« Graines de patience » est une belle narration d’après Luc 13, 19-20 de la plume d’Edmond Stussi. Il a été professeur de pédagogie à l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres d’Alsace et animateur de célébrations d’enfants à Strasbourg. C’est pour eux qu’il a écrit ce récit d’après Luc 13.19-20.
Ce sont les vacances et Léo vient rendre visite à son grand-père à la ferme. Grand-père a toujours un secret à partager avec son petit-fils. Aujourd’hui, il cache un trésor dans sa main : – Regarde, Léo, dit-il. Il ouvre la main, et au creux du pli, -on peut à peine la voir, tellement elle est petite- se cache une toute petite graine. Nous allons la planter, dit grand-père, elle grandira et deviendra un grand arbre. Les oiseaux du ciel viendront un jour y faire leur nid et y jouer à cache-cache !
Léo accompagne grand-père sur la petite colline, tout près de la maison. Là, entre deux rochers, la terre est prête. Grand-père s’agenouille, de sa main il creuse un sillon et y dépose la graine. Léo, délicatement, la recouvre de terre. – Tu l’as vue, dit grand-père. Elle est toute petite, c’est une graine de patience, mais elle va grandir et, un jour, deviendra un grand arbre !
Léo ne veut pas y croire : « Oh là là, grand-père, jamais je ne verrai ton arbre ! »
Les premiers jours de vacances, Léo et grand-père vont régulièrement rendre visite à la petite graine. Ils lui donnent de l’eau à boire. Pour la protéger des animaux des champs et des pieds des enfants, ils l’entourent d’un grillage.
Mais Léo ne peut s’empêcher de dire : « Oh là là, grand-père… Jamais je ne verrai ton grand arbre ! »
Chaque fois qu’il vient en vacances chez grand-père, Léo interroge grand-père : « La petite graine de patience pousse-t-elle ? »
Grand-père l’emmène alors sur la colline. La petite graine pousse, une petite brindille verte d’abord, pas plus haute qu’un doigt, puis d’autres brindilles, deux petites feuilles, puis quatre, puis huit. Avec un mètre, Léo mesure la petite plante, inscrit les chiffres dans un carnet… Petite graine de patience, lentement, lentement a grandi. Mais Léo soupire : « Oh là là, grand-père, jamais je ne verrai ton grand arbre ! »
Un jour grand-père dit à Léo : » Il faut planter un piquet à côté de l’arbre et l’attacher ! »
Léo ne comprend pas. – Mais oui, sinon la tige va pousser de travers et l’arbre ne grandira pas. « Mais, grand-père, dit Léo, jamais je ne verrai ton grand arbre ! »
La nuit suivante, l’orage, le vent et la pluie tombent sur la ferme, les champs et les forêts. Ils arrachent les tuiles du toit de la maison, renversent les épis dans les champs de blé et arrachent de grosses branches aux arbres de la forêt. Dès le matin, grand-père et Léo s’en vont rendre visite au petit arbre. Ils ont peur qu’il lui soit arrivé malheur. Il est toujours là, il n’a pas cassé. « Tu vois », dit grand-père, » il a déjà de bonnes racines, il tiendra ! »
Léo, ce matin, ne dit pas : « Oh là là, grand-père, jamais je ne verrai ton grand arbre ! »
Un jour, grand-père meurt. Léo vient à la ferme.
Tout y est triste et vide. Il monte à la colline. Le piquet qu’il a planté avec grand-père est en train de pourrir. Mais le petit arbre continue de grandir. Il dépasse maintenant le grillage. « Bof », se dit Léo, »jamais il ne sera un grand arbre ! C’était une idée de grand-père ». Et il repart, un peu triste quand il se souvient de tous les jours heureux qu’il a vécus ici. Pendant des années il ne revient plus à la ferme. Il oublie la petite graine et le petit arbre.
Bien plus tard, Léo se marie. Il est grand et fort maintenant. Il rencontre et aime une belle jeune fille : « On va faire une belle fête dans la ferme de grand-père, lui dit-il, et j’inviterai tous nos amis ! »
Il fait beau et le soleil tape dur. Tout le monde se retrouve sous le petit arbre et s’amuse. Léo pense alors à son grand-père et à la petite graine de patience. Elle est devenue un arbre qui donne de l’ombre. Il raconte son histoire à ses amis : » Oh là là, rigolent-ils, jamais tu ne verras le grand arbre de ton grand-père ! »
Depuis ce jour, Léo revient presque chaque année à la ferme. Il y vient à la naissance de ses enfants. Il vient y fêter leurs anniversaires, il y vient pendant les vacances. Cela fait beaucoup de fêtes. Ses enfants grandissent et grandissent. A leur tour, ils se marient et ont des enfants. Pendant ce temps le petit arbre grandit tranquillement, sans être dérangé ni déranger personne et continue de grandir. Léo ne pense plus toujours à l’histoire de grand-père… Jusqu’au jour où…
… Jusqu’au jour où naît le « p’tit Léo ». On l’appelle ainsi parce qu’il ressemble comme deux gouttes d’eau à celui qu’on appelle maintenant le « vieux Léo ». Léo est fou de joie. « Pour le baptême de p’tit Léo, je vous invite tous à la ferme de grand-père ! » lance-t-il. »Toute la famille, tous les amis et les voisins sont là. On dresse la table, une immense table, là-haut sur la colline, sous l’arbre et on se met à partager le meilleur pain, les meilleurs vins et les meilleurs jus de raisins.
Soudain, Léo très vieux aujourd’hui devient songeur. Ses yeux fatigués, regardent autour de lui. Chacun se demande ce qui lui arrive. Son vieux corps, alors, se lève et ses deux bras s’en vont toucher l’arbre, essaient de l’embrasser. Ils n’y arrivent pas. L’arbre est trop grand ! Sa tête s’élève vers sa couronne et le vieux Léo compte les branches… Il n’y arrive pas. Des oiseaux chantent et jouent à cache-cache dans les feuilles. « Oh là là », dit-il enfin, » aujourd’hui, je le vois, le grand arbre de grand-père … ! Graine de patience, je l’ai plantée, elle est devenue un arbre et les oiseaux du ciel viennent faire leur nid dans ses branches ».
Cette histoire a été racontée à peu près comme ça par Jésus. Elle ne parle pas de Léo et de son grand-père, mais Jésus raconte bien l’histoire de la plus petite graine qui à force de patience est devenue un grand arbre. A ceux qui l’écoutaient, il ajoutait : « Le Royaume de Dieu est un peu comme la petite graine. Au début, on ne la voit pas, on n’y croit pas. Mais avec patience elle grandit, elle grandit toujours plus, même si on n’y fait pas attention.
Crédit : Edmond Stussi.. Narration tirée de la collection « Cahiers de la bible contée », n°1. Publiée avec l’aimable autorisation de l’auteur