Point KT

Tenir ses engagements – Méditation à partir du livre de Jérémie

image_pdfimage_print

 Jérémie, c’est l’homme qui dit NON à Dieu : « non, je ne veux pas, je ne peux pas !  » C’est l’homme qui ne veut pas entrer au service de Dieu. Ni édifier, ni former ni témoigner ni servir. Rien. Jérémie est-il un adolescent ? Un révolté ? Les deux ? «Trop jeune, je suis trop jeune, dit-il au Seigneur, je ne peux pas te servir, je n’en ai pas les moyens et je ne veux surtout pas les avoir (au cas où tu me les donnerais quand-même) ».

Lecture : Jérémie 1/1-8 

– Jérémiades

Jérémie, c’est l’homme qui dit NON à Dieu : « non, je ne veux pas, je ne peux pas !  » C’est l’homme qui ne veut pas entrer au service de Dieu. Ni édifier, ni former ni témoigner ni servir. Rien. Jérémie est-il un adolescent ? Un révolté ? Les deux ?
«Trop jeune, je suis trop jeune, dit-il au Seigneur, je ne peux pas te servir, je n’en ai pas les moyens et je ne veux surtout pas les avoir (au cas où tu me les donnerais quand-même…) ». Jérémie, c’est l’homme qui gémit. Traduit en français, on perd la musique, la sonorité de cette lamentation dont l’hébreu rend si bien compte en nous offrant dans le texte une succession de «i» plaintifs très évocateurs. Le cantique 302 de « Nos cœurs te chantent »  conviendrait à notre prophète, version « hard », c’est-à dire en poussant la négation bien-aimée des protestants jusqu’au bout : « Tu me veux à ton service, moi qui sans toi ne suis rien, et même avec toi je ne suis rien et d’ailleurs laisse-moi, laisse moi être rien, s’il te plaît Seigneur mon Dieu ». Quelle est la réponse de Dieu face au cri du prophète ?
« Ça ne fait rien, dit Dieu, tu es peut-être trop jeune mais ce n’est pas la peine de le dire; et puis de toutes façons, je te prends tel que tu es. N’aie pas peur. Je m’attacherai à toi, je t’attacherai à moi, et tu seras relié. Pour toujours. Et tu me serviras. » Cela veut dire qu’on ne peut rien faire contre quelqu’un qui dit «je t’aime quand-même». On ne peut rien faire contre cet amour sinon le recevoir. Même si cela ne nous fait pas plaisir. C’est comme lorsqu’on vous offre un cadeau que vous n’aimez pas : vous êtes obligés de le garder parce que c’est un cadeau. On ne peut rien contre celui qui donne. C’est pour cela qu’il n’y a pas de réponse de la part de Jérémie à cette parole qui lui est adressée.

–  Une parole donnée

Pendant plusieurs chapitres, il n’y a que Dieu qui parle. C’est au bout de quatre chapitres et dix-neuf versets qu’on a enfin une réponse du prophète, une réponse d’une très grande profondeur : « Ah, que mon ventre me fait mal ». C’est donc à un homme qui a mal au ventre que Dieu donne sa Parole à manger, à mastiquer, et à mettre en pratique. Je pense que tous les catéchètes, tous les pasteurs doivent ressentir une énorme sympathie pour Jérémie. Ainsi donc, dans ce chapitre 1 qui parle de la vocation du prophète, c’est-à-dire de la mise en route de Jérémie, on découvre que celui qui se lance, ce n’est pas l’homme, que l’engagement est d’abord celui de Dieu.

L’engagement, ce n’est pas d’abord une promesse tenue, mais une parole donnée. Cette parole donnée me tient et me retient quand j’ai envie de tout lâcher. II n’y a rien d’héroïque ou de courageux là-dedans puisque c’est quelqu’un d’autre que moi qui agit. Voici : j’étais pressée de partir…. et quelqu’un m’a retenue. Mais peut-on se contenter de dire : nous n’avons pas été capables, mais quelqu’un l’a fait pour nous ? Peut-être faut-il aller plus loin, sous peine de tomber dans la grâce à bon marché : c’est une prédication qui a beaucoup (trop ?) de succès dans nos églises : «si nous ne sommes pas fidèles, le Seigneur, lui, est fidèle. Si nous ne tenons pas nos promesses, le Seigneur, lui, tient les siennes.» Un écrivain a dit : «II y a deux folies dans le monde : croire qu’on peut tout faire; croire qu’on ne peut rien faire». Comment ne pas tomber dans l’une ou l’autre folie ? Voici un autre chapitre du livre de Jérémie qui peut nous éclairer.

Lecture : Jérémie 13, 1-11

– Attachez vos ceintures

Nous sommes face à un paradoxe : c’est Dieu qui relie Jérémie à Lui, mais c’est Jérémie qui attache la ceinture. La ceinture vient de Dieu mais c’est nous qui devons la mettre. Parce que personne ne peut s’engager à notre place. La ceinture est individuelle. D’autre part, une ceinture se met sur une seule personne, sinon cela s’appelle un…. filet. On ne peut pas attacher la ceinture pour quelqu’un d’autre. On ne peut même pas lui dire : «attachez-vous».

Cette métaphore de la ceinture nous dit quelque chose sur l’engagement personnel. Une ceinture ne peut pas se mettre autour des pieds : elle nous enchaînerait. Ni autour des poignets, elle nous lierait comme avec des menottes. Ni autour du cou : elle nous étoufferait. Elle peut seulement se mettre autour des reins «, autrement dit : elle entoure la personne toute entière. Et c’est parce qu’on s’engage tout entier que c’est difficile : nos engagements dans l’Eglise – et ailleurs – vivent et s’usent au rythme de nos existences : il y a des engagements qui nous vont bien ; iI y a des engagements qui vont ; iI y a des engagements qui ne vont pas ; il y a des engagements taillés sur mesure – ils nous vont tellement bien que nous oublions parfois que nous les portons. La ceinture est plus ou moins serrée selon les moments, les épreuves : il faut savoir la détendre lorsque l’engagement est trop lourd. Et il faut savoir resserrer les liens lorsque l’exigence s’en est allée.

Y a t-il une ceinture, un engagement qui soit juste ? II me semble que non. II n’y a pas d’engagement juste, il n’y a que des engagements nouveaux, des engagements renouvelés.

– Arrêt momentané …

Je voudrais m’arrêter à un élément dans notre texte : le fait que Jérémie dépose sa ceinture. On passe souvent un peu vite sur ce geste, en en retenant que l’aspect négatif (enlever la ceinture = détruire le pacte).

Or, ce n’est pas d’avoir déposé la ceinture qui fait problème, mais c’est de l’avoir enlevée trop longtemps (verset 6 : «au bout d’un temps assez long»). On peut très bien enlever la ceinture mais il ne faut pas que cela dure. II est même bon, voire salutaire de la déposer- il y a des détachements heureux et nécessaires – Il y a dans cette métaphore de la ceinture une invitation de la part du Seigneur : « Dépose ton engagement, dépose cette charge qui t’a été confiée. Tu allégeras ainsi ce qui te pèse ».

Oui, nous sommes invités à déposer nos engagements pendant un temps donné pour nous rappeler qu’ils ne viennent pas de nous, qu’ils nous ont été donnés par quelqu’un d’autre. « Enlève ta ceinture et regarde-la. Regarde tes engagements et ensuite, tu pourras les recevoir de nouveau, les accueillir avec une nouvelle fraîcheur, et même : les recevoir de façon totalement nouvelle ». Un engagement doit toujours se renouveler. Parce qu’il n’y a rien d’acquis une fois pour toutes – il n’y a rien de définitif tant que nous sommes vivants-.

 

  • Le renouvellement des engagements concerne tout le monde

Ainsi, on peut se demander pourquoi, le jour des confirmations, il n’y a que des catéchumènes qui prennent des engagements publics. Des adolescents qui ont souvent le trac, qui sont tout seuls sur la «scène», debout face à une assemblée d’adultes qui les regarde et les écoute comme si elle s’était engagée une fois pour toutes… Pourtant personne ne remet en question cela, tout le monde trouve normal qu’il y ait ainsi une distinction, une répartition jeunes/ adultes au sujet des engagements que l’on prend.

Et si chaque année, quelques adultes se joignaient à ces adolescents pour renouveler leurs engagements eux aussi ? Pour dire : « moi aussi, j’ai quelque chose à renouveler ». Ou bien : « j’ai déposé ma ceinture il y a quelque temps et je voudrais la remettre »…

Pour conclure, je dirai qu’il y a une distinction importante entre «tenir ses engagements» et «tenir à ses engagements». Entre les deux, il n’y a qu’une lettre : un presque rien qui fait pourtant toute la différence.

  • « Tenir ses engagements », c’est les réaliser. Et personne n’y parvient.
  • « Tenir à ses engagements », c’est les aimer, c’est y être attaché, c’est ressentir profondément le lien qui nous unit à eux. Bref, c’est une question d’amour. Alors, c’est simple : si nous aimons nos engagements, tout est possible.

 

Titia Koen, Pasteure-  PointKT N° 20 Octobre, novembre, décembre 1997

Prière : Engagements cliquer ici