Point KT

Conte de Noël : Et si une fois…

image_pdfimage_print
En ce temps de l’année 2078, la terre s’était rafraîchie curieusement. Et avec la terre, l’air évidemment. Pourtant, en apparence, tout était semblable à avant, au bon vieux temps, au temps où on allait s’asseoir sur le banc (public), ayant bien mérité, après toutes ces années, de respirer un bon coup de gaz d’échappement…
Tout était semblable, mais c’était en apparence. Il y avait ce froid qui envahissait la terre. Et à y voir de plus près, on comprenait pourquoi : c’est que la terre s’était mise à la température du cœur des hommes ; à la température de l’espérance des hommes : quelque chose aux environs de zéro. Et tout, peu à peu, s’alignait sur ce zéro qui devenait une référence…
Joie : zéro. Enthousiasme : zéro. Partage : zéro. On se demandait si on n’allait pas bientôt vivre à deux dimensions ! On ne riait plus, on ne faisait plus la fête ni ne partageait l’amour. On ne faisait plus que des affaires. Le prix du gramme d’amitié allait chercher dans les 10 millions et on se demandait si quelqu’un, une fois, pourrait se l’offrir…
Et voilà qu’en ce temps-là, un jour-nuit (parce que depuis quelque temps les jours et les nuits se ressemblaient étrangement) montent dans un trolley un monsieur sérieux, sans âge, le front dégarni, le teint fripé mais l’habit net, le regard surchargé des cours de toutes les matières premières et autres valeurs, et, juste derrière lui, une fillette qui, curieusement, contrastait avec tous les autres : elle n’était pas (encore) passée dans le moule, elle était encore habitée de l’enfant ; elle n’allait pas encore à l’école, elle donnait l’impression de pouvoir encore s’émerveiller ; elle devait être a-normale vraiment.
Devant le monsieur gris-terne en train d’attacher précautionneusement sa ceinture « tout-risques » – il faut bien vivre ! – la petite étincelle se tint debout :
– Dis pourquoi tu es triste ?
– Je ne suis pas triste, je suis sérieux…
– Dis, fais-moi un sourire !
Surpris, l’homme essaya de tirer un des coins de sa bouche comme il avait vu faire son grand-père sur une vieille photo. Mais c’est une grimace qui apparut, rendant son visage difforme. Il avait voulu sourire… mais il ne savait plus.
– Il faut pas te forcer comme ça !
Et la petite, saisissant l’homme par le cou, lui colla deux baisers sur la joue. Et tout à coup il fit très chaud dans le bus en même temps que l’homme souriait. Tout à coup on se sentait tous du voyage. Quelque chose avait passé… et c’était différent. La petite n’était plus là. Un rêve ? Peut-être…
On était fin décembre.
Crédit : Nicolas Künzler – Point KT – photo Pixabay