Point KT

La résurrection du fils de la veuve de Naïn

image_pdfimage_print

Cette femme a tout perdu : son mari d’abord, et maintenant son fils unique. Jésus est touché par sa détresse et s’approche d’elle dans sa souffrance. Voici quelques explications pour mieux comprendre cette histoire qui nous est racontée en Luc 7/11-17

Notes bibliques sur Luc 7/11-17 :
Jésus fait route avec ses disciples et une grande foule le suit : on comprend que Jésus est un prédicateur itinérant. Ils arrivent à Naïn : c’est un village de Galilée à 10k m au sud-est de Nazareth. Jésus est donc en terrain connu, la proximité avec Nazareth explique peut-être la foule qui le suit.

A la porte de la ville, Jésus croise un « convoi mortuaire » : on porte un mort sur une civière vers l’extérieur de la ville. Sur une « civière » : on n’utilise pas de cercueil, mais le mort était habillé (on s’imaginait le mort dans le « shéol » vêtu comme dans sa vie terrestre) et en général recouvert d’un linceul.

« A l’extérieur de la ville » : à cette époque, les cimetières étaient toujours à l’extérieur des villes, ça n’a pas toujours été le cas : des fouilles à Jéricho ont montré que des morts ont parfois été ensevelis dans les cours des maisons ou dans leur sous-sol. Mais à l’époque du Nouveau Testament, on séparait très clairement le domaine des vivants du domaine des morts, probablement par manque de place à l’intérieur des murs des villes et des villages et par souci d’hygiène.
La tombe était normalement une tombe familiale d’où l’expression « être réuni à ses pères » qu’on trouve parfois dans l’Ancien Testament, et utilisait souvent une cavité naturelle, parfois agrandie ou alors complètement creusée. Les tombes utilisées par les gens pauvres étaient très simples (on a retrouvé des mélanges d’ossements dans ce genre de tombes), tandis que celles des gens aisés comportaient des niches pour y placer les corps. On plaçait quelques aliments dans les tombes, mais en Israël, on ne peut pas parler de culte des morts comme chez les peuples voisins, donc les récipients étaient très simples.

La « veuve » : elle n’a plus de mari. Mais ici, elle est veuve dans le plein sens du terme, tel qu’il était employé à l’époque : elle n’a plus de mari, plus de fils, ni gendre (« fils unique » donc elle n’a pas de fille) qui pourrait l’entretenir. Et comme son fils est déjà un jeune homme (c’est ainsi que Jésus s’adresse à lui) elle est probablement trop âgée (d’après les critères de l’époque) pour qu’un parent de son mari l’épouse : comme on le voit dans le livre de Ruth par exemple, il était d’usage que le plus proche parent épouse la veuve afin de donner une descendance au mari défunt. Le premier enfant du nouveau couple était considéré comme le fils du défunt et de son épouse. Cette coutume s’appelle le lévirat.
La veuve est dans une situation très précaire qui résulte de son isolement dans une société fondée sur les solidarités familiales : par le mariage, elle s’est séparée de sa famille d’origine et une fois veuve et sans enfants elle n’a pas de lien avec la famille de son mari. Elle peut certes retourner dans la famille de son père, mais celle-ci n’a pas l’obligation de l’entretenir. On comprend l’insistance de l’Ancien Testament à rappeler la nécessité de protéger les veuves : Ex 22/21 ; Dt 10/18 ; 14/29 ; 16/11 et 14 ; 24/17,19-21 ; 26/12 ; 27/19 ; Es 1/17, 23 ; 10/2 ; Jr 7/6, 22/3 ; Ez 22/7 ; Za 7/10 ; Mi 3/5.
Donc : outre sa peine d’avoir perdu son fils unique, elle est dans une situation particulièrement difficile, on comprend que Jésus soit ému par sa situation. D’ailleurs, les paroles de consolation précèdent la résurrection : alors même que socialement elle n’existe plus (puisqu’elle n’a ni mari, ni fils), Jésus s’adresse à elle dans sa peine, il la reconnaît en tant que personne. Pour nous c’est une piste pour offrir la consolation aux endeuillés : seul Dieu peut ressusciter les morts, mais nous pouvons offrir aux endeuillés présence et écoute pour supporter l’absence.

« Jeune homme, je te l’ordonne, réveille-toi ! » : Jésus parle avec autorité et sa parole fait ce qu’elle dit (parole performative) : la royauté messianique de Jésus que Luc a signalé par le titre de « Seigneur » par lequel il le désigne, prend tout son sens. « Réveille-toi » : le verbe utilisé ici est classiquement utilisé pour exprimer la résurrection des morts. C’est ce même verbe que Luc utilise pour parler de la résurrection des morts à la fin des temps et pour désigner la résurrection de Jésus lui-même.
Dans le récit il y a de nombreux points communs avec la résurrection du fils de la veuve par Elie (1Rois 17/1ss)

Jésus est ému par la peine et la détresse de cette femme. Dieu montre en Jésus-Christ qu’il n’est pas indifférent à ce qui nous blesse et nous fait souffrir. La résurrection qu’opère Jésus est à la fois la preuve de la compassion de Dieu, la révélation de son autorité messianique (même sur la mort) et l’annonce du Royaume d’où toute souffrance et toute larme disparaîtront.

Crédit : Claire de Lattre-Duchet (UEPAL) Point KT