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- Quelle lumière dans notre obscurité ?
| Les premiers qui rendirent visite à l'enfant Jésus étaient des mages. Des mages venus d'Orient. Ces mages, que les évangiles apocryphes et la légende ont promu rois, étaient en réalité des prêtres venus de Perse et des contrées voisines. Ils représentaient l'élite intellectuelle du Moyen Orient ancien, et sans doute aussi la religion de Zoroastre, en vigueur dans ces pays. |
Lectures : Es 60, 1-6 ; Ps 8 ; Mat 2, 1-12
Matthieu l'évangéliste reprend un scénario connu de la littérature de l'époque : un enfant, appelé à devenir un grand roi - en l'occurrence le messie d'Israël, reçoit la visite de notables étrangers qui viennent lui offrir des présents.
C'est l'obscurité qui domine.
Nous avons tous retenu la scène, depuis notre tendre enfance, de ces mages magnifiquement vêtus, guidés par un astre brillant de tous ses feux, et qui viennent s'agenouiller devant l'enfant lui-même baigné de lumière. Les beaux cantiques de Noël résonnent encore à nos oreilles. Tout est beau, lumineux et paisible. Dans les jours qui viennent nous rangerons la crèche avec les enfants, et les petits santons retrouveront leurs boites enveloppés dans les papiers de soie.
Ce qui est resté dans l'imagerie populaire n'est hélas qu'une partie de la réalité. Le message de l'Évangile a été escamoté. La réalité, c'est que le peuple d'Israël était dans l'obscurité. Le récit des mages, pris hors de leur contexte, donnent une fausse idée de la réalité. Il faudrait lire la suite : des innocents sont massacrés par le roi Hérode, ce roi cruel qui ne supporte pas l'existence d'un rival potentiel. Ce qui domine hélas dans le tableau de la naissance et de la petite enfance de Jésus, ce n'est pas la lumière, mais l'obscurité. Une lumière, certes, mais fragile, et que les puissants cherchent à étouffer.
L'évangéliste Matthieu reprend un récit enchanteur et lumineux de la littérature de son époque, pour le placer dans le contexte d'un peuple désenchanté et sombre. Un peuple qui était las de subir coup sur coup les régimes oppressants des Grecs, puis des Romains, et, dans la nostalgie d'un passé lointain, attendaient qu'un messie se lève en leur sein pour restaurer le trône de David. Un peuple figé dans sa spiritualité par un code de lois rabbiniques, que les pharisiens avaient peu à peu transformés en carcan.
Mais voilà que se lève précisément le messie qu'ils attendaient. Quelle réaction ont-ils, ceux qui l'attendaient ?
Curieusement, la nouvelle de sa naissance ne provoque que l'indifférence ou l'hostilité.
Indifférence des juifs de Jérusalem, car personne ne se lèvera pour aller voir l'enfant à Bethléem. Ce n'était pourtant pas bien loin. 10Km au Sud de Jérusalem. Les intellectuels - scribes et pharisiens, font juste l'effort de consulter les Ecritures et retrouver les prophéties anciennes. Mais ils ne bougent pas. Ils restent figés dans leur sagesse. A quoi cela sert-il d'aller voir un enfant ? Il n'y a rien à apprendre d'un enfant de toute manière. On peut apprendre quelque chose des livres, pas d'un enfant.
Indifférence. Hostilité aussi, de la part des autorités : Hérode et son entourage, voient clairement la menace. Comment la dynastie au pouvoir peut-elle accepter qu'une famille inconnue puisse les supplanter ?
Indifférence, Hostilité. Seuls trois étrangers ayant parcouru, non pas 10 Km, mais plus de 500 Km, sont venus voir l'enfant.
C'est donc bien sur fond d'obscurité que la lumière de l'enfant a brillé, c'est dans un ciel sans lune ni étoile que l'astre a brillé.
Comme nous l'avons lu dans Esaïe :
Lève-toi, brille : ta lumière arrive,
La gloire du Seigneur se lève sur toi.
Certes, les ténèbres couvrent la terre
Et une obscurité épaisse recouvre les peuples.
Chaque siècle a son obscurité
Les peuples de l'Orient aussi étaient dans l'obscurité à l'époque de Jésus. La religion de Zoroastre croyait que tout était gouverné par un combat entre les forces du mal et les forces du bien, dans les cieux, sur la terre et jusque dans le cœur de l'homme. Religion dualiste. Mais ils n'étaient pas assurés, semble-t-il que les forces du bien puisse l'emporter sur les forces du mal. La religion des mages était dans une impasse. Peut-être les mages voyaient-ils dans l'astre qui s'est levé, et dans le petit enfant de Bethléem qui est né, l'espoir de sortir de cette impasse ? Je le crois.
Et nous aujourd'hui, n'avons-nous pas l'impression d'être dans une impasse ? Chaque siècle a son obscurité. Notre société dite moderne ne connaît-elle pas une certaine obscurité sur le plan moral ? Par exemple dans le domaine des droits de l'homme ?
Le 20ème siècle avec ses 2 guerres mondiales fut de loin le plus meurtrier de tous les siècles qu'a connu l'histoire. Quel sera le 21ème siècle ? L'esclavage a-t-il vraiment disparu ? Le recours à la torture continue dans certains pays. Les enfants maltraités et les femmes opprimées se comptent par millions. La montée des fanatismes religieux, dans une partie de l'Islam et dans une partie de l'Hindouisme, n'est-il pas pour une part la résultante de notre incapacité, à l'échelle mondiale, de réduire les inégalités entre les pays riches et les pays pauvres ?
Mais arrêtons-là la liste de tout ce qui assombrit notre 21ème siècle. On pourrait aussi, sans aller chercher à l'étranger, regarder ce qui se passe en France chez les jeunes. Car nous détenons le triste record en Europe du nombre de suicides de jeunes. La France aussi a ses obscurités.
Regarder aussi ce qui brille
Mais il faudrait aussi parler de ce qui brille dans l'obscurité. Quelles sont les étoiles qui se lèvent dans le ciel un peu sombre de notre 21ème siècle ? Ce n'est pas facile de répondre à cette question. D'abord, les media ne nous y aident pas ; ce sont les accidents, les conflits et les préparatifs de guerre que le petit écran nous montre en priorité. Mais les étoiles, où sont-elles ? Ce sont les hommes et les femmes qui par leur courage et leur détermination nous donnent l'espérance d'un monde de paix et de respect des droits de chaque être humain. Vous avez sûrement des noms en tête, et j'en ai aussi, des noms connus comme les prix Nobel de la Paix, ou des moins connus. Il y a aussi les nombreux artisans de paix qui oeuvrent en silence, des hommes et des femmes ordinaires dont l'histoire ne retiendra sans doute jamais les noms.
Aller voir l'enfant
Car ce qui brille dans notre obscurité et qu'il faut aller voir, ce n'est pas nécessairement ce dont parle - si peu au demeurant, les media. Certes, les Sœurs Emmanuel, les Nelson Mandela et autres grands témoins de la paix éclairent notre humanité, nous tirent du désespoir, mais il faut aussi aller voir l'inconnu, le petit, le fragile qui est à notre porte.
Prenons exemple sur les mages. Ils n'ont pas été voir un prix Nobel de la Paix. Cela peut surprendre, d'ailleurs. Certes, ils sont d'abord allés au Palais du roi Hérode, mais ils n'y ont pas trouvé ce qu'ils cherchaient. Notons au passage, j'ouvre une parenthèse, que l'étoile qu'ils avaient vue se lever en Orient ne brillait pas au-dessus du palais à Jérusalem. Elle s'est mise à briller, nous dit l'Evangile, lorsqu'ils sont repartis vers Bethléeem.
Ces mages, donc, ont fait tout ce chemin pour aller voir un illustre inconnu, un petit, un fragile. Ils sont allés voir un enfant. Ce qu'ils cherchaient et qu'ils ont trouvé, pour sortir de leur impasse métaphysique, pour éclairer leur obscurité, c'était l'enfant.
Je crois qu'il faut retenir le sens profond, le mystère même, de cette scène des mages qui contemplent et adorent un petit enfant. Peut-être nous aussi, pour éclairer nos vies parfois assombries par le cynisme environnant, avons-nous besoin de contempler le petit enfant.
Je ne dis pas qu'il faut mettre le petit enfant sur un piédestal, ou prendre au pied de la lettre le dicton populaire qui dit que la vérité sort de la bouche des enfants. Non, mais la figure de l'enfant peut nous éclairer, de façon que nous ne soupçonnons pas. Je crois qu'il y a une proximité mystérieuse entre Dieu et les petits enfants. Cette idée, d'ailleurs, est profondément biblique.
Le psalmiste s'écrie : Eternel, notre Seigneur, que ton nom est magnifique sur toute la terre
Ta majesté s'élève au-dessus des cieux
Et il ajoute de façon surprenante :
Par la bouche des enfants et des nourrissons, Tu as fondé ta gloire, à cause de tes adversaires,
Pour imposer silence à l'ennemi et au vindicatif.
Aux yeux de Dieu, le vindicatif et le puissant ne font pas le poids devant le petit enfant.
La gloire de Dieu repose sur le petit, le fragile, le vulnérable.
Il y a une proximité entre Dieu et le petit enfant, pas seulement du petit Jésus, bien sur, mais de n'importe quel petit enfant. Disons plus précisément qu'il y a une proximité entre le Royaume de Dieu et le petit enfant. Jésus lui-même l'a rappelé à plusieurs reprises. Dans Matthieu au chapitre 19 :
Les gens lui amenèrent des enfants, afin qu'il leur impose les mains et prie pour eux. Mais les disciples le rabrouèrent. Alors Jésus dit : "laissez faire les enfants, ne les empêchez pas de venir à moi ; car le Royaume des Cieux est pour ceux qui sont comme eux."
Voilà pour la Bible, et ce n'est pas exhaustif.
Vous connaissez la belle chanson d'Yves Duteil : " prendre un enfant par la main "
(si j'avais du talent, je vous l'aurais chanté) :
Prendre un enfant par la main
Pour l'amener vers demain
Pour lui donner la confiance en son pas
Prendre un enfant pour un roi
Prendre un enfant dans ses bras
Et pour la première fois
Sécher ses larmes en étouffant de joie
Prendre un enfant dans ses bras.
Prendre un enfant par le cœur
Pour soulager ses malheurs
Tout doucement sans parler, sans pudeur,
Prendre un enfant sur son cœur.
Prendre un enfant dans ses bras
Mais pour la première fois,
Verser des larmes en étouffant sa joie
Prendre un enfant contre soi.
Prendre un enfant par la main
Et lui chanter des refrains
Pour qu'il s'endorme à la tombée du jour,
Prendre un enfant par l'amour
Prendre un enfant comme il vient
Et consoler ses chagrins
Vivre sa vie des années, puis soudain,
Prendre un enfant par la main
En regardant tout au bout du chemin,
Prendre un enfant pour le sien.
Je me demande si Yves Duteil, qui avait certainement un cœur d'enfant, en plus d'avoir du talent, ne s'était pas inspiré de l'évangile de Matthieu :
Prendre un enfant pour un roi
Et pour la première fois
Verser des larmes en étouffant sa joie,
La figure de l'enfant
Parlons aussi de la joie. Qu'est-ce que les mages sont allés voir chez l'enfant et qui leur a donné une telle joie ? On pourrait croire que leur joie venait de l'astre qui s'était levé et s'était arrêté comme ils l'avaient prédit. La joie du savant en quelque sorte, qui voit sa théorie confirmée par l'expérience. Je crois qu'il n'y a pas que cela. C'est la joie aussi de se trouver proche de Dieu en voyant le petit enfant, une joie qui vient d'ailleurs, une joie qu'on ne commande pas.
Et je vous demande, qu'est-ce que nous enseigne la vue d'un petit enfant ? Est-ce l'innocence qui nous frappe chez lui ? une innocence que nous aspirons à retrouver, pour échapper, ne serait-ce qu'un instant, au sentiment diffus de culpabilité et de cynisme qui imprègne le monde des adultes ?
N' est-ce pas plutôt la figure de la promesse qui se dresse derrière le petit enfant ? Le champ des possibles est plus grand chez l'enfant que chez l'adulte. Derrière l'enfant de Bethléem se dresse la promesse de sortir du siècle obscur que connaissait les mages dans leur religion bloquée. oui, c'est cela. La promesse aussi de sortir de la situation bloquée que connaissait les Juifs, sur le plan religieux et politique.
Et aujourd'hui, pour nous qui nous disons Chrétiens, la figure de l'enfant, c'est la promesse d'un avenir meilleur avec Dieu, pour notre monde et pour chacun d'entre nous individuellement. Croire en cette promesse, malgré les conflits, les haines et les préparatifs de guerre que nous voyons sur le petit écran, c'est avoir de l'espérance. Espérer contre toute espérance, dirait Saint Paul.
En contemplant un petit enfant, nous pouvons comme les mages ressentir la joie, car c'est l'espérance que nous recevons dans notre cœur.
Il nous est impossible hélas, de voir le monde avec les yeux d'un enfant, car nous avons perdu l'innocence. Mais avec les yeux de la foi, nous pouvons comme lui, voir le monde avec espérance. C'est-à-dire en croyant fermement que Dieu est capable de nous sortir des impasses, qu'il est capable d'allumer une lumière dans nos obscurités, et de nous donner un demain quand l'aujourd'hui est sombre. En reprenant les belles paroles d'Yves Duteil :
Prendre un enfant par la main
Pour l'amener vers demain
- Méditation – Etrangers et voyageurs sur la terre
![]() | Sans exils, sans exodes, sans voyages, sans déplacements et rencontres d’individus, de tribus, de peuples, sans traversées d’eaux dangereuses, sans pleurs et sanglots, sans peur et sans espérance, sans l’infime certitude d’un salut possible… il n’y aurait pas eu de Bible, il n’y aurait pas eu d’Abraham, il n’y aurait pas eu de Joseph, il n’y aurait pas eu d’enfants de Jacob réfugiés en Égypte, il n’y aurait pas eu de Moïse, il n’y aurait pas eu cette histoire d’Israël qui nous a finalement donné Jésus le Christ ! (Méditation extraite du site DEFAP) |
Méditation
Sans exils, sans exodes, sans voyages, sans déplacements et rencontres d’individus, de tribus, de peuples, sans traversées d’eaux dangereuses, sans pleurs et sanglots, sans peur et sans espérance, sans l’infime certitude d’un salut possible… il n’y aurait pas eu de Bible, il n’y aurait pas eu d’Abraham, il n’y aurait pas eu de Joseph, il n’y aurait pas eu d’enfants de Jacob réfugiés en Égypte, il n’y aurait pas eu de Moïse, il n’y aurait pas eu cette histoire d’Israël qui nous a finalement donné Jésus le Christ !
En tant qu’enfants de la Bible nous avons donc un lien spécial, profond, indestructible, avec le migrant, quel qu’il soit ! Nous avons une fraternité souterraine avec les partants, les arrivants, les déplacés ! Fraternité humaine tout simplement, universelle ! Mais au-delà, divine fraternité !
Sans doute ne sommes-nous pas capables de vivre quotidiennement au diapason de cette réalité spirituelle, ni d’endosser les exigences qu’elle comporte. Et si nous pouvons porter nos frères et sœurs dans la prière nous ne pouvons transformer véritablement leur sort immédiat, nous nous montrons si peu aptes à les porter dans leurs difficultés, leurs souffrances !
Mais déjà il nous est demandé de pleurer avec ceux qui pleurent, comme d’être dans la joie avec ceux qui sont dans la joie. Il nous est demandé de conjuguer, même dans le désordre, les gestes de la petite bonté. Il nous est encore demandé, quand nous en avons les talents, d’organiser avec d’autres les grands secours, et de réfléchir avec d’autres pour apporter des réponses à plus long terme.
Mais quoi que nous fassions, n’oublions jamais qu’une foule n’est pas seulement une foule – mais un ensemble de visages, de noms, d’histoires singulières. Et quand l’ l’Histoire les transforme en destins tragiques, il nous incombe de ne pas nous détourner, et, quand la tentation s’exprime, dans notre société, de l’indifférence ou du rejet, il nous faut simplement rappeler que « ces étrangers et errants sur la terre et sur les mers », cela fut peut-être autrefois, cela aurait pu être aujourd’hui, cela pourrait être un jour, nous-mêmes, ou nos enfants, ou les enfants de nos enfants…
Car nous sommes étrangers et voyageurs sur la terre.
Prière
Seigneur, notre Dieu et
notre Père,
Des visages inconnus, d'hommes, de femmes,
De vieux, de jeunes, d'enfants reprennent les chemins de l’exil, de la
déportation et de l’arrachement.
Toi qui as pris le visage de celui qui n’a pas trouvé une pierre
où poser sa tête, Jésus Christ
Nous te confions ces populations
en déshérence, nous avons confiance que
Tu es avec chacun d’eux.
Nous voulons recevoir, réentendre l’exigence de ton appel d’accueil, de
partage et de solidarité.
Crée en nous, au sein de nos communautés, la
capacité de s’émouvoir, le courage de l’indignation et l’humilité de l’action.
Amen
Prière rédigéé à l’occasion de l’assemblée générale de la réunion des Églises francophones.
- Étrangers et voyageurs sur la terre
![]() | « Frères humains, qui après nous vivez, Ces vers de François Villon, nous les portons tous dans notre cœur car ils commencent par une terrible interpellation, qui les place en dehors du temps et de l’événement et nous ramène à une seule condition : « frères humains… ». |
Ceux qui, par centaines de milliers désormais, frappent aux portes de l’Europe sont aussi nos « frères humains » et leur tragédie est la nôtre. Ce petit garçon noyé retrouvé sur une plage, dont la photo bouleversante fait aujourd’hui le tour du monde, nous interpelle et nous choque parce qu’il nous renvoie à notre propre humanité. Il nous dit que, quoique l’on s’en défende parfois, nous sommes les gardiens de nos frères.
Nous devons nous interroger : avons-nous correctement remplis notre rôle ? Ne serions-nous pas devenus indifférents ?
« N’ayez les cœurs contre nous endurcis », nous dit Aylan, ce bambin syrien, à travers le terrible silence de sa mort. Nous devons l’entendre.
Le Défap, à travers une « parole engagée » dont il fera le thème de son prochain forum, s’interroge sur la signification et la qualité de son engagement dans l’Évangile, qu’il concrétise par des actions interculturelles et interreligieuses, mais aussi par sa contribution à la réflexion collective. Aussi, il relaie – voir sur le site du DEFAP – les communiqués de leurs partenaires sur la question des migrants et invitent leurs visiteurs internautes à la méditation.
DEFAP : cliquer ici
Méditation/Prière : cliquer ici
- Les chandeliers dans le judaïsme
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| Jadis utilisés comme moyens pour s'éclairer, les chandeliers ont aussi, dans certaines religions, acquis une valeur symbolique. |
Ainsi, dans le Judaïsme, le chandelier à sept branches, ou Menorah (מְּנוֹרָה), est associé au culte dès l'Exode :
"Puis tu feras un chandelier en or pur. Le chandelier sera forgé (…) et six branches sortiront de ses côtés…" Exode 25 (voir aussi Zacharie 4).
Le chandelier principal et six branches, trois de chaque côté, nous sommes en présence de la Menorah, probablement une représentation de l'arbre du monde empruntée au modèle babylonien, dont les sept branches représentaient les sept planètes connues.
| La Menorah, précédemment placée dans l'Arche de l'Alliance a ensuite fait partie du mobilier du Temple de Jérusalem, où elle fut prise par les conquérants romains (Confer : Le relief de l'Arc de Titus sur le Forum à Rome). |
Une tradition rapporte qu'au temps des Maccabées (מכבים), la Menorah a brûlé pendant les huit jours consécutifs de la sanctification du second Temple, alors qu'elle n'était alimentée que par une seule portion d'huile (voir infra).
De là est né le chandelier de Hanoukka (החנוכה), à huit bougies identiques, la branche centrale portant une bougie particulière nommée "schammasch", qui signifie "serviteur de la lumière". C'est cette bougie qui sert à allumer les autres.
Ce chandelier est l'emblème de la fête solsticiale des lumières et commémore donc un événement historique "miraculeux", mais non biblique. En 166 avant notre ère, Judas Maccabée prit la tête de la révolte contre Antiochus Epiphane qui avait profané le Temple en y instituant des cultes païens d'origine hellénistique.
Judas Maccabée rétablit le culte dans le sanctuaire et, selon la relation mythique, le chandelier resta allumé huit jours grâce à une réserve d'un seul jour. La racine "h' / n / kh" signifie inaugurer, éduquer…
Dès lors, il apparaît que ce chandelier particulier révèle un double message : d'une part commémorer la victoire de Judas Maccabée et, d'autre part, inaugurer une nouvelle période où la lumière ira en s'amplifiant, après les nuits les plus longues de l'hiver.
| Le symbole huit s'explique à partir des chiffres 7 et 1. Avec la Menorah et le sept, un cycle est terminé ("six jours" de la création + jour du repos = semaine accomplie). Le chandelier de Hanoukka inaugure une ère nouvelle d'ouverture. La lumière de la Menorah éclaire l'intérieur du Temple, la Hanoukka est "aux fenêtres" et disperse sa lumière |
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Le texte :
"Après trois ans de luttes, le 25e jour du mois de Kislev de la 148e année (…) ils firent la dédicace de l'autel pendant 8 jours, et ils offrirent des holocaustes avec joie, et un sacrifice d'action de grâce et de louange (…) Alors Juda, avec ses frères et toute l'assemblée d'Israël, ordonna que le jour de la dédicace de l'autel serait célébré en son temps, d'année en année, pendant 8 jours, à partir du 25e jour du mois de Kislev, avec joie et allégresse". 1 Maccabées 4, 52 à 59
Ce texte n'appartient pas à la Bible juive (ni à la "Protestante") mais bien à la Bible catholique ("traduction des Septante").
< Lire la suite Les chandeliers dans le judaïsme
- L’étranger ou le risque de la rencontre
![]() | Avant toute considération au sujet de l’étranger, rappelons que celui-ci ne saurait être pensé comme un concept ou un symbole. L’étranger est souvent, avant tout, un exilé aux liens rompus, aux origines brisées, en quête d’une terre habitable. Les discussions récentes sur l’immigration et les réactions de certaines Églises, reposent la question de notre rapport à l’étranger, abordée ici dans une perspective théologique et spirituelle. |
Ces situations douloureuses appellent d’elles-mêmes une solidarité que de nombreux textes bibliques soutiennent, même si la rencontre ne peut se faire sans heurts…
Cet autre, dont la figure de l’étranger est emblématique, est ce qui ne se laisse pas réduire au déjà connu, à ce que je suis, à ce que je comprends… L’autre est fondamentalement ce qui échappe aux jeux des ressemblances et des équivalences ; en lui réside toujours un inatteignable, de l’incompréhensible qui échappe à toute anticipation et à toute emprise. Comme le disait le philosophe Lévinas, dans son Totalité et infini : « L’autre, qui m’est autre, ne se résorbe pas dans mon identité de pensant et de possédant… ». La relation à cet autre se devrait alors de préserver son incognito. Si le dialogue a pour vertu de promouvoir des mondes communs, il lui revient aussi de laisser poindre les différences, voire les différends qui l’animent, et de se laisser ainsi rythmer par un double mouvement de rapprochement et d’éloignement.
Ce rythme recoupe l’ambiguïté qui caractérise notre rapport à autrui. Si l’étranger est celui qui stimule, éveille et enrichit, il est aussi celui qui dérange, désordonne et met en question. En affirmant que nul n’est prophète en son pays, la Bible implique logiquement que c’est toujours de l’étranger qu’arrive le prophète ; telle une manière de soutenir que seule une parole différente peut réellement nous enrichir. L’autre n’est-il pas constitutif de ce que nous sommes, étant tous structurés par nos relations, engendrés et transmis ? Mais cet autre est aussi porteur d’une menace, celle d’être dérangé dans nos conforts et nos certitudes, incompris, rejeté. Bon nombre de récits bibliques sont traversés par cette double attitude à l’égard d’autrui, de défiance et d’invitation, de méfiance et d’approbation. C’est ainsi que les traditions du particularisme de l’alliance ethnicisée, très vives notamment vers la fin de l’exil, s’opposent à celles plus universalistes et bienveillantes de l’alliance inclusive, telle la figure mythique d’Abraham.
C’est peut-être de cette ambiguïté de notre rapport à l’étranger, mi-ange mi-démon, que tient la polarisation stérile entre divinisation et diabolisation dont il est parfois l’objet ; la première forçant l’hospitalité sans s’être assurée des possibilités d’une intégration, la seconde armant nos frontières en prétextant l’épuisement de toutes possibilités d’accueil. Mais s’il convient de résister à l’émergence de communautés fermées sur elles-mêmes et immunisées, s’il convient aussi de penser la clôture des communautés comme ce qui permet de les identifier, de leur donner du relief, de contribuer à les rendre singulières et donc précieuses, aucun statu quo ne peut spirituellement tenir devant la vraie rencontre d’un autre.
Celle-ci déplace en profondeur nos représentations théologiques. Si la prise en compte lucide de cet autre nous invite à rejeter tout autant le Dieu pur de la petite communauté des élus, que le Dieu pour tous et finalement pour personne de nos universalismes faciles et abstraits, l’étranger nous reconduit toujours à la prédication d’un Dieu restauré dans son incognito même, tel ce Dieu « étranger et voyageur sur la terre », des poèmes de Rilke. Car l’autre, l’étranger, n’est-il pas l’attestation formelle de la liberté de Dieu de se révéler ailleurs, autrement, au-delà de ce qui de lui est déjà dit et cru ?
Et c’est ainsi que cet équilibre entre accueil et défiance, bascule au final vers le risque de la rencontre. Un risque lucide, serein, mais bien conscient que l’étranger porte en lui-même la promesse d’un supplément d’être possible, d’un autrement vivifiant et éminemment créatif. C’est la raison pour laquelle l’exclusivisme de certains textes bibliques se laisse aisément emporter par le souffle de bienveillance qui anime les écritures bibliques à l’égard de cet étranger, celui qu’est l’autre comme celui que nous sommes. Car accueillir l’autre, c’est aussi s’aimer soi-même.
Évangile & Liberté - juin 2006
< Lire la suite L’étranger ou le risque de la rencontre
- Comment transmettre l’insaisissable ?
Souvent nos réunions de comité de rédaction ont lieu dans les locaux du DEFAP au boulevard Arago à Paris. Il y a là un tableau qui attire toujours davantage mon attention. Le voilà :

Curieux, n’est-ce pas ? Ce geste de recevoir, de donner, de protéger quelque chose... que l’on ne peut pas voir et visiblement que l'on ne peut pas toucher non plus, mais cette chose est là, entre ces trois mains, deux mains ouvertes et tendues, une main qui protège ou offre.Je compare ce tableau volontiers à tout travail de catéchèse dans nos Églises. En effet, nous cherchons à faire découvrir et à passer quelque chose qu’en vérité nous ne pouvons pas saisir nous même :
-
Comment parler de Dieu, invisible, existence qui dépasse toute notre imagination ?
-
Comment faire entendre une bonne nouvelle, dite il y a longtemps, valable encore aujourd’hui, mais que seul l’individu peut recevoir et actualiser dans le secret de son cœur ?
-
Comment trouver des gestes, des paroles, des actions… pour s’approcher de ce qui nous échappe et pour lequel on ne trouve pas de mots ? Tels l’amour, le pardon, la grâce ….
Dans L’expérience de la Pentecôte, nous sommes encouragés par ce miracle de l’Esprit ! Celui qui a poussé les disciples à sortir malgré toutes les difficultés et à parler malgré tous les obstacles. Cet Esprit qui a touché les gens des alentours, et qui leur a permis de comprendre, devient aussi un encouragement pour la catéchèse. C’est un Souffle de Bonne Nouvelle qui nous dit : toutes vos actions, tous vos bricolages, vos contes bibliques, vos prières, vos animations aident à faire briller parmi nous, Celui qui nous échappe, certes, mais qui se sert de nous pour nous toucher et pour toucher les autres autour de nous ! Le vent souffle, oui ! Et s’il souffle à travers vos idées,vous aussi donner de son élan , de sa force, de sa vitalité et laisser une trace aussi sur ce site.
Nous vous conseillons vivement d'explorer le site "PointKT". Sur le thème de Pentecôte vous trouverez :
- Plusieurs prédications pour le culte de confirmation
- Mon Dieu tu me connais : cliquer ici
- Culte confirmation 2010 : cliquer ici
- Culte confirmation 2011 : cliquer ici
- Culte confirmation 2012 : cliquer ici
- Des animations pour l'éveil des tout petits et l'enfance
- Des messages à souffler : cliquer ici
- Pour une rencontre autour du tableau d'Emil Nolde : cliquer ici
- Le souffle créateur : cliquer ici
- Des prières
- Accompagne-nous de ton Esprit : cliquer ici
- Les mots vivifiants de l'Évangile, le souffle de l'Esprit : cliquer ici
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- Les saveurs du sacré – Gourmandise juive
![]() | Le Juif inscrit, dans sa nourriture, son histoire, ses joies, ses peines, ses croyances, sa mythologie. Dieu est littéralement « ingéré » avec l'acte de manger. On ne peut pas dire que la gourmandise n'existe pas dans le judaïsme ou dans la culture juive : bien au contraire ! Elle existe, et elle est même toujours liée à des croyances et à des pratiques religieuses. L'alimentation en général, et la gourmandise en particulier, y expriment une certaine conception du divin et du monde, une certaine idée de Dieu. Je ne pense pas d'ailleurs que ce soit une particularité juive. Nous ne sommes pas les seuls à lier notre mode de nourriture à notre représentation religieuse de l'univers. |
» Dans la tradition juive, l'alimentation est un reflet de la conception du vivant tel que définie dans la Bible, notamment dans le Lévitique. Le vivant est lié à la notion de sang: un animal est un être vivant, un végétal, du moins selon la définition biblique, ne l'e st pas. Pour pouvoir manger un produit carné, vous devez d'abord le vider de son sang ; vous devez donc passer par une relation avec le divin, qui est seul à avoir autorité sur le vivant : c'est Dieu qui crée et qui sup prime la vie. Manger n'est donc pas un acte anodin.
» Bien manger, ou manger de bonnes choses, non plus : tant la gourmandise que la pénitence -l'une n'allant pas sans l'autre - sont liées au divin . Et elles sont aussi liées entre elles : on peu t dire que c'est autour de ce couple que s'est développé l'ensemble du système alimentaire juif. Ce système est lui-même réglementé par le calendrier rituel : autrement dit, le Juif inscrit, dans sa nourriture, son histoire , ses joies, ses peines, ses croyances, sa mythologie. Dieu est littéralement ingéré avec l'acte de manger ! C'est en ce sens que la gourmandise est un acte religieux. Exactement au même titre que la pénitence, c'est-à-dire le jeûne.
» La Pâque juive me semble être un exemple particulièrement parlant. Aussi bien dans les sept jours qui précèdent la fête, que le jour de la fête, on lit le mythe (la Haggadah, ou la sortie d'Égypte). on récite le mythe, et l'on absorbe les aliments qui symbolisent les notions divines et religieuses inscrites dans ce mythe.
» Dans un premier temps, dans la semaine qui précède la fête proprement dite, les Juifs s'abstiennent de manger du pain levé, en souvenir de leurs ancêtres qui, dans leur fuite, n'avaient pas eu le temps de laisser lever leur pâte : ils se contentent alors de pain azyme. En Afrique du Nord, il s'agit de galettes dures, sèches ; les troubles digestifs qu'elles engendrent chez certains me paraissent être une intériorisation de la souffrance vécue par les Hébreux dans le désert. Aux États-Unis, l'industrie alimentaire, très inventive, a produit toute une série de dérivés azymes, souvent délicieux.

La pâtisserie Finkelsztajn, rue des Rosiers, à Paris
» Vient enfin le jour de la fête qui rompt le jeûne. C'est l'explosion ! Un banquet de produits levés, de miel, de douceurs, de pâtisseries parfumées à la cannelle ou à l'eau de fleurs d'oranger, c'est la réjouissance, la fête de la libération. Le rituel est joyeux ; l'alimentation doit faire plaisir. Comment ce repas ne serait-il pas bon quand il célèbre un moment heureux ? Comment ne serait-il pas dégusté alors que l'on se réjouit de la libération de nos ancêtres ? Là, la gourmandise est instituée culte, la nourriture, la bonne nourriture revêt un statut métacorporel, sinon métaphysique. Mais, de même que les Hébreux ont souffert pour gagner leur liberté, vous ne pourrez apprécier la jouissance de cette table si vous n'avez souffert avant. Le jeûne précède le festin, le festin ne peut être pleinement apprécié sans le jeûne qui le précède.
» Et on se réjouit de même à l'occasion des autres fêtes religieuses. Pour Pourim, les Juifs de toutes les communautés ont établi l'obligation de célébrer dans la démesure le salut de leurs ancêtres délivrés de la captivité des Perses. On se réjouit jusqu'à en perdre la tête. Après une journée d'abstinence, et après la lecture du Livre d'Esther, on déguste les mets les plus délicieux, on boit jusqu'à l'enivrement. Et que dire du rite du Grand Pardon, qui se traduit par l'abattage d'autant de poulets qu'il y a de membres dans la famille, chaque poulet étant ensuite rôti, farci, mijoté, accommodé de mille manières ? Pour chaque fête, la gourmandise, liée à l'histoire du judaïsme, est érigée en outil de mémoire.
» À l'époque moderne, les Juifs ne sont pas près d'oublier l'expérience de la Shoah qui a exterminé le tiers de leur peuple. Un Jour du Souvenir a été institué pour commémorer cet événement douloureux. Il est très vite suivi d'un autre Jour, heureux celui-là, qui célèbre la création de l'État d'Israël. Et l'on retrouve tout naturellement ce cycle éternel qui s' instaure : la douleur et la pénitence, puis la joie et le festin. Même les Juifs qui, après la Shoah, ont cessé de croire en ce Dieu absent et ont abandonné leur religion, même ceux-là ont conservé ce lien si spécifique à la table. La table où l'on sert la cuisine « du pays », la table où l'on raconte les souvenirs, la table à travers laquelle passe la mémoire d'un peuple.
» Propos recueillis par Djénane Kareh Tager
Dossier "Saveurs du sacré" - Septembre-Octobre 2004 - Le Monde des Religions
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- Nourriture et repas dans le premier évangile – Partie II
![]() | PARTIE II - LES RÉCITS DES « REPAS» DE JÉSUS (Mt 9,9-19 ; 26,6-13 ; 26,17-29) Trois fois dans le premier Évangile Jésus se trouve « à table » (verbe anakeimai avec Jésus pour sujet : 9,10 ; 26,7 et 20 ; autre emploi du verbe : 22, 10-11, un passage sur lequel nous reviendrons en conclusion) : le repas avec Lévi (Mt 9,9-19), le repas chez Simon le lépreux (Mt 26,6-13) et le dernier repas avec ses disciples (Mt 26,17-29). PARTIE I cliquez ici |
PARTIE 2. LES RÉCITS DES « REPAS» DE JÉSUS (Mt 9,9-19 ; 26,6-13 ; 26,17-29)
Trois fois dans le premier Évangile Jésus se trouve « à table » (verbe anakeimai avec Jésus pour sujet : 9,10 ; 26,7 et 20 ; autre emploi du verbe : 22, 10-11, un passage sur lequel nous reviendrons en conclusion) : le repas avec Lévi (Mt 9,9-19), le repas chez Simon le lépreux (Mt 26,6-13) et le dernier repas avec ses disciples (Mt 26,17-29).
2.1. Le repas avec Lévi (Mt 9 ,9-19)
Sur l'épisode de l'appel et du repas chez Lévi, nous faisons cinq remarques en lien avec notre thème.
(1) Dans cet espace de « la maison» (v. 10), c'est non seulement le repas avec les pécheurs qui se déroule mais aussi la controverse sur le jeûne. Toujours la problématique de la nourriture.
(2) Pour un pharisien de la fin du premier siècle, la scène du repas de Jésus avec les pécheurs est scandaleuse. Ce qui est en jeu c'est l'identité sociale et religieuse. Ceux avec qui l'on mange sont ceux que l'on reconnaît comme appartenant au même univers, au même groupe. La commensalité et ses limites structurent la représentation du monde et permettent un vivre ensemble cohérent : il y a le permis et le défendu, ceux avec qui il n'est pas possible de manger (païens et juifs impies).
(3) Le v. 13 (Jésus n'est pas venu appeler les « justes » mais les « pécheurs ») est une ré-interprétation du messianisme juif. Seuls ceux qui se préparent à sa venue, qui se purifient et obéissent à la Loi, accueillent le Messie. Ici, au contraire, ceux pour qui il n'est pas normalement venu sont les premiers et uniques bénéficiaires de cette venue : les impurs et les pécheurs. Dit autrement : entendre l'appel du Messie/Jésus suppose d'abord une compréhension de soi comme pécheur.
(4) C'est dans ce cadre qu'il faut interpréter la citation d'Osée : en mangeant avec les pécheurs Jésus manifeste la grâce miséricordieuse de Dieu. En partageant la table de communion il montre une autre voie d'accès que la logique de séparation entre le pur et l'impur. Jésus devient ici la personnification de la miséricorde. Les disciples de Jésus sont désormais dans cette logique : il y a toujours une identification par le partage des tables. Mais le critère n'est plus le même : d'un côté la Loi éthique qui assure le maintien dans l'alliance même en l'absence de Temple. De l'autre la christologie au nom de laquelle tous sont appelés, c'est-à-dire tous ceux qui se reconnaissent pécheurs (la « miséricorde » selon Matthieu, laquelle n'est plus une « œuvre de justice » des hommes mais l'appel même de Dieu).
(5) À propos de la controverse sur le jeûne : les disciples n'ont pas à jeûner quand l'époux est là. Le « jeûne » n'est pas une règle qui a son sens en elle-même mais par rapport à la personne du Christ ; il ne se comprend pas comme une marque religieuse identitaire (cf. les trois piliers de la piété que sont le jeûne, l'offrande et la prière), mais se vit dans un rapport existentiel à la personne de l'époux. La pertinence du jeûne est liée à la christologie, c'est-à-dire ordonnée à la personne de Jésus. La pratique du jeûne ne suit plus le calendrier liturgique pharisien, baptiste ou même essénien. Il est ordonné à un nouveau temps, celui inauguré par l'événement pascal . Lorsque les disciples de Jésus jeûnent, ils ne font donc pas la même chose que les pharisiens ou les disciples du Baptiste. Leur pratique de ce rite relève d'un ordre de choses totalement nouveau. En outre, le Sermon sur la Montagne (cf. Mt 6,16-18) a indiqué l'esprit dans lequel doit se vivre le jeûne : cela ne doit pas se voir car ce qui est en jeu relève non pas du signe visible (le marqueur religieux) mais d'une expérience ou l'intime est en « je(u) » (devant le « Père Céleste » qui voit « dans le secret »). Ainsi, le jeûne ne relève plus du rite religieux mais de la vie intime. Il est en quelque sorte métaphorisé : il y a un temps de l'expérience de la présence (jouissance ?) avec l'époux, puis le temps de l'absence où l'on jeûne dans le secret de sa chambre.
Contrepoint: Jean-Baptiste l'ascète et Jésus le glouton (Mt 11, 18-19)
Car Jean est venu : il ne mangeait ni ne buvait, et l'on dit : « Il a un démon ! » Le Fils de l'homme est venu, mangeant et buvant et l'on dit : « C'est un glouton et un buveur, un ami des collecteurs de taxes, des pécheurs ! » Mais la Sagesse a été justifiée par ses œuvres . De Jean-Baptiste le monde ne voit que le démoniaque car son attitude est incompréhensible dès lors qu'elle n'entre pas dans le cadre défini par le religieux officiel. Il est donc « possédé » dès lors qu'il s'oppose au pouvoir religieux en place (même accusation contre Jésus qui encadre celle portant contre Jean-Baptiste, cf. 9,32-34 et 12,22-30). De Jésus, le monde ne voit que ce qui relève du « besoin », de l'immédiateté, de la luxure (il se goinfre avec les pécheurs) sans percevoir ce que signifie son attitude (il communie avec tous ceux qui se savent perdus). On ne retient que l'aspect scandaleux de son geste mais on ne l'interprète pas : on reste dans la fascination idolâtre de l'image. Mais, dans les deux cas, « la Sagesse est justifiée par ses œuvres » qu'on pourrait traduire : on reconnaît l'arbre à ses fruits, c'est-à-dire aux effets de vie ou de mort dans l'existence de ceux qui entendent Jean-Baptiste ou croisent Jésus.
2.2. Le repas à Béthanie (Mt 26,6-13)
L'épisode de l'onction à Béthanie est un récit riche de sens. En fonction du thème qui nous occupe, nous limitons notre lecture à trois remarques.
(1) Dans le geste de la femme les disciples ne discernent ni onction royale ni geste amoureux, mais gaspillage. Leur jugement se situe dans l'ordre de la rentabilité et de la morale : le parfum perd toute signification symbolique pour être ramené à sa simple valeur marchande. Ce que souligne Matthieu c'est que la logique comptable, même utilisée pour les causes justes, passe à côté d'une dimension fondamentale de la vie humaine. À savoir que les gestes ont du sens et que celui-ci n'est pas appréciable à l'aune de la seule valeur marchande qu'il met en jeu, ni même de la morale commune au plus grand nombre.
(2) Jésus interprète le geste comme signifiant (v. 10-13). Dans sa singularité, il est une « belle œuvre », non pas pour un collectif (les pauvres), mais pour un singulier (Jésus). Autrement dit, la loi morale demeure mais ne relève pas du même ordre que celui de la rencontre entre un « je » et un « tu ». La rencontre c'est l'instant où le temps de ce monde est mis entre parenthèses, où les règles de ce monde sont suspendues. Un temps où se joue l'essentiel de ce qui fait l'existence véritable de l'individu. C'est un temps qu'on ne possède pas, qu'on ne maîtrise pas et qu'on ne peut faire advenir selon sa volonté (alors qu'aller vers les pauvres peut se décider à tout moment). C'est un temps qu'on reçoit et à la rencontre duquel il faut savoir aller dans l'instant où il se manifeste à nous, pour lequel aussi il faut tout donner et tout perdre. Dans ce geste excessif, la femme atteste que le temps de la rencontre est venu pour elle, que là se joue l'essentiel de son existence. Voilà pourquoi, aux yeux de Jésus, il prend une signification particulière en lien avec l'essentiel même de sa mission : la Passion. Le geste de la femme reçoit une signification qui le dépasse dans sa singularité historique même. Pour chacune et chacun des auditeurs futurs de l'Évangile, par delà les lieux et les temps, il devient « signifiant ».
(3) Le geste de la femme a lieu pendant le repas. Le repas est donc le lieu privilégié de cette rencontre qui fait non seulement éclater les frontières du pur et de l'impur (cf. Lévi et les pécheurs ; Simon le lépreux) mais qui hiérarchise les valeurs : l'éthique est seconde par rapport à l'instant de la rencontre où se joue l'identité des sujets. Le repas est un temps privilégié car il suspend l'ordre de ce monde pour ouvrir au temps de la rencontre.
2.3. Le dernier repas de Jésus (Mt 26,]7-29)
Là encore, nous limitons notre lecture de cet épisode clé du récit de la Passion à cinq remarques.
(1) Mt 26, 17-29. C'est « chez un tel » Cv. 18 : pros ton deîna) que les disciples vont préparer le repas de la Pâque. Matthieu s'éloigne du scénario assez complexe de Marc 14,13-14, « un homme portant une cruche d'eau », « propriétaire » de la maison... La concision de la description et la façon indéfinie dont est caractérisée l'hôte fait peut-être sens : n'est-ce pas, potentiellement, chez tout homme (« un tel », i. e., untel ou une telle, chaque lecteur) que Jésus et ses disciples peuvent venir « manger la Pâque » (cf. Ap 3,20) ?
(2) L'annonce de la trahison de Judas et l'institution du « dernier repas » se situent pendant le même repas. Outre que Judas est ainsi pleinement participant au repas pascal, il est notable qu'un lien étroit s'établit (par le truchement du repas de communion) entre trahison et pardon des péchés : celui qui va bientôt « livrer un sang innocent » (Mt 27,4) est, de manière anticipée, bénéficiaire du sang de l'alliance répandu pour le pardon des péchés.
(3) À la question de chacun de ses disciples, « Est-ce moi Seigneur ? », Jésus répond : « Celui qui a mis avec moi la main dans le plat, c'est celui qui me livrera » (v. 23). Or, le narrateur ne précise pas que c'est Judas qui met la main dans le plat. II y a ici un non-dit du texte que le lecteur s'empresse généralement de combler en suivant par exemple l'Évangile de Jean : « Qui est-ce ? Jésus lui répond : c'est celui pour qui je tremperai moi-même le morceau et à qui je le donnerai. Il trempe le morceau, le prend et le donne à Judas, fils de Simon l'Iscariote » (Jn 13,25-26). Ici, le narrateur laisse ce non-dit comme un blanc du récit. En fait, tous les disciples ont forcément mis la main dans le plat avec Jésus puisque c'est ainsi qu'alors on partageait le repas ! Risquons une interprétation de ce « blanc » : pour l'évangéliste, il n'y a pas d'un côté le « traître » et de l'autre les « fidèles ». Il n'y a que des disciples qui ont la capacité de « livrer » leur maître.
(4) Matthieu, à la suite de Marc, met en scène la Pâque de Jésus. Pour l'évangéliste, le repas que Jésus prend avec ses disciples est bien un repas pascal, le repas de la fête juive. Or, en insérant ici le partage du pain et de la coupe, Matthieu montre que la fête effectivement célébrée par Jésus et ses disciples est la fête du Messie, sa Pâque, son « passage » de la mort à la vie et à la libération qu'il offre à ceux gui mangent avec lui. Ce récit préfigure donc le banquet céleste où celui qui est absent aujourd'hui et se donne dans du pain et du vin, comme dans le récit qui en est fait, sera de nouveau présent auprès des siens. Dans cette attente, le langage liturgique permet d'affirmer que l'absent est mystérieusement présent au milieu des siens. Dans le partage des paroles du Maître désormais absent, et le partage du pain et de la coupe, le Christ atteste sa présence particulière au milieu des siens dans l'attente d'une communion nouvelle dans le Règne de Dieu. Il s'agit désormais de vivre la présence de Dieu et de son envoyé au sein même de leur absence, d'avancer à la lumière d'une parole et à la faveur d'un signe, l'une et l'autre caractérisés par la fragilité.
(5) La « section des pains » (14,13-16, 12), en particulier à travers les deux récits de multiplication des pains, anticipe ce qui se joue dans le dernier repas : ouverture universaliste (cf. Mt 14,16-21 et 15,32-38 : les deux multiplications ; 15,21-28 : la femme cananéenne), dépassement de la question du pur et de l'impur (cf. Mt 15,1-20, controverse sur le pur et l'impur), métaphorisation de la nourriture comme enseignement (cf. Mt 16,5-12 : le levain des pharisiens). Le dernier repas explicite, ce qui est au cœur de ce processus, c'est la personne même du Christ qui, dans le même mouvement, se donne comme nourriture en se retirant (en mourant) c'est-à-dire en privant ses disciples de la possibilité de le posséder (Jésus ne « gave » pas ses disciples, il les nourrit ; il ne les « comble » pas, il les met en mouvement vers les autres, cf. Mt 28,16-20).
CONCLUSION : ÊTRE OU NON PARTICIPANT AU REPAS DU FILS (MT 22,11 -14)
Terminons ce parcours thématique par un rapide regard sur la parabole des invités à la noce (22,1-14). Elle met en scène un roi qui organise des noces pour son « fils » (la portée christologique de l'allusion est évidente). Suite au refus des premiers invités, « méchants et bons » (v. 10) se retrouvent invités à la noce. La précision est essentielle. Elle signifie que, désormais, ce ne sont donc plus la bonté/justice ou la méchanceté/injustice qui constituent le critère d'invitation : tous « bons et méchants » se retrouvent en effet invités (v. 10 : anakeimenôn). Pourtant la parabole se poursuit par la visite du roi qui chasse de la salle de noce celui des convives qui n'avait pas « d'habit de noce » (v. 11-14, cf. v. 11). Il est cependant significatif que le critère d'exclusion explicitement mentionné ne soit plus la méchanceté ou l'injustice (et, en retour, le critère d'inclusion, la bonté ou la justice) mais bien le vêtement de noce. Sans rentrer dans le débat sur 1'histoire de l'interprétation de l'image, nous proposons ici de le comprendre sous un angle anthropologique : il est reproché à l'homme de ne pas admettre qu'il a besoin d'être « revêtu » d'un autre vêtement que les siens propres, autrement dit, de ne pas se reconnaître dépendant d'une instance qui le revendique. Son silence atteste qu'il est replié sur lui-même, incapable d'entrer en dialogue avec l'autre qui est venu à sa rencontre. En fait cet invité ne participe pas au repas de noce du « fils ». Il n'est pas dans le « désir » de l'époux mais dans le simple « besoin » de nourriture. Or, Matthieu ne cesse de dire que le repas avec Jésus est l'opportunité pour qu'advienne autre chose dans l'existence des convives. Mais que ce repas ne peut être lieu de communion que s'il est lieu de la rencontre avec l'autre, lieu de l'expérience de l'altérité.
Élian CUVILLIER
Institut protestant de théologie de Montpellier
Directeur des études des cycles Licence et Master - Nouveau Testament IPT - Montpellier
Article paru dans la revue ÉTUDES THÉOLOGIQUES ET RELIGIEUSES 82e année - 2007/2 - P. 193 à 206
Publié ici avec autorisation
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- Laïcité, caricatures, blasphème…
| Les attentats récents perpétués par des fanatiques se réclamant de l’islamisme radical - et pourtant français et ayant grandi sur le sol français – ont fait ressurgir les anciens débats autour de la laïcité en France. Si tout le monde est d’accord pour dire que la France est un État laïc et doit le rester, les divergences sont profondes dans ce que l’on met sous ce mot laïcité. On peut, pour simplifier, retenir deux conceptions différentes de la laïcité. |
Pour aider les catéchètes à enrichir leur réflexion avec les catéchumènes, l'équipe "PointKT" vous propose une série d'articles que vous trouverez sur le site "Protestantisme et images".
Jérôme COTTIN étant pas mal sollicité sur le thème « Caricatures et religions », a mis 4 (courts) articles en ligne, que vous pouvez consulter sur les pages web ci-dessous. Merci à lui de nous autoriser à créer les liens sur le site.
Voici les liens utiles :
- Réflexion Charlie "dessins" cliquer ici
- Réflexion Charlie "caricature" cliquez ici
- Réflexion Charlie "laïcité" cliquez ici
- La notion de blasphème cliquez ici
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- Chasser l’obscurité par la lumière
Chasser l'obscurité par la lumière

"L'Obscurité ne peut pas chasser l'obscurité,
seule la lumière le peut.
La haine ne peut pas chasser la haine,
seul l'amour le peut."
de Martin Luther King,
extrait du journal Wall Street Journal, 13 novembre 1962
L’aube de Pâques rayonnait pleine d’amour et de grâce,
Pourchassant ainsi tout ce qui menace la vie,
Libérant la vie.
Dans nos cultes et nos animations catéchétiques, nous en rendons témoignage.
Ceci nous donne la force d’aborder les thèmes qui représentent une obscurité dans nos vies,
ceci nous donne l’attention de voir aussi les côtés lumineux de la vie.
L’Equipe de Point KT vous présente avec ceci toute une quantité de nouvelles animations utiles pour le temps de Carême et de Pâques, ainsi que l’accès à tout un stock d’animations expérimentées. Vous trouverez par exemple, un cheminement pour la semaine sainte, vous marcherez vers l'auberge du village et ferez un bout de route avec Jésus et les compagnons d'Emmaüs. Avec les enfants, vous pourrez réaliser un mobile pour la semaine sainte et recevoir la leçon de Pâques par un enfant pas comme les autres. Vous choisirez un joli culte "4 pattes" pour les plus petits et, en direct de Jérusalem, vous découvrirez les Rameaux vus du XXIe siècle et même la recette d'un gâteau portugais pour Pâques....
N’hésitez pas à partager avec nous les vôtres !
Au nom de la rédaction, Christina Weinhold,
Pasteure de l’Eglise Protestante Unie de France
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