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Fête de la Réforme, une narration : Martin Luther

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C’est dimanche, un beau dimanche du mois d’août, plein de soleil. En ce début d’après-midi, les rues de la ville de Wittenberg sont vides : les gens sont encore à table. Certains font peut-être une sieste bien méritée après la dure semaine de travail. Mais qu’est-ce donc que ces rires, ces bruits de voix, il y a même de la musique ? Cela vient d’un jardin, derrière une maison : sous les pommiers, une longue table est dressée, recouverte d’une nappe blanche. La maîtresse de maison a sorti sa plus belle vaisselle et les couverts en argent. Les plats richement garnis, les bouquets de fleurs multicolores, les figures joyeuses des convives en habits de dimanche, tout indique que c’est jour de fête. Que peut-on bien célébrer ici ?
Peu à peu, les rires deviennent moins bruyants et les conversations se font plus rare, les invités ont fait honneur au repas préparé par la cuisinière, la chaleur de cet après-midi d’août fait le reste : la fatigue arrive et certains vont s’allonger dans l’herbe pour un petit bout de sommeil. Les autres se regroupent au bout de la table. Leurs visages sont devenus plus graves.

–    Quelle joie, dit l’un des convives en s’adressant à un homme d’une trentaine d’années, quelle joie de pouvoir fêter ensemble le baptême de ton fils !
–    Oui, merci à vous tous d’être venus célébrer avec nous ce jour si important dans la vie de notre petit garçon.
–    Je suis si heureuse, dit à son tour la maman du petit enfant, heureuse à l’idée que nos enfants vont pouvoir grandir sans avoir peur d’un Dieu qui les juge et les punit.

Entendant que l’on parle d’eux, les enfants arrêtent leurs courses à travers le jardin et viennent s’asseoir à côté de leurs parents.
–    Pourquoi vous parlez de Dieu qui punit ? dit l’un d’eux. Ce matin au culte, le pasteur a dit que Dieu nous aimait tous, tels que nous sommes et que son amour ne s’arrêterait jamais. Alors nous n’avons pas besoin d’avoir peur !
–    De toute façon, ajoute son grand frère, c’est écrit dans la Bible : Dieu nous aime, Il marche vers les hommes et Il a envoyé son fils Jésus sur la terre pour nous parler du Père.
–    Oui, reprend à ce moment là un homme plus âgé, nous croyons tout cela et cela nous aide à vivre, malgré les maladies et la guerre et la mort que nous rencontrons si souvent. Et vous avez de la chance de pouvoir découvrir tout cela dès votre enfance. Votre petit frère qui a été baptisé ce matin fait lui aussi partie de la grande famille des enfants de Dieu.

Une petite fille grimpe alors sur les genoux de son grand-père et le fixe de ses grands yeux étonnés.
–    Dis-moi, grand-père, quand tu étais jeune et quand papa et maman étaient petits, ce n’était pas comme ça ? Dieu n’aimait pas encore les gens qui habitaient sur la terre ?

A cette question, tout le monde se met à rire. Mais très vite, le grand-père redevient sérieux.
– Tu sais, quand tes parents avaient ton âge et plus loin encore, quand moi j’étais un enfant, on nous enseignait surtout ce qu’il fallait faire pour plaire à Dieu. Et on nous disait « Dieu nous regarde, Il contrôle tout ce que nous faisons et Il nous juge. Et parmi nous, beaucoup de serons pas acceptés dans son Royaume. »
Les enfants n’en reviennent pas. Ce Dieu là, ils n’en avaient jamais entendu parler.
–    Plus tard, continue alors le grand-père, on nous a proposé de nous vendre le pardon de Dieu. Contre de l’argent, on pouvait acheter des indulgences. C’étaient comme une avance, que nous faisaient les saints, hommes et femmes meilleurs que nous…
–    Mais alors, s’écrie un garçon, les riches avaient plus de chances que les pauvres ! C’est injuste ça ! Ils n’en pouvaient rien d’être pauvres. Et d’ailleurs, dans la Bible, il est écrit que Dieu aime et accueille surtout les pauvres ! Les parents de Jésus, les bergers de Bethléem et les disciples, ce n’étaient pas des gens riches !
–    Clame-toi, lui réplique son père, je vais essayer de t’expliquer. Autrefois, on n’avait pas la Bible dans chaque famille comme maintenant. Il n’y avait pas de livres imprimés que tous pouvaient acheter. Les livres étaient recopiés à la main et coûtaient très cher. En plus, la Bible n’était pas traduite dans notre langue et les gens du peuple, comme nous, ne savaient que ce qu’on leur racontait. Même les curés ne connaissaient pas bien la Bible…
–    Mais alors, Dieu et Jésus et les apôtres, on n’en parlait pas ? Et toutes les histoires de la Bible, personne ne les lisait, ne les racontait ?
–    Beaucoup moins que maintenant, répond un des adultes, on disait surtout que les saints parlaient à Dieu à la place de ceux qui vivaient sur terre.
–    Mais les saints, ils ne sont pas dans la Bible, fait remarquer un enfant. D’ailleurs, d’où elle vient, la Bible ? Maintenant, dans chaque maison il y en a une et on la lit tous les jours.

Le grand-père reprend la parole, tout le monde l’écoute en silence :
–    Il y a 20 ans environ, un homme est devenu moine, ici, dans notre ville de Wittenberg. Il est entré au couvent parce qu’un jour, pendant un orage, la foudre a failli le tuer. Et il avait tellement peur du jugement de Dieu qu’il a décidé de lui consacrer toute sa vie et de tout faire pour obéir à Dieu. Au monastère, Martin Luther a étudié la Bible et ce qu’il a découvert a bouleversé toute sa vie : Dieu aime les hommes, Il les connaît et les accepte tels qu’ils sont. Aucun être humain ne peut mériter le pardon de Dieu, ni par son intelligence, ni par  sa richesse, même les actions qu’il fera ne suffiront pas à plaire à Dieu. Nous ne voulons pas essayer de Lui plaire pour qu’Il nous accepte, mais parce que Lui nous aime d’abord, alors nous voulons Lui obéir. C’est en lisant l’Évangile que Luther a compris cela. Les histoires qui parlent de Jésus, des disciples, de tous ces gens qui ont rencontré et entendu le Fils de Dieu sont devenues pour lui « Bonne Nouvelle » et maintenant, nous n’avons plus à avoir peur de Dieu.

Après un moment de silence, un des enfants demande :
–    C’est pour cela que nous nous appelons « luthériens », parce que Luther nous a appris cela ?
–    Tu sais, l’important, ce n’est pas Luther. Lui, il a été un instrument que Dieu a utilisé. Ailleurs, d’autres hommes ont fait la même chose. L’essentiel, c’est l’Évangile où nous rencontrons Jésus-Christ ! C’est lui qui transforme notre vie et nous délivre de la peur.
–    Mais grand-père, comment se fait-il que maintenant il y ait tant de Bibles à lire ?
–    Je ne peux pas tout vous raconter, reprend le grand-père, ce serait trop long. Il faut savoir que Luther a protesté contre certaines choses qui se faisaient dans l’Église catholique. Cela a déplu au Pape à Rome et aussi à certains princes du pays. On a voulu obliger Luther à avouer que tout ce qu’il avait dit était faux. Courageusement, Luther a tenu bon : « Si j’ai tort, prouvez-le moi à l’aide de l’Évangile » a-t-il dit. C’est la seule chose qui compte.
–    C’est pour cela que nous sommes des « évangéliques » ? dit l’un des enfants.

–    Oui, et c’est certainement le plus beau nom qu’on nous donne. Mais écoutez la suite. Après ses déclarations, Luther était en danger. Alors le prince de la région l’a fait mettre à l’abri dans un de ses châteaux, la Wartburg. Là, Luther a utilisé son temps à traduire la Bible dans notre langue, pour que nous puissions la comprendre. En même temps, on avait appris à imprimer les livres en grande quantité. Cela coûte beaucoup moins cher que de les recopier un à un ! Et maintenant, chacun d’entre nous peut avoir sa Bible et y découvrir que Dieu est avec lui dans chaque situation de sa vie.

–    Mais je ne sais pas lire ! dit la petite fille blottie sur les genoux de son grand-père, et mon petit frère non plus.
–    Tu ne sais pas encore lire, mais tu sais écouter et regarder. Tu vois quand nous joignons les mains pour prier, tu nous entend chanter. Et tu connais les histoires de la Bible que nous te racontons. Et quand tu auras grandi, tu auras peut-être envie de lire toi-même ce que nous apprend l’Évangile. Et encore plus tard, à ton tour, tu parleras de Dieu à tes enfants ou à d’autres personnes que tu rencontreras. Tu vois, c’est cela obéir et être fidèle à Dieu.

Crédits: Commission Régionale de la Catéchèse Strasbourg – Point KT