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Fêter Dieu avec des enfants polyhandicapés

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Ils sont polyhandicapés. Ce sont des garçons et des filles. Ils sont protestants, catholiques, parfois musulmans ou bouddhistes. Ils sont âgés de huit à vingt ans.
Parce qu’ils sont handicapés, ils fréquentent une fondation protestante où nous essayons de vivre Dieu avec eux.
Comment ?

Fêter Dieu avec des enfants polyhandicapés

Ils sont polyhandicapés. Ce sont des garçons et des filles. Ils sont protestants, catholiques, parfois musulmans ou bouddhistes. Ils sont âgés de huit à vingt ans.
Parce qu’ils sont handicapés, ils fréquentent une fondation protestante où nous essayons de vivre Dieu avec eux.
Comment ? Ils ne parlent pas. Ils ne comprennent pas le sens des mots, ni la symbolique d’une image. Ils ont des handicaps moteurs sévères, donc leur gestualité est limitée. Pour trouver comment vivre Dieu avec eux, nous ne pouvons éviter de nous poser la question : qui est Dieu pour nous. Nous, c’est une équipe de catéchètes éducateurs ou d’éducateurs catéchètes selon les périodes et les fluctuations de notre propre enthousiasme, peut-être même de notre propre foi.

Célébrer Dieu

Nous avons voulu célébrer Dieu ensemble avec eux. Pour cela nous quittons leur lieu de vie habituel pour nous rendre à la chapelle de la fondation. Chaque enfant est accompagné par un adulte. Nous nous mettons en marche pour vivre quelque chose d’exceptionnel, hors du quotidien. Au fil du temps les enfants ont appris à reconnaître le chemin. Sur la route ils peuvent manifester leur enthousiasme ou au contraire leur non-envie parfois aussi leur indifférence…
De par leur handicap, ces enfants-là sont souvent indifférenciés. Leur identité est mal construite. Comme des tout-petits, ils sont centrés sur eux-mêmes. Penser que nous pourrions former avec eux une communauté vivante semblait être une gageure. Et pourtant c’est bien ainsi que cela se traduit depuis plus de dix ans maintenant.
Rassemblés autour de l’autel, à égalité pour une fois devant Dieu, nous sommes présents, chacun avec ses propres faiblesses mais aussi avec ses richesses.
La célébration commence par un temps d’écoute musicale. Il s’agit de se recueillir, d’entrer dans ce moment privilégié, de marquer la coupure avec l’extérieur.
Ensuite c’est le moment très important de l’accueil personnalisé de chacun des participants. Chacun de nous est salué par son nom et un petit mot personnel. Nous sommes toujours étonnés de l’impatience que certains enfants manifestent dans l’attente d’être interpellés, ou de leur réaction au moment où on prononce leur nom, surtout si cet appel est accompagné d’un geste.
Des chants
Ils rythment le moment du culte. Nous avons la chance d’avoir des catéchètes musiciennes.
Nous remarquons toujours à quel point il est important de choisir des chants que les enfants reconnaissent au bout d’un moment. Ils peuvent alors se joindre à nous avec leurs voix, leurs cris ou leurs applaudissements et c’est leur façon de louer Dieu.
Des prières
Elles sont choisies selon le thème du jour. Un psaume est souvent antiphoné au début de la célébration. A la fin nous proposons une prière d’intercession qui débouche sur le Notre Père. Cette prière universelle est un moment fort du culte. C’est à cet instant souvent, que pour moi, la présence de Dieu au milieu de nous se fait presque palpable.

 

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Le Sonnenhof

 

Deux réflexions nous paraissent fondamentales :
Qu’est-ce qui est essentiel dans un texte biblique ?
Et comment allons nous le transmettre aux enfants pour qu’ils puissent le percevoir avec leur sens ?
Chaque année, nous choisissons un thème que nous illustrons selon les moments de l’année liturgique mais aussi en fonction de nos préoccupations du moment. Notre thème de cette année est celui des animaux de la Bible.
La création  :
Dieu a créé les animaux de la terre et l’homme est responsable de ces animaux. Aux enfants nous avons voulu faire comprendre qu’eux aussi étaient responsables de ceux qu’ils avaient apprivoisés.Chacun d’eux a choisi une peluche d’animal. A chaque culte de l’année l’enfant revient avec sa peluche, qui à un moment donné sera « l’acteur » d’une des célébrations.
Comme les bergers dans les champs nous attendons Noël  :
Comme eux, seuls dans la nuit avec nos animaux, nous ne savons pas que c’est à nous que l’ange annoncera la nouvelle de la naissance de Jésus Enfin cette annonce nous est faite. Bientôt, nous verrons Dieu.
Noël, Jésus est né. 
Allons le voir. Après la lecture du texte de Noël, nous nous mettons en marche. Chaque enfant et chaque adulte dépose dans la crèche son animal en peluche. C’est une manière de dire que nous voulons faire confiance à Jésus en lui confiant ceux dont nous sommes responsables.
Au rythme des fêtes, l’année se poursuivra.
Pour chacun des animaux, nous essayerons, par des attitudes corporelles, de traduire les attentes de Dieu vis à vis de nous. Ce que les enfants comprennent ou même perçoivent nous échappe.
Mais n’en est-il pas de même pour toute personne ? Nous cherchons à leur permettre de vivre des choses. Ce vécu est toujours soutenu par une parole pour que ce que nous voulons faire soit reconnu par les adultes qui accompagnent. A leur tour, les enfants nous font vivre des choses et deviennent des relais de la parole de Dieu pour nous. Ce qui est important, c’est qu’en traduisant ainsi Dieu en actes, nous leur donnons la possibilité de répondre.
II est fondamental d’accepter que quelquefois ils répondent non ! Quand François a jeté sa peluche loin de la crèche ou quand Jack lui a fait un bisou avant de la déposer, je n’ai pas à juger ni à forcer un geste. Je respecte ce que je vois et quelquefois j’en tire des enseignements pour ma propre foi.
C’est seulement à cette condition que nous formons avec eux une communauté vivante où chacun donne et où chacun reçoit.
Martine Léonhart, Directrice adjointe Le Sonnenhof, Bischwiller
Archives PointKT, n° 22 – Avril, mai juin  1998