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Jésus et les enfants

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Jésus accueille et bénit les enfants, alors que ses disciples ne semblent pas très bien disposés à l’égard de toute cette marmaille. Jésus fait même plus que cela : il donne les enfants en exemple à ses disciples. Comment comprendre l’attitude de Jésus, un peu surprenante pour un homme de son temps et plus encore pour un rabbi? Voici quelques éléments d’explication et pistes de réflexion. Textes : Matthieu 19/13-15 ou Luc 18/15-17 ou Marc 10/13-16

Éléments d’explication :
–    Les textes de Matthieu, Marc et Luc sont remarquablement parallèles, surtout en ce qui concerne les paroles de Jésus : « Laissez les enfants venir à moi, ne les en empêchez pas, car le Royaume de Dieu est pour ceux qui sont comme eux. »  Il est donc probable que si les trois évangiles synoptiques sont si proches, c’est que ces mots de Jésus ont dû marquer les disciples. Le reste présente des variantes : Luc insiste sur l’accueil des enfants ; Marc mentionne l’indignation de Jésus et la bénédiction, Matthieu l’imposition des mains.

–    Les enfants à l’époque :
On est très loin de l’enfant-roi : la situation des enfants à l’époque de Jésus peut être rapprochée de la situation des enfants dans les pays du Tiers-Monde.
Le terme grec utilisé pour désigner ici les enfants indique qu’il s’agit de petits enfants, d’enfants qui sont encore laissés entièrement au soin de leurs mères. Il ne s’agit pas forcément de nourrissons, mais d’enfants trop petits pour que les pères contribuent à leur éducation : ils ont moins de 6-7 ans.
A l’époque, les petits enfants sont souvent considérés comme des personnes de peu d’importance pour au moins deux raisons :
1.    On redoutait de s’attacher et de s’intéresser à un enfant tant qu’on n’était pas sûr qu’il avait échappé à la mortalité infantile.
2.    La vie des petits enfants est perçue comme trop proche de l’animal : manger, jouer, dormir, mourir… Ils sont considérés comme de petits braillards dont les hommes ne veulent, ni ne savent se charger. Les jeunes enfants sont considérés comme incapables de recevoir une éducation en dehors des rudiments donnés par leurs mères.

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la réaction des disciples : pour eux, ces jeunes enfants ne sont ni dignes, ni capables de recevoir un enseignement du « maître », il n’y a donc aucune raison de l’importuner avec ça. Ils jouent leur rôle de disciples : en échange de l’enseignement qu’ils reçoivent, ils ont à cœur de préserver la tranquillité de leur maître. Ils ont pensé bien faire !

Pourtant, il faut modérer cet arrière-plan culturel : il est vrai qu’à l’époque, les petits enfants sont considérés comme des personnes de peu d’importance, mais en même temps, on voit bien dans l’Ancien Testament qu’avoir des enfants est considéré comme une bénédiction. De plus, passé le cap fatidique des 6-7 ans, on accorde une grande importance à l’éducation religieuse des enfants, surtout des garçons, mais pas seulement : dans la mesure où les femmes ont en charge le respect des règles alimentaires, l’organisation de la piété familiale et l’éducation des garçons jusqu’à 7 ans, les petites filles doivent donc apprendre les rudiments de l’éducation religieuse qu’elles donneront à leurs fils, toutes les règles de pureté alimentaire et d’organisation de la piété familiale.

–    Qui amène les enfants ? Pourquoi ?
Le texte ne le précise pas, mais il y a tout lieu de penser qu’il s’agit des femmes, mères, sœurs ou servantes.
D’après Luc et Marc, elles amènent les enfants à Jésus pour qu’il les « touche ». Matthieu choisit le terme plus religieux d’ « imposer les mains en priant pour eux».
Le terme de « toucher » laisse supposer que les femmes pensent que Jésus a une sorte de pouvoir magique : s’il touche les enfants, ils recevront une force qui les protégera. La démarche des femmes est donc proche de la superstition, mais en même temps, elles ont dû percevoir que Jésus n’est pas un maître comme les autres : dans le contexte de l’époque, elles savaient qu’un maître ne s’intéresserait pas à des petits enfants et les renverrait, elles sont venues quand même !

–    Jésus et les enfants :
Jésus les accueille comme il accueille les exclus de toutes sortes de la société de son temps : les malades, les pauvres, les mal-vus, ceux qui ne correspondent pas au modèle de pureté des pharisiens… Jésus accorde aux tout-petits et à celles qui s’en occupent l’attention qui leur est refusée partout ailleurs à l’époque.
Jésus répond à la demande puisqu’il touche les enfants, mais il la transforme aussi : par la bénédiction, il les place sous la protection de Dieu.

–    Les enfants comme exemple :
Jésus donne les enfants en exemple aux disciples comme en Matthieu 18/1-5 et ses parallèles (Marc 9/33-37 et Luc 9/46-48).
Si Jésus donne les enfants en modèle aux disciples, ce n’est pas parce qu’ils représentent un modèle d’innocence, de pureté ou de perfection morale, mais parce qu’ils n’ont pas de prétention, et se trouvent dans une situation de dépendance.
On peut objecter qu’il y a un point faible dans le fait de prendre les enfants comme modèle, c’est que pour les enfants, il est normal (c’est presque un dû) de tout recevoir de leurs parents alors que Dieu ne nous doit rien et qu’il attend que nous soyons reconnaissants. Disons qu’en objectant ça, on va probablement plus loin que ce que Jésus avait à l’esprit en donnant les enfants comme modèle pour deux raisons :
D’abord, parce que les enfants dont parle Jésus sont probablement de très jeunes enfants (le terme grec le laisse entendre et ils ne sont accompagnés que de leurs mères). A cet âge, les enfants n’ont pas encore le recul nécessaire pour envisager ce qu’ils reçoivent soit comme un don, soit comme un dû, ils répondent simplement à ce qui leur est donné par un amour inconditionnel et fusionnel avec leurs parents. La dépendance leur paraît naturelle et ils ont confusément conscience de ne pas pouvoir vivre sans leurs parents, ils n’envisagent même pas leur vie sans leurs parents.
C’est un peu ce type de relation que Jésus souhaite que nous ayons avec Dieu : savoir que nous lui devons tout et que nous ne sommes rien sans lui, avoir besoin de lui, lui faire toute confiance, l’aimer.

Quelques conseils pour raconter aux enfants :
L’objectif de raconter ce passage aux enfants est qu’ils comprennent que :
–    Dieu nous aime tels que nous sommes, qu’il n’est pas besoin d’être grand ou savant pour être aimé de Dieu (c’est pourquoi Jésus accueille et bénit les enfants) ;
–    Jésus nous demande d’avoir avec Dieu une relation de confiance et d’amour qui ressemble à celle qui nous unit dans notre petite enfance à nos parents. C’est ça être enfant de Dieu : être aimé tel qu’on est par Dieu, l’aimer en retour et vivre selon ce qu’il attend de nous (aimer notre prochain)
Il faut faire attention à ne pas faire passer les disciples pour les « méchants » de l’histoire : ils ont pensé bien faire ! Et puis, ce sont encore des disciples, des élèves : ils ont encore des choses à apprendre de Jésus et ils ont appris puisqu’ils ont raconté (et mis par écrit) cet épisode de la vie de Jésus.

Le texte et sa réception :
Ce texte est souvent utilisé pour justifier l’accueil des enfants au baptême. Les Eglises qui baptisent les enfants fondent leur pratique sur l’accueil et la bénédiction des enfants par Jésus.

Pistes d’animation :
–    Donner quelques explications sur l’enfance et l’enseignement donné aux enfants au temps de Jésus. On trouvera des éléments notamment dans Vie et coutumes du peuple de la Bible, pp. 14-15 et 16-17. On peut notamment aborder : la séparation filles / garçons ; la fixité des rôles et métiers (les filles apprennent à tenir la maison / les garçons apprennent le métier de leur père), l’importance de l’éducation religieuse, l’enseignement réduit au minimum (sauf pour les plus riches).
–    On peut discuter avec les enfants des avantages et des inconvénients d’être enfant aujourd’hui et à l’époque de Jésus, des différences et des points communs entre l’enfance aujourd’hui et à l’époque de Jésus…
–    Réaliser un poster sur le thème « Jésus aime tous les enfants du monde » en collant des enfants différents découpés dans des revues. On peut ajouter des prénoms d’origine et de langues différentes…

Crédit : Point KT