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Le compte est bon

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money-1428594_640 (1)Luc 12, 16-21 : « LE COMPTE EST BON » ! Voici une saynète pour deux acteurs et découvrir le texte de LUC 12 dans une mise en scène actuelle. Proposition de Frédéric Gangloff

 Un homme est debout derrière une sorte de comptoir. Il calcule et enregistre des sommes. Il se parle tout seul…

LE RICHE     : Voyons un peu ! Mon compte courant ne se porte pas trop mal ! L’épargne-logement a fait des petits ! La semaine dernière la bourse s’est affolée, mais à présent, avec mes petits calculs et placements judicieux ça me rapporte encore plus qu’avant. Tous les indicateurs des marchés sont au vert… Les milieux financiers sont à nouveau confiants. Mes actions grimpent en flèche ! Mon parc immobilier s’est élargi et je crois bien qu’il faut que j’investisse dans de nouveaux logements : je commence à me sentir à l’étroit ! En plus, grâce aux bons conseils des cabinets d’expertises, j’ai réussi à camoufler des revenus au fisc ! Ah ! Toutes ces années de sacrifices sans vacances, à bosser dur, à économiser, à amasser, à emmagasiner…Maintenant je peux m’endormir sur un bon matelas, j’ai de quoi voir venir ! Je vais enfin pouvoir m’éclater, faire la teuf, dépenser, en profiter…Ouai, c’est ça que je vais faire !

Entre soudain un personnage, bien habillé, avec un sablier à la main, qu’il dépose sur le comptoir et qu’il tourne pour faire tomber le sable…

 LA MORT : Bonjour Monsieur.

LE RICHE : Bonjour Monsieur. Vous désirez quelque chose ? En quoi puis-je vous être utile ?

LA MORT : J’admire la tenue impeccable de vos comptes bien garnis et la justesse de vos investissements. Vous tenez un compte de tout ce que vous faites dans la vie ?

LE RICHE : Le temps c’est de l’argent, vous savez bien !

LA MORT : Oui, le temps c’est les affaires. Et pourtant la vie, dit-on, n’a pas de prix !

LE RICHE (déconcerté) : Certainement, je suis bien d’accord puisque vous le dites…Encore faut-il bien vivre ! Ne dit-on pas que les bons comptes font aussi les bons amis !

LA MORT : Ah propos compte ! Je passais par chez vous, pour vous dire que votre compte est bon !

LE RICHE : Je vous remercie, vous me flattez, c’est vrai qu’au niveau résultats, je m’en tire à bon compte !

LA MORT : Non, je ne vous flatte pas. Ce n’est pas mon genre. Je sais bien que vous êtes très prudent. Vous ne laissez rien au hasard ! Vous êtes affilié à la meilleure compagnie d’assurances qui soit, vous avez diversifié vos placements, vous avez des comptes off-shore un peu partout, votre coffre-fort est bien caché, vous projetez d’étendre un peu plus vos activités… Il est difficile de vous cambrioler : serrures, sonnettes d’alarme, portes blindés, vous n’avez rien négligé…Mais êtes-vous sage pour autant ? Vous êtes encore en compte avec moi !

LE RICHE (refroidi) Ecoutez, Monsieur je ne sais pas d’où vous tirez tous ces renseignements sur moi ! Mais vous êtes loin du compte si vous pensez que j’ai des dettes envers vous ! Sur ce point je n’ai rien à me reprocher ! Et si jamais j’ai pu oublier quelqu’un, je vous prie pour cela d’attendre ma mort et mon notaire se chargera du reste !

LA MORT : Inutile de vous stresser pour si peu ! Vous n’êtes pas encore à l’article de la mort ! Quoique ça peut arriver vite ! En fait, je ne parlais pas de votre compte de résultat mais des résultats de vos comptes dans votre vie ! En fin de compte, les biens matériels que vous avez accumulés, qui donc les aura ?

LE RICHE : Mais enfin personne, je ne compte sur personne, j’ai mon compte ! Qui êtes-vous ?

LA MORT : Qui d’autre pourrais-je être ? C’est vrai que de toute votre vie vous n’avez jamais parlé à personne. Pas d’épouse avec qui partager ! Pas d’enfants à éduquer ; trop bruyants et surtout trop coûteux ! Pas d’amis. Vous n’avez pas confiance. Vous auriez trop peur que l’on profite de votre amitié pour vous voler ! Vous êtes seul ! Et au bout du compte, vous comblez vos vides en consommant, en accumulant, en prévoyant ! Parce que vous avez horreur du vide !

LE RICHE : Mais Monsieur, je ne vous permets pas ! De toute façon vous ne m’impressionnez pas ? Vous perdez votre temps !

LA MORT : Perdre mon temps ? J’ai l’éternité devant et derrière moi. C’est vous qui perdez le peu qui vous reste en refusant de m’écouter et en continuant à vous cramponner à vos comptes. Vous pensez être repu et comblé, mais bientôt vous vous retrouverez les mains vides. A part calculer et accumuler, avez-vous déjà pensé à donner quelque chose qui vous en coûte ?

LE RICHE : Bien sûr ! Je fais des dons aux œuvres, à l’Église, aux restos du cœur…

LA MORT : Non je parle d’autre chose ! Avez-vous déjà donné de vous-même : de l’amitié, de l’amour, de la confiance, de la joie, du temps, de l’écoute, de la sympathie…Dans votre folie des comptes, seriez-vous peut-être passé à côté de l’essentiel ?

LE RICHE : Ce n’est pas cela qui va nourrir son homme, avec vos bons sentiments vous n’irez jamais loin dans la vie cher Monsieur ! Je n’ai confiance qu’en mes investissements boursiers, ça c’est du concret et du solide ! Je ne vais pas commencer à croire en l’amour, la grâce, la Providence, ou toutes ces autres croyances à l’eau de rose !

LA MORT : C’est vrai que vous avez les pieds sur terre et peut-être bientôt en dessous ! Vous êtes quelqu’un de carré, voire lourd, et avec toutes vos richesses qui sont comme des boulets que vous traînez vous n’apprendrez jamais à lâcher prise et à renoncer…Ce n’est pas aux richesses que vous devriez vous attacher, mais aux êtres humains. Il est temps de vous rendre compte que vous devriez commencer à aimer et non plus simplement à consommer…Décidez-vous tout de suite, je pourrai en tenir compte, et vous obtiendrez peut-être un sursis !

LE RICHE : Non mais, cessez donc de me martyriser espèce de croque-mort ! Allez-vous en ! Où j’appelle la police ! Mon magasin est directement relié au commissariat central. Il me suffit d’une seconde pour les prévenir, et dans deux minutes vous aurez les flics aux trousses !

LA MORT : C’est plus qu’il m’en faut pour vous emmener ! Il vous reste moins de une minute ! (Il consulte son sablier) Je viens de vous régler votre compte ! Vous êtes mort !

Le personnage prend le sablier et emmène le riche avec lui. FIN

Frédéric Gangloff