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Bible et mer, d’après le livre de Chantal REYNIER

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La bonne nouvelle du salut nous arrive par la mer, par l’eau. Et ceci depuis les origines. Dès les premières lignes de la Bible il est dit : le souffle de Dieu planait sur les eaux. La Parole de Jean-le-Baptiste retentit au bord d’un fleuve : le Jourdain. Celle de Jésus au bord de la mer de Galilée pour des hommes de la pêche, les premiers appelés, des hommes embarqués pour d’autres navigations.
Ancien Testament

Il y a une ambivalence de la mer à la fois redoutable et salvatrice !

Le Peuple de la Bible n’était pas un peuple marin : il redoutait la mer. Il l’a traversée en des conditions prodigieuses et son parcours est une longue navigation, une route à l’estime qui nous enseigne sur notre propre marche.

Sources et rivières proviennent de l’abîme, réserve de fécondité mais aussi puissance chaotique inquiétante : Psaume 104/6-12. L’eau est tout à la fois symbole de mort – eau de naufrage – et de liberté – eau salvatrice – (Exode, passage de la Mer Rouge).

Côté mer, les premières entreprises maritimes connues, celles du roi Salomon (1 Rois 9, 26) ou de Josaphat sont sans lendemain (1 Rois 22, 49).
Avec la dispersion du peuple de Dieu et le temps de l’exil, les îles entrent dans l’horizon géographique d’Israël et le peuple juif s’accoutume aux longs voyages maritimes.

À l’époque du Nouveau Testament, Jésus dénonce les scribes et les pharisiens qui n’hésitent pas à courir les mers pour faire des prosélytes (Mt 23, 15). Paul lui, trouvait tout naturel de sillonner la Méditerranée pour annoncer l’Évangile. Mais dès les premières pages de la Bible l’expérience de la mer prend sens dans l’histoire comme un sauvetage, un salut qui vient d’un Autre.

À notre époque comme aux origines tout homme éprouve devant la mer le sentiment d’une puissance formidable. Les conditions de vie dans la pêche ou le commerce comme les folles galères des coureurs autour du monde en solitaire ou en équipage nous le rappellent constamment. Une puissance impossible à dompter, terrible quand elle se déchaîne, menaçante pour les marins (Ps 107, 23-30) comme pour les populations côtières qu’elle risque toujours de submerger (Genese 7, 11 et 9, 11-15).

Mais dans la Bible pour autant que la mer soit mauvaise elle n’en reste pas moins au rang de simple créature. Dans le récit classique de la création, YHWH partage en deux les eaux de l’abîme. Il garde la maîtrise et il n’y a plus de lutte entre le Dieu tout-puissant et le chaos aquatique des origines comme dans les mythologies des peuples voisins.
Selon la Bible, le Seigneur Dieu en organisant le monde a imposé aux eaux une fois pour toutes une limite qu’elles ne franchiront plus sans son ordre (Gn 1, 9 ; Ps 104, 6-9 ; Pr 8, 22-31).

Les livres de Sagesse se plaisent à décrire cet ordre du monde où la mer prend place, utilisant pour cela les données d’une science élémentaire : la terre repose sur les eaux d’un abîme inférieur qui remontent à travers elle pour alimenter les sources (Gn 7, 11 ; 8, 2 ; Jb 38, 16 ; Dt 33, 13) et qui communiquent avec celles de l’océan : on imagine une énorme machine hydraulique.
Ici en tous cas la mer est remise à sa place parmi les créatures. Elle est même invitée avec toutes les autres à célébrer son créateur (Ps 69, 35).

Mais un relent de force mauvaise, désordonnée, orgueilleuse, continue de flotter autour de la mer que la figure des bêtes mythologiques représente volontiers. La mer symbolise alors les puissances adverses qu’YHWH doit encore vaincre pour faire triompher son dessein.
Aussi à travers cette imagerie épique l’activité créatrice de Dieu est évoquée sous les traits d’un combat primordial.

Nouveau Testament

La force symbolique de la mer traverse tout autant le Nouveau Testament.

Dans les évangiles la mer apparaît déjà comme ce lieu démoniaque où vont se précipiter les porcs ensorcelés (Mc 5, 13).
La mer déchaînée continue d’épouvanter les hommes mais Jésus manifeste en face d’elle la puissance divine qui triomphe des éléments. II vient vers les siens en marchant sur les eaux (Mc 6, 49-52 ; Jn 6, 19) ou encore d’un mot il calme les flots : Silence, sois muselée ! (Mc 4, 39) dit-il à la mer et les disciples reconnaissent à ce signe la puissance divine à l’œuvre en Lui.

Après la Pentecôte la barque de Pierre est devenue la barque de l’Église. L’Apôtre Paul, prisonnier fait voile vers Rome. Tempête et naufrage en Adriatique. Quatorze nuits de dérive entre Grèce et Sicile. Échouement près de Malte. Les matelots cherchaient à quitter le navire et les soldats voulaient tuer les prisonniers. Paul annonce le salut offert à tous. La conclusion de l’Apôtre nous éclaire : Et c’est ainsi que tous se retrouvèrent à terre, sauvés (Actes 27, 43-44). En décrivant la nouvelle création où sa royauté s’exercera en plénitude, l’Apocalypse évoque un jour extraordinaire où il n’y aura plus de mer (Ap 21, 1).
Dommage pour les navigateurs et tous les amoureux de la mer comme dépossédés de leur univers alors que d’autres plus comblés pourront attendre des cieux nouveaux et une terre nouvelle !
Non pas : car, et c’est encore le livre de l’Apocalypse qui nous le dit, il subsistera là-haut cette mer de cristal (Ap 4, 6) qui s’étend à perte de vue devant le trône divin, symbole d’une paix lumineuse dans un univers renouvelé. Voici que je fais toutes choses nouvelles, dit-le Seigneur.