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Fleuves et lacs de la Bible

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    • Il y a en Palestine fort peu d’eau et peu de cours d’eau. Ainsi, toute source d’eau en pays sec, les fleuves étaient et sont encore considérés comme une fortune, un signe de faveur et d’abondance…
  • LAC
Lac : vaste étendue d’eau entourée de terre ! Ce mot peut apparaître occasionnellement dans certaines versions (Job 14, 11 ; 1 Maccabées 11, 67  : eaux du Gennèsar) ; mais l’hébreu n’a pas de terme correspondant. Les plus petites pièces d’eau sont des étangs ; les plus grandes sont « des eaux  » (maîm), comme celles de Mérom, ou même  « une mer » (yâm), comme celle de Kinnéreth (Nombres 34, 11).
Les trois évangélistes d’origine juive conservent donc le terme de « mer » (grec thalassa) pour désigner le lac de Génézareth : mer de Galilée, ou de Tibériade (Marc 1, 16 ; Matthieu 4, 18 ; Jean 6, 1) ; seul Luc, voyageur en Occident qui connaît la véritable mer, la Méditerranée, prend soin d’employer le terme grec classique limnè, mot propre pour lac (Luc 5, 1 ; 8, 33). Mais dans Apocalypse 19, 20, etc., le même limnè est rendu par : étang.

La Palestine renferme trois lacs ou mers intérieures :

Le lac Mérom, Mérom (eaux de),  (Josué 11, 5-7), autrement dit Samochon, situé au nord près de la ville de Daphné. C’est le nom de l’endroit (ou de la région) où Josué combattit et mit en déroute une coalition de rois cananéens et leurs armées. On adopte généralement l’identification de ces eaux avec le lac Houlé, celui des lacs du Jourdain situé le plus au Nord et qui est à n’en pas douter, le Semechonitis de Josèphe (Ant. V, 5, 1). Le lac Houlé, de forme triangulaire, n’est en réalité qu’un élargissement du Jourdain. Le terrain aux alentours est très marécageux, surtout au Nord, et abonde en gibier. Mais les rois cananéens auraient-ils choisi un terrain de combat aussi dangereux ? Le passage de Josué suppose-t-il un endroit différent ?

Le lac de Génézareth, la mer de Galilée ou le, lac de Tibériade, ainsi nommé de la ville voisine Tibériade. Ce lac est environné de plaines et de collines extrêmement fertiles et agréables ; de là son nom Génézareth, c’est-à-dire Jardin du Prince. Il est très poissonneux.

La mer Morte, autrement mer Asphallite, à cause de l’asphalte ou bitume qui se trouve en si grande quantité sur la surface du lac et sur ses bords. Ce nom « mer Morte » ne se rencontre pas dans la Bible, le texte hébreu dit  « mer Salée » ( Gen 14, 3 ; Nomb 34, 12 ; etc.), car ses eaux contiennent cinq fois plus de sel que l’eau de mer ; enfin elle est aussi appelée mer du Désert, mer Orientale ou mer de Siddim (Gen 14, 10), à cause de sa situation.

Rivage de la mer Morte

La mer Morte a affecté la pensée religieuse des Hébreux quand ils réfléchissaient aux conditions du jugement et du châtiment du péché. Il est naturel qu’ils aient pensé à la mer « du Sel », car Sodome et Gomorrhe, jadis prospères dans la vallée de Siddim, projettent leur ombresur toute la philosophie de la religion d’Israël. L’histoire de Lot et de sa famille est racontée dans Gen 19 ; voir aussi Deut 29, 23 ; Amos 4, 11 ; Esaïe 1, 9 et ss ; Jér 23, 14 ; Ezéchiel 16, 46, 49, 53, 55. Jésus fait des allusions fréquentes à ces deux villes (Mt 10, 15 ; 11, 24 ; Mc 6, 11 ; Lc 10, 12 ; 17, 29.

En contraste avec ces sombres tableaux, les descriptions prophétiques d’Ezéchiel 47 parlent d’une transformation anticipée du désert en un lieu fertile grâce au torrent d’eau vive  qui sortira du temple de la Jérusalem retsaurée.

  • FLEUVE ET TORRENTS

Le mot fleuve désigne le plus souvent, mais sans exclusivité, les cours d’eau qui se jettent dans la mer. D’une façon générale, on nomme fleuves les cours d’eau importants par leur longueur et leur volume, et rivières les cours d’eau secondaires.

L’A.T. contient sept termes différents, équivalents de : fleuve, cours d’eau, ruisseau, rivière, canal, conduit et torrent. La différence entre le cours d’eau permanent et le torrent au cours momentané est décrite dans Job 6, 15 et suivants.

Ainsi que toute source d’eau en pays sec, les fleuves étaient considérés comme une fortune, un signe de faveur et d’abondance (Ps. 46, 5 ; Job 29, 6). On utilisait souvent les cours d’eau pour délimiter les territoires (Gen. 15, 18 ; Nomb, 34, 5 ; Jos. 1, 4 ; Jug. 4, 13 ; 2 Rois 1, 33). Leurs eaux étaient fort peu utilisées pour la navigation.

Les fleuves, cours d’eau ou torrents sont souvent des termes de comparaison. L’avance de l’ennemi est représentée comme un torrent qui s’avance (Jér. 46, 7 ; 47, 2 ; És. 8, 7 ; 59, 19). Ils symbolisent des grâces spirituelles dans Ézéch. 47, 1 et suivants ; És. 33, 21 ; Jn. 7, 38 ; etc.

Il y a en Palestine fort peu d’eau et partant fort peu de cours d’eau ; un seul fleuve y coule : le Jourdain.

Par contre il y a de nombreux torrents :

– Torrents :

On désigne de ce nom un cours d’eau impétueux et rapide, pour distinguer d’une rivière ou d’un ruisseau. La vitesse des eaux d’un torrent est due à ce qu’il dévale des pentes très fortes ; le plus souvent, c’est un cours d’eau temporaire qui s’assèche l’été et ne coule qu’à la saison des pluies. Le lit du torrent est mal défini et varie avec les chutes d’eau qu’il doit canaliser. Dans les régions montagneuses comme la Palestine, les torrents sont très nombreux, grossissent beaucoup par les pluies et sont à sec l’été. Le Jourdain lui-même  a un cours quelque peu torrentiel, bien qu’il ait toujours de l’eau.

Des montagnes de Judée, descendent vers la mer Méditerranée : Le Bésor (1 Sam. 30, 9-10), le Kana (Josué 17, 9), et du mont Guilboa le Kison (Juges 4, 7 ; 5, 21 ; 1 Rois 18, 40) enfin le Kerith où Dieu cacha Élie (1 Rois 17, 3) ; le Cédron, coulant jadis entre Jérusalem et le mont des Oliviers, se dirigeait ensuite vers la mer Morte (2 Samuel 15, 23 ; 1 Rois 2, 37 ; 15, 13 ; 2 Rois 26, 6, 12 ; 2 Chroniques 15, 16 ; 29, 16).

De la chaîne montagneuse Est descendent vers le Jourdain ou la mer Morte : le Jabbok (Gen. 32, 22 ; Nomb. 21, 24, Deut. 3, 16 ; Josué 12, 2), l’Arnon (Nomb. 21, 14 ; 22, 36 ; Juges 11, 18 ; 2 Rois 10, 33 ; Ésaïe 16, 2 ; Jér. 48, 20) et le Zered (Deut. 2, 13 ; Nomb. 21, 12).

Le gué de Jabbok

Le « torrent d’Égypte «  marquant la frontière S-O de la Palestine (Nomb. 34, 5 ; Josué 15, 4, 47 ; 1 Rois 8, 65 ; 2 Rois 24, 7 ; etc.), est encore appelé « le torrent qui se jette dans la grande mer » (Ézéchiel 48, 28 et Ézéchiel 47, 19) et peut être aussi « le torrent du désert » (Amos 6, 14), qu’il ne faut pas confondre avec le « fleuve d’Égypte », c’est-à-dire le Nil. Le ouâdi el-Arich après un très long parcours dans la péninsule du Sinaï, se jette dans la Méditerranée à 80 km au S O de Gaza, et à 120 km à l’Est du delta du Nil. Son lit profond n’a de l’eau qu’après de fortes pluies.

Le mot hébreu qui désigne le torrent s’applique aussi à sa vallée. On jette les choses malsaines au torrent, qui emporte tout (Deut. 9, 21 ; 2 Samuel 17, 13 ; 2 Rois 23, 12 ; 2 Chroniques 29, 16). Le torrent symbolise la rapide avance de l’ennemi (Jér. 46, 7 ; 47, 2 ; Ésaïe 8, 7, 59, 19), la perfidie (Job 6, 15), l’inconstance (Job 22, 16), l’abondance et la puissance (Psaume 119, 136 ; Prov. 18, 4 ; És. 30, 28 ; Lam. 3, 48 ; Dan. 11, 22 ; Amos 5, 24, Michée 6, 7 ; Matthieu 7, 25).

– Le Jourdain :

Le Jourdain est le plus important cours d’eau de la Palestine. Il sépare la Palestine proprement dite de la Transjordanie. Il coule presque directement du N. au S., de la région du mont Hermon et de l’Anti-Liban à la mer Morte, dans une large dépression du sol (ARABA) parallèle à la côte E. de la Méditerranée, à une distance de 80 km environ. La fascination qu’exerce le Jourdain sur ceux qui étudient la Bible est due tant à ses extraordinaires caractéristiques physiques qu’aux associations historiques qu’il suggère.

1. Étymologie du nom. Dans le texte hébreu de l’A.T., le nom Yardên est presque toujours précédé de l’article défini. Si son étymologie peut encore être déterminée et si son origine est sémitique, la théorie la plus plausible est que Yardên dérive du verbe hébreu yârad : descendre; «le Jourdain» signifierait «celui qui descend». Cette théorie trouve un appui dans le fait du cours rapide de la rivière. Suivant une deuxième opinion, Jourdain dériverait de l’arabe ouarada : descendre vers l’eau (le bétail surtout), et l’on aurait «l’abreuvoir » ou « le gué». Dans l’arabe moderne, le Jourdain s’appelle toujours ech-Cherîa, l’abreuvoir. Une troisième théorie, adoptée par Jérôme (Comm. sur Mt. 1613), veut que Jourdain résulte de la jonction des noms de deux sources de la rivière Joy et Dan; mais cette thèse est sans fondement, car on ne connaît aucune source du nom de Joy. Nous en dirons autant d’une quatrième supposition, d’après laquelle Jourdain serait une combinaison de yeor et de Dan : rivière de Dan.

2. Caractères physiques. Le Jourdain a trois sources principales :

la rivière Hasbâni, qui sort d’une fontaine (alt. 522 m.), près d’Hâsbeiyâ, sur la pente occidentale du mont Hermon, et qui reçoit le tribut de diverses autres sources et des torrents de l’Anti-Liban et de l’Hermon ;

le Leddan ou Dan, qui provient de la fontaine (alt. 154 m.), voisine de Tell et-Kâdi ;

le Banias, qui émerge d’une caverne (alt. 338 m.) près de Banias (Césarée de Philippe).

Ces deux dernières se réunissent à environ 7 km au Sud de Tell el-Kâdi ; 1 km plus loin à peu près, elles reçoivent la rivière Hasbâni et dès lors commence le Jourdain proprement dit (alt. 45 m.). Env. 10 km. plus au S., le Jourdain coule dans une dépression marécageuse et forme le lac Hoûlé (appelé aussi Mérom ; alt. 2 m ; longueur 6 km 5). Le cours se poursuit sur 16 km. jusqu’au lac de Tibériade (210 m au-dessous du niveau de la mer;  longueur 22 km.). Le Jourdain coule finalement encore 110 km et se jette dans la mer Morte (391 m au-dessous du niveau de la mer).
Ainsi le Jourdain peut être divisé en trois parties
1.    le Jourdain supérieur, qui s’étend des sources au lac Hoûlé ;
2.    le Jourdain moyen, entre le lac Hoûlé et le lac de Tibériade ;
3.    le Jourdain inférieur, qui parcourt la large vallée d’el-Ghôr, du lac de Tibériade à la mer Morte.

Le Jourdain est donc une rivière remarquable, même indépendamment de tous les souvenirs historiques qui s’y rattachent. Sa longueur, de Hâsbeiyâ à la mer Morte, ne dépasse pas 215 km à vol d’oiseau. Mais son cours est tellement sinueux qu’on peut l’évaluer à 400 km au moins. Sa source la plus haute étant à 522 m au-dessus du niveau de la mer, et son embouchure à 391 m au dessous, la descente est de 913 m sur 215 km. D’un point situé à environ 3 km du lac Hoûlé jusqu’à la mer Morte, soit sur une distance d’environ 145 km, le Jourdain coule au-dessous du niveau de la Méditerranée. Rien d’étonnant que G.A. Smith ait écrit : « Il y a peut-être, à la surface d’une autre planète, quelque chose d’analogue à la vallée du Jourdain ; il n’y en a point sur celle-ci. ».

Le Jourdain

3. Dans l’histoire biblique. L’importance de Jourdain est due en grande partie aux caractéristiques physiques décrites ci-dessus, car sa vallée servait de barrière et de limite naturelle, C’est ainsi que d’après Gen. 32, 10 il fut une ligne de démarcation au temps de Jacob. Dans Nomb. 4, 10-13 ; Deut. 3, 20 ; 27, 4 ; il sert de limite entre les neuf tribus et demie et les deux tribus et demie. Moïse conduit les enfants d’Israël à Moab, mais ne peut traverser le Jourdain pour entrer dans la Terre promise ; cette entreprise est confiée à son successeur, Josué (Jos. 12). Plus tard, dans l’État idéal d’Ézéchiel, le Jourdain constitue la frontière (Ézéch. 47, 18).

Il est naturel qu’une rivière ayant une telle importance politique prenne aussi une importance religieuse. Ainsi, la fin de la vie d’Élie et la transmission de son manteau à Élisée, telles qu’elles sont racontées dans 2 Rois 2, 7ss, ont lieu au bord du Jourdain. Dans 2 Rois 5, 10, Élisée promet à Naaman qu’il sera guéri s’il consent à s’y laver sept fois.

L’association intime entre le Jourdain et l’histoire politique et religieuse des Hébreux  fit de ce fleuve un lieu tout indiqué pour les baptêmes qu’administrait Jean-Baptiste. On ne sait pas exactement l’emplacement de Béthanie (ou Bétha bara) au-delà du Jourdain », où Jean baptisait (Jn 1, 28 ; 3, 26, cf. Mc 1, 5-11) ; la tradition veut que ce soit la moderne Makhâdet Hadjlé, voisine de l’embouchure du Jourdain. Le fait que deux anciens monastères de «saint Jean-Baptiste» soient situés près de cet endroit montre qu’il a été regardé de très bonne heure comme le lieu du baptême de Jésus.

4. Autres faits intéressants. Bien que le Jourdain sépare de la partie occidentale de la Palestine la région orientale (appelée pour cette raison Transjordanie), la véritable barrière n’était pas le fleuve lui-même, mais l’abrupte dépression géologique dans laquelle il coule. Car le Jourdain n’est très profond nulle part. II atteint 1,50 m à 3,50 m sauf sur certains points où il se creuse davantage.  Il y a cinq gués sur le Jourdain moyen et cinquante-quatre sur le Jourdain inférieur. Les ponts n’ont existé qu’à dater de la conquête romaine. «On ne connaît aucune trace d’un pont de pierre établi au-dessus du Jourdain dans la région du sud. Les bacs ne pouvaient manquer. Ils portaient le même nom que les gués, en hébreu mâ’ borêt, en araméen : ma’berâ, mabbarâ. Le passage en bac n’était pas gratuit. On était persuadé qu’on pouvait courir quelque danger, si l’on prenait place en compagnie d’un païen. On voit sur la carte de Madaba, dans les environs du pont de bois actuel, un câble tendu transversalement au-dessus du fleuve, au gué de Makhâdat el-ghôrânîyé avec, au milieu des eaux, une courte barque, dont le mât rejoint le câble. Une deuxième embarcation se distingue en amont, dans la région d’Ainon, près Salem. » [Gustave Dalman. Les Itinéraires de Jésus. Topographie des Evangiles. Édition revue et complétée par l’auteur. Traduction française par Jacques Marty. Avec 46 figures et plans de Gustaf Hermann Dalman et Jacques Marty (Reliure inconnue – 1930)]

Mais les Israélites connaissent aussi d’autres fleuves, notamment :

– Le Nil (És. 23, 3-10 ; Jér. 2, 18), avec tous les bras du Delta (cf. Ex. 7, 19 8, 5) ; il est appelé le fleuve d’Égypte (Gen. 15, 16 ; 2 Rois 19, 24 ; Am. 9, 5). Il ne faut pas confondre ce Fleuve de l’Égypte (cf. Gen. 41, 1 ; Ex. 1, 22 ; 4, 9 ; 7, 17 ; etc.) avec le Torrent d’Égypte .

– L’Euphrate était aussi très connu : c’était une limite entre la Palestine et le pays de Babylone (Assyrie). C’était le fleuve par excellence (Gen. 15, 19 ; Deut. 1, 7 ; 11, 24 ; 2 Sam. 8, 3 ; 2 Rois 23, 29 ; Jér. 46, 10, etc.), désigné comme «le Fleuve» sans autre qualificatif (Jos. 24, 2 ; 24, 14 ; 2 Sam. 10, 16 ; 1 Rois 4, 21-24 ; 14, 16, Esdras, etc.). C’est le fleuve de Babylone accompagné de nombreux canaux (Ps. 137, 1). L’Euphrate était le quatrième fleuve qui sortait de l’Éden (Gen. 2, 14). Le troisième était Hiddékel, qui est le Tigre (Gen. 2, 14, Dan. 10, 4). Les deux autres, Guihon et Pishon, ne sont pas mentionnés ailleurs. Le nom hébreu de la Mésopotamie (Gen. 24, 10 ; Ps, 60, 1, etc.), Aram-Naharaïm, signifie «Aram des deux fleuves» : le Tigre et l’Euphrate.