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The Artist ! Réflexion pour le temps de la Passion

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Qui n’a pas entendu des échos du film « The Artist » ? Qui n’a pas vu quelques images de l’accueil triomphal réservé à l’acteur Jean Dujardin, à son retour en France, à l’aéroport de Roissy ? Il a été véritablement assailli par une nuée de reporters et cameramen ! Ce film est entré maintenant dans la légende d’Hollywood ! Au vu de cette actualité, certains ados nous ont fait part de leurs désirs et de leurs rêves : « C’est chouette d’être célèbre, moi aussi je voudrais bien être un artiste ! » Cela m’a fait penser à la célèbre chanson : « J’aurais voulu être un artiste, pour pouvoir faire mon numéro… J’aurais voulu être un chanteur, pour pouvoir crier qui je suis. J’aurais voulu être un auteur, pour pouvoir inventer ma vie ! … »

Pourquoi ce besoin de célébrité ? Ce phénomène touche toutes les classes d’âge, mais on l’observe particulièrement chez les adolescents. Ce désir se manifeste plus facilement chez eux, car il est souvent alimenté par la quête d’identité. À l’adolescence, on a du mal à se projeter dans l’avenir et l’on cherche des formes dans lesquelles on va pouvoir être reconnu. Le jeune a besoin de la reconnaissance des autres pour savoir qui il est. La célébrité a un côté très attirant.

Attirés ainsi par l’éclat des stars, comment à l’âge de toutes les envies, nos jeunes peuvent-ils recevoir ce que Jésus déclare dans l’évangile de Jean, en se l’appliquant à lui-même : « Si le grain tombé en terre ne meurt, il reste seul, mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruits… » (Jean 12,20-28) ?
Jésus, fin observateur de la nature, se sert souvent des choses visibles à la portée de tous, des scènes de la nature et de la vie ordinaire de ses auditeurs pour illustrer sa prédication. Il sait voir dans le lis des champs, dans les fruits du figuier, dans le vol des moineaux, des paraboles profondes sur notre vie et sur Dieu…
C’est à la veille de sa passion que Jésus se voit comme ce grain qui doit mourir, comme un élément de l’univers, acceptant d’obéir à un cycle cosmique qui le dépasse.
Pour ses disciples, pour ses amis, pour celles et ceux qui ont cru en lui, il a fallu intégrer l’impensable, il a fallu intégrer la croix du calvaire. « Scandale et folie », c’est ainsi que Paul qualifie la croix (1 Corinthiens 1,23).

Une question lancinante se posait à la première génération chrétienne pas encore très éloignée des événements, cette question se pose toujours : Pourquoi le maître devait-il mourir ainsi ? Un grand homme, n’est-ce pas un homme dont la réussite est manifeste aux yeux de tous ? Réussir sa vie, n’est ce pas atteindre la consécration d’une carrière ou d’une œuvre ? Si Jésus était vraiment celui qu’il a dit qu’il était, il devait s’imposer et montrer sa force au lieu d’aller périr misérablement entre deux brigands.
À moins que… À moins que sa mort ne soit un passage obligé, obéissant à une finalité supérieure, et c’est bien ce qui est suggéré par l’image du grain de blé : sans enfouissement dans la terre pas de germination des graines, pas de naissance de la génération suivante, et pas non plus de formation de nouvelles graines, pas de multiplication des graines !
Il nous faut dès lors admettre qu’il y a deux manières de réussite ! D’un côté l’évidence du succès. De l’autre un échec apparent énigmatique ! D’un côté un éclat visible, immédiat – l’éclat de la star – éclat qui attire nos jeunes, éclat passager, sans lendemain véritable. De l’autre un éclat qui se fera voir plus tard, lorsque d’une graine cachée dans la terre pourront surgir de nombreuses autres graines, lorsque l’épi mûr paraîtra…

Comme le grain est orienté vers de futures moissons, notre vie est appelée à donner du fruit. Certes ! Mais comment partager ce message avec nos jeunes sans sombrer dans le catastrophisme, sans tomber dans le sacrificiel, dans un dolorisme qui valoriserait la souffrance et la pauvreté, le lâcher prise ? C’est en soulignant que Jésus au cœur même de sa passion reste cependant acteur, c’est lui qui décide : « Ma vie on ne me la prend pas, c’est moi qui la donne » Jean 16,17.

La liberté, au sens courant où nos jeunes l’entendent, rime souvent  avec « je fais ce que je veux, quand je veux, où je veux ». La liberté dont fait preuve Jésus, celle que les Écritures nous enseignent  offre la capacité de grandir, d’avancer dans la confiance envers Dieu. C’est cette liberté qui est aussi donnée à Abraham qui part à la découverte de l’inattendu : il sort de sa famille, de son pays, il rejoint une autre terre. Il découvre qu’il ne peut le faire qu’accompagné de cette confiance en Dieu qui sera sa force, Dieu qui se manifeste à lui dans sa pensée, dans sa conscience et non dans des statuettes devant lesquelles se prosterner…
Cette liberté est offerte à tous, à nos enfants, à nos ados, elle doit s’apprendre, comme ce fut le cas pour le peuple sorti de l’esclavage d’Égypte. La liberté oblige à vivre les uns avec les autres, les uns pour les autres ; à sortir d’un état « sauvage » pour entrer dans une ère civilisée. Les prophètes du Premier Testament rappellent sans cesse cette liberté ; ils luttent contre la facilité du peuple d’Israël à retomber dans ces esclavages que sont les tentations de dominer, de soumettre les autres à son pouvoir, de vivre dans le culte de soi, d’éliminer autrui qui dérange. Le Nouveau Testament ouvre l’apprentissage de cette liberté à chacune, à chacun, individuellement, indépendamment de toute appartenance à un peuple. Vous l’avez en mémoire Paul parle de « la glorieuse liberté des enfants de Dieu » (Romains 8,21) !

Au fait, le soir du Vendredi saint, Dieu serait-il vaincu ? Non, il n’accepte pas cette défaite ; il ne renonce pas. II riposte de manière surprenante et inattendue en ressuscitant Jésus et depuis 2000 ans à travers le monde entier une nuée de témoins proclame  la résurrection ! Alléluia !

Crédit : Point KT