, et confronté en tant que pasteur à diverses expériences catéchétiques, j’ai décidé de transmettre le message biblique à travers une démarche résolument ludique, d’un bout à l’autre des séances, et cela de séance en séance, tout au long de l’année.
– Cela ne fait pas très sérieux, tout cela !
– Attendez, ludique ne veut pas dire vide de sens ! C’est la méthode qui passe par le jeu, sans rien enlever de l’importance du fond.
– Expliquez-nous…
– Tout d’abord, je dois insister sur quelques préceptes de départ : pour le moniteur, développer des Padilabi, c’est développer une tournure d’esprit particulière quant à l’utilisation du jeu ; ensuite, la préparation des séances demande d’y consacrer vraiment beaucoup de temps, en tout cas au début de la mise en route. Tout ce temps n’est pas perdu, à long terme, car les Padilabi peuvent être réutilisés, d’année en année, enrichis, étoffés au fur et à mesure du vécu des séances. De plus, une séance bien préparée ne demande plus, de la part du moniteur, un gros investissement lors du déroulement même de l’activité : ce sont les jeunes eux-mêmes qui font l’animation en jouant.
– À quelle tranche d’âge vous adressez-vous ?
– Nous parlons à des pré adolescents, entre 11 et 15 ans. Il faut que le groupe soit composé d’au minimum 8 jeunes et au maximum 20, pour avoir une bonne émulation. Un moniteur suffit, même pour un groupe nombreux. Un Padilabi dure environ 1 h ou 1 h 1/2, et chez nous, il est couplé avec un goûter et quelques jeux spontanés, sans visées catéchétiques directes… Ce qui m’amène à inviter avec insistance tout mono qui serait tenté d’animer des ados ou pré ados à suivre une formation à l’animation et à lire quelques recueils de psychopédagogie concernant cette tranche d’âge, les besoins et les fonctionnements.
– Le moniteur catéchète doit donc être un type sérieux, qui fait jouer les autres ?
– Un type sérieux, certainement dans sa préparation personnelle et dans la préparation des Padilabi. Après, sur le moment même avec les jeunes, on se marre, on partage leurs fous rires, on s’écroule les larmes aux yeux sans plus pouvoir respirer, on s’éclate en fait ! Le principe essentiel est que les jeunes apprennent quelque chose à propos d’un thème biblique sans s’en rendre compte et en s’amusant. Pour les jeunes, la découverte sera toujours au rendez-vous, mais pas toujours là où ils l’attendent ! L’humour, les blagues de potaches, les jeux délirants se mettent au service du message de l’Évangile.

– Au service de l’Évangile ? Par exemple ?
– L’animateur doit être opportuniste et détourner des jeux existants au profit d’un message, d’une expérience à vivre par le groupe pour en retirer une sorte de morale, un constat apportant de l’eau à notre moulin catéchétique. Dans les Padilabi, toute la séance se déroule en variant les jeux entre épreuves physiques, challenges en équipes, recherche un peu plus intellectuelle, improvisation de sketches…
Les jeunes que je rencontre dans mon ministère ont un réel problème avec la lecture. L’acte de lire est associé au scolaire, à l’évaluation, à l’obligation, et non plus au plaisir, aussi, lorsque je veux dans mon Padilabi aborder un texte biblique ou quelques versets, je vais toujours le faire sous forme ludique : codes, mots masqués, croisés, jeux d’équipes, rébus…
Pour donner un exemple, créez un parcours d’obstacles à franchir les yeux bandés, chaque équipe ayant son champion au départ, mais pas à proximité, ils doivent crier pour guider leur concurrent sur le parcours ; tous les cris se mélangent, le chahut devient bien sûr indescriptible au bout d’un moment, et finalement, peu arrivent au bout du parcours ! Voilà une bonne illustration vécue de ce que nous rencontrons, en tant que chrétiens, dans la société qui nous entoure : beaucoup de bruits, de cris, d’énervement, d’obsession de gagner, mais au final, est-ce tout cela qui nous conduit à bon port ? Ces bruits peuvent être comme des tentations sur nos routes, autant d’occasion de chute. D’autres questions surgissent, venant du groupe : « Est-ce intelligent de partir les yeux bandés ? Comment trouver des solutions pour arriver ? » Vous voyez, c’est une tournure d’esprit de l’animateur qui utilise pour la catéchèse une activité qui n’a, au départ, rien à voir !

Les thèmes des séances sont orientés aussi vers les zones d’intérêt des enfants ? Les Padilabi fonctionnent aussi lorsque vous avez un pourcentage de jeunes – jusqu’à 30 % du groupe – qui ne sont pas enracinés dans la vie de l’Eglise et qui n’ont pas de culture religieuse, c’est un excellent moyen de toucher une population d’ados satellites, amis, voisins, famille, en témoignant de notre foi mais sans que cela n’implique une conversion ou même un engagement personnel, sinon celui d’être le plus régulier possible tout au long de l’année. Peu de jeunes de cet âge viennent à l’église pour louer le Seigneur, ils viennent parce qu’un copain vient, qu’on s’amuse, qu’on est en groupe de façon assez sympa… Mais plus de 30 % du groupe « hors Eglise » peut poser un problème : il s’agit bien de transmettre des valeurs chrétiennes et protestantes au travers d’animations ludiques, et pas uniquement d’organiser des rencontres récréatives. Il faut donc une part de motivations chrétiennes au sein du groupe !

– Bien sûr, mais en restant dans le cadre d’une catéchèse biblique. On part d’un thème : cène, baptême, partage, foi, péché, identité, mort, deuil, etc. L’animateur, dans sa préparation, s’appuie bien sûr prioritairement sur la Bible, mais la façon dont il va faire passer le message auprès des ados ne laissera pas forcément transparaître cette priorité ! Les zones d’intérêts et les dons des participants ressortent naturellement. Les choses sont vécues pendant une heure ou plus, de jeux divers, tous allant vers la démonstration de ce que l’on veut apporter, et je profite de quelques moments calmes, après les jeux très physiques, très fatigants, pour parler un peu plus calmement et avoir, à ces moments-là, des échanges plus profonds au sein du groupe afin de relever avec eux ce qu’ils ont découvert, ressenti, vécu ensemble.
– Vous nous avez donné envie, concrètement, comme préparez-vous les séances ?
– Même s’il y a plusieurs moniteurs dans l’équipe, un seul prépare son Padilabi. Les autres suivront le mouvement en même temps que les ados, en encadrant au besoin.

La première démarche se fait par écrit : lectures bibliques, intertextualité, recherche exégétique tout d’abord pour moi, avec mes mots d’adulte. Puis discernement précis et simplification au maximum, de l’idée centrale que je veux véhiculer lors d’une séance.
Ensuite, toujours par écrit, j’élabore une fiche où j’organise la façon dont j’aborde l’idée (ou les idées) et, en parallèle, les jeux que je vais y associer, en prévoyant la façon de faire charnière entre les différents moments. Il faut varier les jeux. Je prévois là tout le matériel nécessaire, l’agencement de la salle, l’aide éventuelle d’autres monos, etc. C’est une fiche technique.

Et enfin, je prépare les notes que je donne aux jeunes. Ces notes, en réalité, sont la continuation des jeux. Les caractères sont espacés, la mise en page est aérée, ludique et illustrée. Elles sont à classer dans un classeur offert en début d’année. Ce cahier renforce les acquisitions de la séance, et sert parfois de tremplin de préparation, de mise en bouche pour la séance suivante. Dans chaque séance, un temps est consacré à la correction – rapide et toujours ludique – des jeux contenus dans le cahier, et ces corrections – le simple fait d’avoir réalisé la page de jeux – donnent droit à un jeton.

Jetons qui, comptabilisés en fin d’année, et complétés par des jetons de présence, de fair play, d’esprit d’équipe, de serviabilité, etc. donnent aussi droit à des « lots », jeux de société, bandes dessinées, gadgets divers… Je sais, la méthode des récompenses, tout comme la méthode des équipes concurrentes, est décriée par certains… Mais je peux vous dire que pour des jeunes entre 11 et 15 ans, c’est encore une motivation supplémentaire pour venir au Padilabi ! Ne vous y trompez pas, si vos Padilabi ne sont pas super funs, les jetons distribués ne suffiront pas. Mais si vos Padilabi sont super funs, alors la récolte des jetons fera partie intégrante du plaisir de participer.
– Certains pourraient argumenter qu’en fait, par la préparation, vous orientez vos séances là où vous voulez qu’elles aillent !
– On touche une tranche d’âge particulière, qui n’est plus dans le merveilleux de la petite enfance, non plus dans la recherche de compréhension de l’enfance, mais à la charnière entre l’identité donnée par papa-maman et l’adolescence où l’identité se construira de façon plus autonome. Avec ma façon de préparer mes thèmes, les pré-ados ne sont plus dans l’enfance de papa-maman, mais ils ont encore besoin d’un adulte référent qui leur propose des valeurs. Après, passé 15 ans, ils peuvent se construire une identité propre, mais pas sans bases !

– Depuis combien de temps faites-vous des Padilabi ?
– Depuis 25 ans, avec un succès quantitatif et qualitatif toujours stable. J’ai beaucoup lu sur la pédagogie concernant cette tranche d’âge, principalement des auteurs anglo-saxons. J’ai expérimenté, et cela a confirmé ce que j’avais lu : cette petite tranche d’âge n’est plus dans l’enfance, mais comme les jeunes enfants, elle a une capacité de concentration limitée et un énorme besoin de mouvements.
J’aménage toujours le local en fonction de cela : pas de tables, on s’assied et on joue par terre, on bouge, on fait un cercle et l’animateur, du centre, peut relancer chacun en veillant à garder toujours une dynamique. L’un des aspects avantageux du jeu est qu’un nouvel arrivant, dans un groupe déjà formé, peut trouver sa place. C’est important, dans l’illustration que nous voulons faire de la vie de l’Église : chacun est à tout moment invité à faire place, trouver place. Dans un groupe de caté traditionnel, celui qui arrive sans base biblique, sans parcours d’école du dimanche, celui-là est parfois mis de côté ; dans les jeux variés où tous sont sur le même pied de découverte, il trouvera toujours une façon de se mettre en valeur.

Un dernier exemple, pour achever de nous convaincre ?
– Autour de la question de l’inspiration : Dieu a-t-il dicté aux auteurs un mot à mot biblique ? J’organise des paires lecteurs/écrivains, mais distantes les unes des autres et mélangées ; les lecteurs doivent dicter aux écrivains des versets bien compliqués, avec des noms hébraïques à rallonge, mais, comme dans le parcours aveugle, la dictée des uns interfère dans la dictée des autres rendant le processus impossible à mener à bien ! C’est un peu tout l’enjeu des activités ludiques des Padilabi : non pas de gagner, non pas d’être premier ni même de collaborer dans un but commun, mais de mettre en avant, avec humour et en s’amusant le plus possible, une illustration vécue de la notion que l’on veut aborder.

« Comment puis-je faire découvrir et vivre aux ados l’idée que je veux leur faire passer ? » Dans le brouhaha ambiant, les participants vivent le fait qu’un processus de dictée, tel qu’on le conçoit humainement, n’est pas vraiment de mise dans la rédaction des textes bibliques… C’est un exemple parmi d’autres proposé pour cette notion.
– Que diriez-vous en guise de conclusion ?
– On dit souvent que la jeunesse est une priorité, mais je constate que peu d’adultes prennent vraiment le temps de se consacrer aux ados. C’est une tâche difficile car ils sont exigeants au niveau relationnel, ils veulent de la confiance, une relation construite, mais du simple fait de leur âge, ils sont passants. La relation se construit dans la profondeur, mais pas dans la longueur. Ils s’investissent dans la relation au moment présent, mais heureusement, ils ne restent pas pré-ados ou ados, et du coup ce n’est pas facile pour l’adulte de s’investir durablement. Il y a des méthodes, des modes en caté comme en toute démarche d’enseignement. Parfois, on saute d’une méthode à l’autre d’une année à l’autre, en cherchant celle qui va donner le plus de résultats. Il n’y a alors aucune stabilité, ni pour ce qui est du public, les jeunes qui grandissent et passent, ni pour ce qui est de la méthode. Avec mes Padilabi, je trouve la stabilité dans la méthode. Je ne reste pas statique, j’enrichis, j’évolue avec les publics que je rencontre, je reprépare chaque fois mes séances, mais j’ai une base que j’utilise avec expérience et confiance. A cause du grand investissement personnel des jeunes eux-mêmes dans les activités, aucune séance ne se répète en copier/coller, c’est chaque fois différent. Je sais que je peux proposer les Padilabi aux communautés que je sers, le résultat sera là : des jeunes présents, enthousiastes, touchés par le message de l’Évangile à l’âge où ils ont un immense besoin de valeurs – à garder ou à rejeter – pour construire leur identité.
– Merci beaucoup pour ce partage au sujet des Padilabi. Les personnes qui n’auraient pas trouvé, au sein de l’article, leur comptant de renseignements, peuvent-elles prendre contact avec vous ?
– Oui, cela est possible via l’adresse Point KT de notre rédactrice Marie-Pierre Tonnon qui transmettra (voir « Qui sommes-nous ? L’équipe Point KT »).