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Faire briller une grosse étoile

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illustrations_Claude_noel3 copieL’histoire que je vais vous raconter s’est passée au paradis, peu de temps avant l’année nouvelle, il y a de cela 2000 ans, un lundi pour être tout à fait exact. Narration de Bruno Moulinier (Faire brille une grosse étoile, publication de la Fondation John Bost, n°306, décembre 2001, pages 5-7)

Je dois vous dire qu’au paradis, le lundi est, de toute éternité, le jour de la grande assemblée. Dieu y réunit ses anges afin de suivre l’évolution de son grand projet et planifier les travaux de la semaine.

Ce lundi, la grande fébrilité qui régnait parmi les anges laissait à penser qu’un événement extraordinaire se préparait. Tous étaient présents : archanges, anges, angelots, chérubins et même quelques séraphins qui, pour l’occasion, n’assuraient plus qu’un service de garde minimum auprès de l’arche de l’alliance.

Ils s’assirent tous dans un froissement de plumes. Lorsque le silence fut, Dieu prit la parole :

— « Bonjour, mes anges, j’ai aujourd’hui deux points à voir avec vous :
• Premier point, qui est pour moi la source d’une grande joie : dans quelques jours, le temps sera venu d’aller annoncer aux bergers dans les campagnes la naissance de mon fils bien-aimé. J’ai préparé un texte à cet effet que je vous demande de bien vouloir distribuer, un par nuage, et que vous communiquerez aux habitants de la Terre. Je vous le lis :
« Ne craignez point, car je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera pour tout le peuple le sujet d’une grande joie : c’est qu’aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur.
Et voici à quel signe vous le reconnaîtrez : vous trouverez un enfant emmailloté et couché dans une crèche.
Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ».
Quelqu’un a-t-il des commentaires à faire ?… Des questions à poser ?…

 • Bien… alors passons au point suivant qui, lui, m’est source de soucis : il vous faut rapidement trouver un moyen pour indiquer à qui veut s’y rendre la direction de Bethléem et, tant que vous y êtes, qui soit aussi le symbole de la paix en Christ qui doit naître parmi les hommes. Voilà, je vous retrouve dans un quart d’heure. Vous pouvez travailler en petits groupes si vous le désirez. Je compte sur vous ».

Et Dieu se tut. L’agitation reprit de plus belle dans l’assemblée des anges :

— « Un fils… une idée… un signe, un symbole… mais lequel ? ».

Raphaël s’approcha de son collègue Gabriel qui réfléchissait au bord d’un nuage, la tête entre les mains, et lui dit en bougonnant :

— « Les humains nous donnent beaucoup de soucis, ces derniers temps. Gabriel, te souviens-tu du bon vieux temps du jardin d’Eden, lorsqu’ils vivaient encore en harmonie avec Dieu et l’Univers ? Quelle paix ! Nous avions tout notre temps pour chanter Ses louanges. Mais c’était trop beau pour que ça dure et il a fallu cette histoire navrante de la pomme pour que tout se gâte. Depuis, nous sommes sans cesse mis à contribution pour régler leurs problèmes et je commence à me lasser. Mais enfin, Gabriel, pourquoi les a-t-il laissé manger le fruit de l’arbre de la connaissance ? Pourquoi n’a-t-il pas arrêté leur bras, comme il le fit plus tard pour celui d’Abraham ? Tu souris. Tu penses qu’il voulait que cela arrive ? Qu’il voulait que les humains soient libres de leur choix ? Dis, Gabriel, tu as vu le résultat ? Depuis qu’ils n’en font qu’à leur tête, ce sont leurs désirs qui les gouvernent et je n’ai plus de temps pour chanter. Pourquoi, pourquoi leur a-t-il donné cette liberté ? ».

Gabriel souriait toujours.

— « Allons, Raphaël, dit-il, ne sois pas pessimiste et surtout pas d’impatience. Nombreux sont les hommes qui cherchent à connaître leur âme. Comprends bien, Raphaël : il leur a donné cet espace de liberté afin que ce soit l’homme lui-même qui invite Dieu. Sans invitation, il ne peut pas entrer dans leurs cœurs. Dieu veut un interlocuteur libre. J’ai lu dans le grand projet qu’il va leur envoyer son fils unique pour les guider sur le chemin de l’Amour. Ceux qui lui ouvriront leur cœur connaîtront la paix de l’âme, au-delà de l’orgueil et de l’égoïsme, ainsi que la joie d’un amour qui donne en même temps qu’il reçoit. Beaucoup attendent sa venue. Il faut les informer de la bonne nouvelle… et leur indiquer l’endroit ».

Gabriel s’adressa à Michel qui tournait en rond non loin de là :

— «As-tu une idée, Michel ? ».

Michel s’arrêta de tourner.

— « Et si on allumait un feu, dit-il, un feu assez grand pour que tous les bergers puissent le voir ? ».

— « Ce serait, certes, suffisant pour les bergers, reprit Gabriel, mais as-tu pensé à ceux qui viennent de plus loin ? On attend des rois qui viennent d’Orient. Il leur faut un signe très visible, un peu comme un phare, mais beaucoup plus haut ».

— « Un phare dans le ciel ? », s’amusa Raphaël.

— « Mais oui, s’écria Gabriel, tu as raison, un phare dans le ciel : une étoile !… Le voilà Son signe ».

Le quart d’heure s’étant écoulé, les anges se rassirent et, lorsque le silence fut, Dieu reprit la parole :

— « Alors, mes anges, avez-vous une idée à me proposer ? ».

Gabriel se leva et, au nom de toute l’assemblée, répondit qu’une étoile semblait être le meilleur moyen d’indiquer aux hommes le chemin de Bethléem.

— « Une étoile !, s’exclama Dieu, holà, tout doux, mes anges, comme vous y allez ! Croyez-vous qu’une étoile se fasse comme ça, par l’opération du Saint-Esprit ? Voyez-vous, allumer une étoile est relativement simple, mais il me faut quelque chose à y faire brûler et en grande quantité. Si vous m’en aviez parlé le quatrième jour de la création, j’aurais pu vous faire ça, mais là, aujourd’hui, je n’ai pas les moyens. Il vous reste un quart d’heure ».

Et Dieu se tut. L’agitation atteint son comble parmi les anges. Raphaël rejoignit Gabriel qui était déjà au bord de son nuage.

— « Tu vois, Gabriel, ça continue : on lui donne trois plumes, il veut toute l’aile et tout le monde dit Amen. Que pourrait-on faire brûler dans cette étoile ? Toutes les forêts du monde n’y suffiraient pas. Cette fois-ci, je pense que nous sommes coincés ».

Gabriel, qui regardait les humains, se remit à sourire.

— « Regarde-les, ils sont tous différents et il est bon qu’il en soit ainsi, car, sans ces différences, il ne pourrait y avoir d’harmonie. Ils sont comme les morceaux d’une coupe brisée : tous différents et tous indispensables. C’est l’amour qui les réunira et reconstituera la coupe car, as-tu vu que, malgré leurs différences, ils ont tous quelque chose en commun ?
Ne vois-tu pas la même petite lumière qui brille dans leur cœur ? C’est l’espoir ! L’espoir en un monde meilleur, un monde où les relations seraient fraternelles, un monde qui exprimerait, par ses lois et ses institutions, son amour de l’humanité. Un monde de paix. Et, crois-moi, il y a assez d’espoir dans le cœur des hommes pour faire briller une grosse étoile ».

— « C’est l’heure, allons-y. Dieu va être content ».

Dieu le fut et ce qui fut dit fut fait, et… c’est ainsi que, quelques jours plus tard, une étoile nouvelle illumina le ciel de Judée, juste au-dessus de la modeste étable où un enfant venait de naître.

Narration de Bruno Moulinier