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Un conte hassidique…

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Le hassidisme est un mouvement né au XVIIIe siècle dans le peuple juif dispersé aux confins de l’Europe centrale et orientale. Il n’a constitué ni une doctrine ni une idéologie. Il a été avant tout une façon d’être, de voir et de vivre.
Au départ, un visionnaire solitaire : Israël Baal Shem-Tov, le Maître du bon nom, lance un étonnant appel à la joie aux Juifs opprimés par des siècles de persécution. Ses disciples, le grand Maguid, Levi-Yitzhak de Berditchev, Israël de Rizhin ou Rabbi Nahman de Bratzlav, à travers un étrange réseau de communications et de successions, vont surgir ici et là, susciter les enthousiasmes, animer des communautés. Élie Wiesel dira :  » Le hassidisme qui prêchait la fraternité et la réconciliation devint l’autel sur lequel tout un peuple fut immolé. Parfois, l’enfant en moi me dit que le monde ne méritait pas cette Loi, cet amour, ce message de spiritualité, ce chant qui accompagne l’homme sur sa route solitaire. » Lorsque le grand Rabbi Israël Baal Shem-Tov voyait qu’un malheur se tramait contre le peuple juif, il avait pour habitude d’aller se recueillir à un certain endroit de la forêt ; là, il allumait un feu, récitait une certaine prière et le miracle s’accomplissait, révoquant le malheur.

Plus, tard lorsque son disciple, le célèbre Maguid de Mezeritsch, devait intervenir auprès du ciel pour les mêmes raisons, il se rendait au même endroit dans la forêt et disait : Maître de l’univers, prête l’oreille. Je ne sais pas comment allumer le feu, mais je suis encore capable de réciter la prière. Et le miracle s’accomplissait.

Plus tard, le Rabbi Moshe-Leib de Sassov, pour sauver son peuple, allait lui aussi dans la forêt et disait : je ne sais pas comment allumer le feu, je ne connais pas la prière, mais je peux situer l’endroit et cela devrait suffire. Et cela suffisait, là encore le miracle s’accomplissait.

Puis ce fut le tour de Rabbi Israël de Riszin d’écarter la menace. Assis dans son fauteuil, il prenait sa tête entre ses mains et parlait à Dieu : Je suis incapable d’allumer le feu, je ne connais pas la prière, je ne peux même pas retrouver l’endroit dans la forêt. Tout ce que je sais faire, c’est raconter cette histoire : cela devrait suffire. Et cela suffisait.

Dieu créa l’homme parce qu’il aime les histoires.

Élie Wiesel
Célébration hassidique
Éditions du seuil, Collection Sagesse