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À quoi sert le déluge ?

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ImageA quoi sert le déluge? Comment comprendre cet évènement qui dépasse toute réalité? Y a t-il un but au déluge? Est-ce une action arbitraire de Dieu? Qu’est-ce qui motive sa décision?
Ces questions vont nous faire cheminer au travers du texte de Noé, pour comprendre un peu mieux ce que l’histoire du déluge révèle dans l’histoire des humains avec Dieu.

La situation de départ de notre texte de Gn 6 à 9 montre la déception de Dieu face à la créature humaine qu’il a voulu créer à son image. L’image est relationnelle avec la création de l’homme et de la femme. Mais Dieu constate que l’être humain pervertit cette relation. Il en fait une relation destructrice. Il va à l’encontre de ce pourquoi il est créé : la vie. Le meurtre de Caïn sera le premier geste de destruction de l’homme contre l’homme, le premier véritable péché de l’humanité. C’est en effet en choisissant de se couper de Dieu que Caïn commet un geste irréparable. C’est en s’éloignant du créateur que les humains en viennent à des gestes de violence les uns envers les autres.

En Genèse 6/5, Dieu voit que le cœur de l’homme n’est porté qu’à concevoir le mal.
Il se repend, il regrette, il est triste de voir son intention de départ pervertie. Alors il décide d’effacer l’ardoise, d’oublier cette histoire de création, de supprimer celui qui porte le mal de façon si radicale, de supprimer la vie des humains et de toute vie sur la terre. Que va devenir l’humanité ?

  • Dieu ne renonce pas complètement à sa création. Un lien, aussi ténu soit-il entre un homme et Dieu, va suffire pour garder « un petit reste » d’humain. Noé trouve grâce, Noé est dit « juste » en ce sens qu’il a continué à suivre « les voies de Dieu » (Gn 6/9) et qu’il n’a pas rompu la relation. Pendant tout le déluge, il garde fidèlement ce lien et obéit en tout à Dieu. Mais c’est de sa propre initiative qu’en sortant de l’arche, son premier geste est pour Dieu. Il lui fait une offrande pour affirmer que le lien avec le créateur ne s’est pas effacé.
  • La conclusion n’est pas celle qu’on pourrait attendre. Comme Dieu a préservé le seul homme intègre de sa génération, l’humanité nouvelle devrait être meilleure…mais c’est de nouveau par une constatation de Dieu qu’on apprend que le mal a été transporté avec l’homme juste et avec ceux qui l’entourent (notamment les fils de Noé qui justifieront ce propos dans la scène suivante de l’ivresse de leur père) :…certes le cœur de l’homme est porté au mal dès sa jeunesse…cette réflexion de Dieu a lieu sans que rien ne la motive. Aucune action humaine n’a encore été possible dans cette re-création. La réflexion de Dieu atteint un nouveau savoir. Le mal potentiel est dans l’humain de façon indéracinable.

Je pense que ce nouveau savoir de Dieu est déterminant pour comprendre que le déluge va servir de leçon aussi bien pour Dieu et que pour l’être humain.

  • Le choix de Dieu : détruire ou préserver ?  En utilisant son pouvoir de détruire la terre au déluge, Il montre que la liberté de tuer la vie n’est pas le seul apanage de l’humain. Pourtant, continuer dans ce registre destructeur serait contraire à ce qu’Il est. Ce serait se servir des mêmes armes que le mal. Dieu va choisir une autre voie, sa voie divine, une voie de patience, de miséricorde et d’acceptation de l’humain tel qu’il est. Le prophète Osée met en avant cette différence fondamentale de Dieu : Je ne donnerai pas cours à l’ardeur de ma colère…car je suis Dieu et non pas homme. (Os 11/9) Alors Dieu décide que ne plus jamais porter atteinte à la terre et aux vivants : « C’est pour moi comme les eaux de Noé : à leur sujet, j’ai juré qu’elle ne déferleraient plus… »(Es 54/9-10) Il dépose les armes en déposant son arc dans le ciel, et se souviendra de sa promesse en le regardant.
  • Tendre la main à l’humain malgré le mal en lui. Mais le mal ne se sépare pas de la vie humaine. Comment donc Dieu va-t-il envisager une relation avec l’humain dont le cœur est porté au mal ? Quand Dieu a créé l’humain en Gn1 la relation avec lui ne devait pas poser de problème. Mais devant son éloignement, comment construire un pont pour garder le lien ? Ce pont va s’appeler l’alliance. Une alliance faite par le créateur qui assure sa fidélité sans faille auprès de l’humain qui s’éloigne toujours. L’alliance va être le fondement de la relation entre Dieu et les humains. Dans cette première alliance faite par Dieu entre « moi, vous et tout être vivants avec vous » (Gn9/12), l’alliance est symbolisée  par l’arc-en-ciel qui fait le pont par-dessus cette distance. Ce sera ensuite par des alliances successives que Dieu renouvelle sa présence aux hommes au cœur de leur histoire. Dans l’alliance faite avec Moïse, Dieu fera une demande supplémentaire à l’homme : pour combattre le mal, il a besoin de sa participation, il a besoin de son choix : « j’ai mis devant toi la vie et le bien, la mort et le mal…choisis la vie afin que tu vives, toi et ta postérité… »(Deut30/15et19). Le choix est fait pour préserver la vie.
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Quelle est maintenant la leçon que l’humain peut tirer du déluge ?

  • Des limites : Le déluge est un cataclysme pour l’être humain, il est une démonstration de puissance de Dieu. On peut penser que le côté pédagogique du déluge est pour l’humain de ne jamais oublier qu’il n’est pas son propre créateur, que la vie lui est donnée gratuitement. Le déluge le renvoie à sa fragilité, à sa nudité de départ. Le déluge lui rappelle que sa vie est liée de façon structurelle à la terre, à son environnement. Ensuite, l’alliance a ses exigences comme de ne pas tuer son semblable, et de respecter le sang de l’animal quand on veut le manger.
  •  L’être humain est au bénéfice de la décision de Dieu sans rien avoir fait pour cela. Peut-on déjà parler de grâce? Le rythme des saisons accompagne sa vie, tant que la terre durera (Gn8/22). La fidélité et la patience de Dieu sont aussi à redécouvrir dans ce rythme, dans les journées données les unes après les autres, dans les saisons renouvelées.  On peut se réjouir que ce sujet soit tellement d’actualité aujourd’hui et que cette prise de conscience se fasse progressivement. La terre est confiée à l’être humain, la seule créature faite à l’image de Dieu, et la responsabilité est grande d’en prendre soin. Avec cette histoire, on ne peut plus dire qu’une catastrophe naturelle est envoyée par Dieu.
  • Pour finir, cela révèle à l’être humain sa véritable nature et la nécessité pour lui de rester dans l’alliance afin de combattre la puissance du chaos avec la présence de Dieu à ses côtés. Cette puissance dépasse les forces humaines. On ne peut lui opposer que la force divine de la création qui deviendra la force de la résurrection dans la nouvelle alliance inaugurée par Jésus-Christ.
article paru dans le dossier théologique du Camp Biblique oecuménique de Vaumarcus 2007

(Crédit: Laurence Berlot)