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Quatre fois dix : 40 nombre symbolique dans la Bible

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On sait l’importance du symbolisme des nombres dans les cultures antiques et la culture biblique se situe tout à fait dans cette tradition. Dans un peuple où le désert a joué un rôle si important, 40 semble être le chiffre symbolique du désert (cf. Ézéchiel 29/11 et suivants) .  C’est aussi la durée du déluge et par extension des périodes d’attente, de préparation, de retour sur soi qui doivent précéder tout changement profond. Dans les cultures antiques, le nombre 40 revient très fréquemment dans les rites funéraires et le culte des ancêtres. Par exemple, le pharaon n’était enterré que 40 jours après sa mort car ce temps était consacré à la préparation de son grand voyage. Il en fut d’ailleurs de même pour Jacob, les médecins au service de Joseph embaumèrent son corps durant 40 jours (Genèse 50, 3).

Pour bien lire la Bible, comme l’exprime si bien Jacques Nieuviarts, sur le site « Croire.com », dans sa réponse à un internaute concernant les chiffres et les lettres dans la Bible : « … il faut lire entre les lignes, il faut lire comme les musiciens : sur et entre les lignes, en n’oubliant pas les chiffres qui indiquent le tempo ! Car les chiffres jouent aussi un rôle important dans la Bible. Il y a même un livre des Nombres * ! Le chiffre 40 revient souvent, aussi bien dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament, et semble signifier un temps de méditation et d’épreuve… »

La quatrième lettre de l’alphabet hébraïque daleth = « la porte »

Avant de retrouver à plusieurs reprises dans la Bible ce nombre 40, faisons d’abord un détour rapide mais incontournable par la quatrième lettre de l’alphabet hébraïque daleth dont la valeur numérique est 4. Nous retrouverons, chemin faisant, des éléments symboliques qui rejoignent le nombre 40. Daleth  signifie « la porte ». On sait l’importance symbolique de la porte qui ouvre et ferme les espaces ! Mais, sur quoi ouvre cette porte ? La réponse des sages étonne à première vue, ils affirment que cette porte s’ouvre sur la pauvreté.

Le livre du Zohar, quant à lui, estime que les lettres préexistaient à la création du monde : Dieu jouait avec elles et les contemplait. Le texte du Zohar imagine alors un récit subtil et profond dans lequel chaque lettre se présente à Dieu en vue d’avoir le privilège d’être celle avec laquelle Il commencera sa Création.

[Ce serait d’ailleurs pourquoi, lorsque les lettres se présentèrent devant l’Éternel afin qu’Il choisisse celle qui recevrait le grand honneur d’inaugurer la création, il refusa de retenir la candidature de DALET ou de GUIMEL et, surtout, de les séparer, en leur disant : « Qu’il vous suffise de rester associées, car comme les pauvres (dalim) ne disparaîtront jamais du monde, il faut les pourvoir (gamol) en bonté. DALET, c’est la pauvreté, GUIMEL, c’est la compensation qui soulage », soutient ce célèbre passage du Zohar (3a). Les deux lettres se voient donc vouées l’une à l’autre, en une association qu’il s’agit d’expliquer ou, plus modestement, de laisser nous éclairer.

Le pauvre se tourne souvent vers l’Éternel pour crier sa plainte, il espère Son secours. Or, plutôt que de le tirer Lui-même de sa misère, Dieu, disent les textes juifs, lui vient en aide en obligeant ses propres frères en humanité à se comporter de façon charitable et juste à son égard. Si la tsedaka ** constitue une obligation, une mitsva *** – et non une générosité tributaire d’un bon vouloir éphémère et souvent insouciant, à la merci de l’humeur du jour – c’est parce qu’une ferveur spirituelle sourde à la douleur du pauvre ne trace, dans le judaïsme, aucune voie vers Dieu.

Le pauvre lui-même ne peut prendre prétexte de sa misère pour exalter une spiritualité allégée du devoir de contribuer au fonctionnement du Temple (Ex 30,15) et de la tsedaka envers son prochain. Non seulement, bien sûr, à cause des autres pauvres que sa pauvreté ne le dispense pas d’aider, mais parce que seule l’association de DALET et de GUIMEL, en l’âme de chacun, dévoile la façon juive de se tenir comme humain face à Dieu.

La pauvreté signifie certes un dénuement matériel, souvent extrême et insupportable. Sa faim, sa soif et sa nudité sont alors, évidemment, à soulager très concrètement, maintenant, sans attendre qu’il soit trop tard, sous prétexte que le regard était ailleurs. Mais la porte de la pauvreté ouvre aussi sur l’espace intérieur de chacun, non tant pour l’inciter à constater ses turpitudes secrètes ou sa misère, et provoquer en lui une affliction, une amertume et une mélancolie destructrices, mais pour lui donner au contraire la chance de se délester des écorces qui entourent son « moi ».

Ces écorces lui font croire, illusoirement, qu’il existe par lui-même, de façon autonome et fière, elles empêchent la lumière divine de passer. Or DALET dénude, elle révèle combien vaine est l’assurance humaine quand elle se ferme à cette lumière. Cette quatrième lettre creuse, au plus profond de soi, un espace de pauvreté et de minceur, meilleur que tous les biens à posséder. Un espace où la réalité de l’autre, de Dieu et du prochain, a alors la possibilité de descendre et de se manifester. Non pour combler l’âme pauvre de gratifications spirituelles incommensurables aux richesses et aux plaisirs dont se contente la plupart des hommes, mais pour la convier au don, à la bonté de GUIMEL, et, ainsi seulement, pour l’éclairer.

Les Hassidim disent que la pauvreté de DALET permet de s’alléger de la glaise et de sa grossièreté qui, si souvent, forment un écran qui interdit à la lumière de l’Infini de parvenir jusqu’à soi. Grâce à DALET, à sa faiblesse et à sa force, l’homme découvrirait qu’il est appelé à devenir un des réceptacles de cette lumière. Une lumière que nul ne peut garder jalousement pour soi, une lumière qui éclaire les autres également. C’est pourquoi l’espoir du monde repose encore sur l’association précieuse de GUIMEL et de DALET dans l’âme humaine.
Quarante nombre hautement symbolique ! (quelques exemples)

=> Il exprime souvent la durée des périodes :

  • 40 ans, c’est l’équivalent approximatif d’une génération humaine de l’époque,
  • 40 jours, c’est la durée du déluge : Dieu annonce qu’il fera pleuvoir pendant 40 jours (Genèse 7, 4), et la pluie tombe durant 40 jours et  40 nuits (Gen 7, 12), les eaux grossirent et soulevèrent l’arche, qui fut élevée au-dessus de la terre. (Gn 7,17), au bout de quarante jours, Noé ouvrit la fenêtre qu’il avait faite à l’arche (Genèse 8, 6)
  • La vie de Moïse est divisée en 3 fois 40 (Act 7/23-36), Moïse à 40 ans lorsqu’il quitte l’Égypte, il reste 40 ans dans le pays de Madian. Il vivra encore 40 ans.
  • Le voyage du peuple hébreu à travers le désert dure 40 ans (Nb 14/33, Amos 5/25).
  • L’exploration de Canaan par les espions dure 40 jours (Nb 13/25),
  • Les juges Othniel, Débora et Gédéon procurent chacun au peuple d’Israël un repos de 40 ans (Jug 3/11 ; 5/31 ; 8/28),
  • Le peuple subit la domination des philistins pendant 40 ans (Jug 13/1),
  • 40 ans, c’est la durée des règnes de David (1 Ch 29, 27) et de Salomon (1Rois 11,42),

 => il exprime aussi le temps de la prière et de l’intercession

  • Moïse entra dans la nuée et monta sur la montagne,  »40 jours et 40 nuits, »(Exode 24.18). Sur le mont Sinaï, Dieu lui fait le don de la Loi.
  • Après l’épisode du veau d’or, Moïse intercède et fait pénitence 40 jours pour que le Seigneur épargne la vie au peuple (Deut 9, 25).
  • Élie marche 40 jours et 40 nuits jusqu’en Horeb (1 Rois19/8), jusqu’au mont Carmel pour entendre la voix de Dieu dans la brise légère, après avoir été nourri miraculeusement.

=>Il exprime à la fois le temps de l’épreuve et de la patience, de la sollicitude de Dieu

  • Le Dieu d’Israël élut nos pères et fit grandir ce peuple  durant son exil en terre d’Égypte. Puis, en déployant la force de son bras, il les en fit sortir  et, durant 40 ans environ, il les entoura de soins au désert (Ac 13,18).
  • Goliath se présente matin et soir pendant 40 jours (1 Sam 17/16),
  • Jonas laisse 40 jours à Ninive pour se repentir (Jonas 3/4).
  • Jésus jeûne 40 jours au désert (Mt 4/2) au lendemain de son baptême. Pendant 40 jours, nous dit l’Évangile, Jésus a prié et jeûné au désert avant que le diable ne vienne le soumettre à la tentation (Marc 1, 13 et //). Ensuite, Jésus inaugure sa vie publique.

=> Il exprime le temps de la maturité et de l’enseignement

  • C’est le temps de la gestation : ne faut-il pas près de 40 semaines pour mener une grossesse à terme ?
  • D’après une tradition Juive nous arrivons à maturité à 40 ans !
  • Jésus apparaît à ses disciples pendant 40 jours après sa résurrection, il enseigne ses disciples pendant 40 jours jusqu’à son Ascension (Actes 1, 3).

=> C’est aussi un chiffre de mesures

  • Quarante coudées (1 Rois 6/17 ; Ézéchiel 41/2, 46/22),
  • Quarante coups : la bastonnade israélite comportait un maximum de 40 coups (Deut 25/1-3), que le judaïsme limitait à 39 pour éviter qu’il ne fût dépassé (2 Cor 11/24).
Conclusion
Que conclure de cette énumération que nous aurions pu allonger ?
  • Quarante : temps d’épreuve, de dépouillement, de mise à nu.
  • Quarante : temps de l’apaisement, du constat de la fin de l’épreuve et du bilan, vanité des vanités…
  • Quarante : temps de l’accomplissement, de la maturité,
  • Temps où l’on se retourne pour estimer le chemin accompli et à accomplir :
     » Souviens-toi de tout le chemin que Yahvé ton Dieu t’a fait faire pendant quarante ans dans le désert, afin de t’humilier, de t’éprouver et de connaître le fond de ton cœur : allais-tu ou non garder ses commandements ?  » (Deutéronome 8, 2)
  • Temps pour laisser la place au Tout autre et à l’autre.
  • Temps pour se laisser modeler par Dieu comme l’argile dans les mains du potier :

La parole fut adressée à Jérémie de la part de l’Éternel, en ces mots :  » Lève-toi, et descends dans la maison du potier ; là, je te ferai entendre mes paroles. » Je descendis dans la maison du potier, Et voici, il travaillait sur un tour.Le vase qu’il faisait ne réussit pas, Comme il arrive à l’argile dans la main du potier ; Il en refit un autre vase, Tel qu’il trouva bon de le faire.
Et la parole de l’Éternel me fut adressée, en ces mots :  » Ne puis-je pas agir envers vous comme ce potier, maison d’Israël ? Dit l’Éternel. Voici, comme l’argile est dans la main du potier, Ainsi vous êtes dans ma main, maison d’Israël !  » (Jérémie 18, 1-6)

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Notes sur le Désert dans la Bible cliquer ici

* Livre des  Nombres à cause des multiples recensements et chiffres qui y figurent

** Tsedaka : terme hébreu désignant la « justice »  de sorte que le pauvre puisse conserver sa dignité.

*** Mitsva : « ordre, commandement » en particulier venant de Dieu ; mais la traduction la plus adéquate paraît être « prescription, précepte. » lls sont donnés à Israël, comme des moyens de progresser en sainteté.

Tiré de l’excellent livre  Les lettres de la création, l’alphabet hébraïque de Catherine Chalier Collection : Les carnets spirituels, éditeur : Arfuyen, 2006

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