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Des talents au service de la catéchèse

image_pdfimage_print

illustrations_Laurence_fourmidusitegrand2Au moment de démarrer une nouvelle année de catéchèse, la parabole des talents nous encourage à travailler pour faire fructifier ce que nous avons reçu. Cela peut nous stimuler, nous catéchètes, dans l’aventure de la transmission de la bonne nouvelle

 

 

 


PARABOLE DES TALENTS : Matthieu 25/14-30 (Traduction TOB)

14 “En effet il en va comme d’un homme qui, partant en voyage, appela ses serviteurs et leur confia ses biens.
15 A l’un il remit 5 talents, à un autre 2, à un autre un seul, à chacun selon ses capacités, puis il partit. Aussitôt
16 celui qui avait reçu les 5 talents s’en alla les faire valoir et en gagna 5 autres.
17 De même celui des 2 talents en gagna 2 autres.
18 Mais celui qui n’en avait reçu qu’un s’en alla creuser un trou dans la terre et y cacha l’argent de son maître.
19 Longtemps après, arrive le maître de ces serviteurs, et il règle ses comptes avec eux.
20 Celui qui avait reçu les 5 talents s’avança et en présenta 5 autres, en disant: « Maître, tu m’avais confié 5 talents; voici 5 autres talents que j’ai gagnés ».
21 Son maître lui dit: « C’est bien, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de choses, sur beaucoup je t’établirai; viens te réjouir avec ton maître ».
22 Celui des 2 talents s’avança à son tour et dit: « Maître, tu m’avais confié 2 talents; voici 2 autres talents que j’ai gagnés ».
23 Son maître lui dit: « C’est bien, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de choses, sur beaucoup je t’établirai; viens te réjouir avec ton maître ».
24 S’avançant à son tour, celui qui avait reçu un seul talent dit: « Maître, je savais que tu es un homme dur: tu moissonnes où tu n’as pas semé, tu ramasses où tu n’as pas répandu;
25 par peur, je suis allé cacher ton talent dans la terre: le voici, tu as ton bien ».
26 Mais son maître lui répondit: « Mauvais serviteur, timoré! Tu savais que je moissonne où je n’ai pas semé et que je ramasse où je n’ai rien répandu.
27  Il te fallait donc placer mon argent chez les banquiers: à mon retour, j’aurais recouvré mon bien avec un intérêt.
28 Retirez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui a les 10 talents.
29 Car à tout homme qui a, l’on donnera et il sera dans la surabondance; mais à celui qui n’a pas, même ce qu’il a lui sera retiré.
30  Quant à ce serviteur bon à rien, jetez-le dans les ténèbres du dehors: là seront les pleurs et les grincements de dents »”.

Dans notre façon de comprendre ce texte, rappelons-nous qu’une parabole est constituée davantage sur un mouvement d’ensemble que sur la comparaison directe des personnages avec nous et Dieu. La parabole utilise des domaines familiers pour nous amener sur un étonnement, sur une autre façon de voir, pour enrichir notre connaissance de la relation de Dieu avec nous.

– Le maître est le premier à entrer en scène

Le maître est sur le point de partir, il appelle les serviteurs, il leur donne ses biens. Le fait-il avec partialité ?

Pourquoi ne donne-t-il pas la même chose à chacun ?

Il donne en tenant compte des capacités de chacun. De la même façon qu’on ne donne pas la même charge à porter à un éléphant qu’à un âne, de même les humains sont tellement différents que ce don dépend de ce qu’ils peuvent assumer. Le maître ne distribue pas plus à celui qu’il préfère, mais il connaît ses serviteurs et mesure ce que chacun est capable de faire fructifier.

Le talent est une monnaie qui correspond à six mille jours de travail. Même celui qui n’en reçoit qu’un seul a déjà une belle somme à faire fructifier.Quand le maître revient, il écoute ce que chacun a à lui dire, ce que chacun a fait de ce qu’il a reçu. Le maître est heureux de voir deux serviteurs qui lui sont restés attachés, qui se sont mis au travail pour lui. Il se réjouit de voir que la capacité de travail des deux serviteurs a porté des fruits. Sa joie, il la partage avec eux.

Mais il se fâche contre le troisième serviteur. La somme qui lui avait donné lui revient intacte. Le maître ne considère pas comme une bonne chose de récupérer son bien tel qu’il l’a donné. Il avait évalué que ce troisième serviteur pouvait aussi faire fructifier un talent. Mais rien n’est venu. Alors il le punit en le mettant dehors, c’est-à-dire en l’éloignant de lui-même et des autres.

En fait, on se rend compte que le maître ne reprend rien aux deux premiers serviteurs, puisqu’il demande qu’on donne ce talent à celui qui en a déjà dix. Les talents de départ et les autres restent à ceux qui les ont gagnés.

– Réactions des serviteurs

Les trois serviteurs reçoivent la somme d’argent qui leur est destinée.
La réaction du premier, c’est sa rapidité à se mettre en route pour faire travailler cet argent. Le deuxième également. Ils obtiennent alors le double de la somme de départ.

Mais la réaction du troisième est différente : il s’éloigne, creuse et cache l’argent.
Ce serviteur a peur. Peur de ce maître qu’il juge et qu’il enferme dans une idée très négative. Il ne veut pas considérer le don du maître comme une occasion à saisir. Mais il s’éloigne lui-même de ce maître. Il refuse le don, et par là même, il refuse la confiance qui lui est faite.

– Renversements des valeurs

Quand le maître revient, les deux premiers serviteurs lui apportent le résultat de leur travail. Ils ont gagné le double d’argent. Quand on sait comment l’évangile traite les « riches » on comprend mieux pourquoi ces énormes sommes deviennent pour le maître « peu de choses ». En effet, le domaine de l’argent peut facilement être pris comme un but de vie et non comme un moyen. Si le serviteur arrive à être fidèle dans ce domaine-là, alors cela devient « peu de choses ». Cela veut dire qu’il y a autre chose qui est bien plus précieux, et qui sera confié aux serviteurs : « sur beaucoup je t’établirai »


– Ce qui permet de faire fructifier les talents : la fidélité
Ce qui a mis en colère le maître, c’est que ce troisième serviteur enterre ce qu’il a reçu. Que la confiance envers lui soit bloquée et même niée.

Le maître ne félicite pas les deux premiers serviteurs d’avoir été de bons calculateurs ou entrepreneurs, mais il les félicite d’être restés fidèles. On peut dire que c’est grâce à leur fidélité qu’ils ont si bien réussi. L’attachement des serviteurs leur a permis de travailler pleinement à faire fructifier cet argent, et même de doubler la mise. Leurs compétences évaluées de façon justes au début ont été mises à profit. Ils ont osé croire en leurs capacités, puisque le maître y croyait…

Alors que, celui qui a peur trahit la fidélité à laquelle on l’appelle. Peur de mal faire, peur de se faire exploiter, peur de donner trop de lui-même. Sa peur est un obstacle à tout mouvement, toute mise en route. Sa peur l’empêche de croire que lui aussi peut avoir confiance que cette somme peut fructifier. Sa peur l’empêche de voir que le maître, lui, a estimé ses capacités suffisantes pour assumer ce talent. Ce maître croyait en lui. Le serviteur se coupe lui-même du maître par les images qu’il se fait. Sa peur met en cause le don du maître et sa confiance.

– Un talent d’argent ou un talent personnel?

Il se trouve que le mot talent qui désigne la somme d’argent à l’époque de Jésus, désigne aussi en français nos propres capacités personnelles, ce que nous avons reçu comme potentialités particulières.
Si je regarde ma propre vie, qu’ai-je reçu en propre ? Quelles sont mes capacités ? Chacun est-il appelé à trouver pour lui-même ce qu’il considère un don de Dieu ?
Certains diront qu’il s’agit de leur propre vie, d’autres de la parole de Dieu, d’autres des liens d’amour qui les entourent, d’autres les relieront avec des dons que donne l’Esprit de Dieu.

Ce qui relie les serviteurs au maître c’est ce qu’il leur donne.

Ce récit nous fait aussi comprendre qu’il y a une limite à ce qui est donné. Chacun reçoit une part, il ne reçoit pas le tout. Cela nous renvoie inévitablement à nos limites humaines et personnelles. Si je reçois par exemple le don de la musique, je serai peut-être limité pour faire du bricolage. Reconnaître ce que j’ai reçu me rend reconnaissant. Reconnaissant et dans l’acceptation que je ne reçoive pas tout.

 QUELS TALENTS POUR QUELS CATÉCHÈTES ?

Tout d’abord, Dieu nous connaît et nous donne. Etre catéchète, c’est déjà se poser la question de ce que j’ai reçu et de ce que j’ai envie de transmettre. Je suis là pour donner…quoi ? L’équilibre est à trouver entre le trop et le trop peu, entre l’attitude qui consiste à dire : j’ai plein de choses à dire, allons-y, et celle qui dit : je ne sais rien, je ne suis pas capable d’être à cette place, je n’ose pas.
Comment cette parabole peut-elle nous aider à faire fructifier ce que nous recevons de Dieu ?

– Recevoir et faire confiance

Etre sollicité pour être catéchète, être auprès d’enfants et de jeunes dans l’aventure de la transmission de la bonne nouvelle est un défi que la société actuelle ne facilite pas. Dire oui, dire non…pourquoi ? Pour…quoi … ? Pour…qui ? C’est déjà se trouver au sein d’un jeu de relations pas toujours très confortable.

Accepter alors de recevoir. D’avoir peut-être déjà reçu. Nous l’avons vu plus haut, le sens du mot talent nous renvoie à nos capacités personnelles. Mais nous recevons encore autre chose. Nous recevons une présence, une parole, une dynamique de vie. Nous recevons Jésus-Christ. Nous recevons sa grâce. Nous nous réjouissons de la Bonne Nouvelle. Nous pouvons nous’y ancrer. Mais elle ne se garde pas pour soi. Elle se partage. La parole de Dieu fructifie quand est transmise à d’autres. Dieu nous fait confiance, il attend que nous lui fassions aussi confiance. La confiance et la fidélité sont les meilleures façons de combattre la peur.

Vivre ensuite dans la réalité de ce qui fait notre vie : nos contraintes diverses, nos capacités personnelles, notre reconnaissance de telle compétence ou telle incompétence…Comme les serviteurs, accepter que nos capacités soient limitées.

Ces limites ainsi reconnues, il est indispensable de s’entourer d’une équipe. Le travail seul est décourageant. A plusieurs, le travail dans sa préparation prend un autre relief, on est plus créatif à deux et plus que tout seul, on se stimule et on s’encourage. On partage nos compétences mutuelles. Tous les exemples de mûrissement dans le royaume se font en relation avec d’autres. La grâce généreuse, mesurée à nos capacités personnelles ne saurait faire de nous des paresseux…

Se poser la question de notre fidélité. A Dieu et au Christ. Que transmettons-nous dans nos séances ? Quelle image de Dieu proposons-nous ? Quel message je désire transmettre ?

Comment savoir, si je suis en train de faire un travail qui va porter des fruits, ou au contraire quelque chose qui n’apportera rien ? Ceux qui travaillent auprès des jeunes connaissent ces séances difficiles où l’on a l’impression de perdre son temps. Mais ils connaissent aussi ces moments de joie, où l’on a l’impression que quelque chose « passe ». Cette joie ressentie au sein de notre travail n’est-elle pas déjà la trace que l’on fait fructifier quelque chose ? N’est-elle pas déjà un partage dans la joie de Celui qui nous envoie?

Ce qui nous est donné de façon première dès la Genèse, c’est d’être en relation. A mon avis, quand des personnes sont en relation les unes avec les autres, comme des catéchètes avec des jeunes ou des enfants, et que les paroles échangées se font dans le respect de chacun, ce qui est donné au départ est déjà en train de fructifier. Rien ne peut remplacer la relation directe entre deux personnes. Profitons de la joie de cette présence.


PISTES POUR TRAVAILLER LA PARABOLE DES TALENTS AVEC LES JEUNES

On peut décrypter cette parabole avec les jeunes mais il sera difficile pour eux de faire des analogies sans que le thème de l’argent ne vienne brouiller les différents mouvements de la parabole. Il faudra être attentif à garder de la distance avec le texte pour ne pas faire « coller » trop près l’identification des personnages avec nous. Par exemple dans ce que nous avons à faire fructifier, la logique d’amour n’est pas la même que la logique d’argent.

Thèmes de travail possibles :

–    Qu’est-ce que je reçois ? Est-ce que cela vient de Dieu ? Puis-je trouver quelque chose qui vienne de Dieu ?
–    Ce que j’ai reçu, qu’est-ce que je peux en faire ? Cela veut dire quoi « gagner d’autres talents ? »
–    Quelle est l’image qu’on se fait de Dieu ? Notre comportement est-il dépendant de cette image ?
–    Ça veut dire quoi, travailler pour Dieu ? Est-ce qu’on ne travaille pas pour soi-même ? Pour qui finalement travaille-t-on ? Et pour quelle utilité ?

La dynamique catéchètes-jeunes est indispensable car c’est le catéchète qui peut être révélateur de ce que les jeunes ont comme potentiel de départ, et le catéchète peut ainsi encourager la confiance en soi des jeunes.