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La crèche en cavale

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La crèche en cavale

christmas-1430072_1280Un âne, un bœuf, quelques moutons avec leurs bergers, un petit Jésus et ses parents, les rois mages et, pour couronner le tout, un ange ou deux, sans oublier le décor exotique ou alsacien…Une fois la crèche dépoussiérée, je m’installe moi-même devant, reflet d’une vie bien rangée. Même les crèches « vivantes » frappent par leur immobilisme comme si les personnages devaient rester figés dans leur pose hiératique pour l’éternité, sortes de clichés du Noël traditionnel et sécurisant. Comme tout va tellement plus vite, il n’y a guère que la fixité des personnages pour ralentir la course contre la montre. Même le p’tit Jésus reste indéboulonnable de sa mangeoire ! Depuis 2000 ans qu’il est emmailloté, il est quasiment momifié à l’heure qu’il est ! Au moins, il ne dérange personne comme cela et je suis sûr qu’il ne va pas bouger !

Maintenant imaginons un instant que tout cela se mette soudain en mouvement, ou pire, en désordre ? La crèche se révolte, une véritable mutinerie ! La crèche en cavale. Mais que s’est-il donc passé une fois que les projecteurs se sont éteints ?

L’âne fait une fugue avant d’être retrouvé par une patrouille de police. Interrogé par les forces de l’ordre, il déclare adorer faire tomber les barrières et préférer la liberté des enfants de Dieu. Et Dieu sait qu’il peut être têtu…

Le bœuf, après la soirée qu’il a vécue, s’est discrètement éclipsé avec ses gros sabots. Après avoir brouté la paille chaude sur laquelle était allongé le p’tit Jésus, il s’en est allé ruminer dans de verts pâturages. Et l’on sait bien que l’herbe est toujours verte ailleurs…

Joseph, cela fait longtemps qu’il est parti avec son portable à l’oreille, prototype de l’imprésario qui s’occupe déjà de la carrière « people » de fiston. Sans compter qu’il a payé le loyer de l’étable et négocié le prix avec le propriétaire. Joseph, cadre supérieur, par monts et par vaux, ne connaît pas les 35 heures.

Marie est tout simplement crevée… Elle veut rester seule ! Essayez voir d’accoucher vous –sans péridurale- et ensuite avoir l’air fraîche comme une rose. Ce n’est que dans les films qu’on voit ça. N’oubliez pas qu’ont débarqué en force : des anges, des bergers, des mages, sans compter toutes ces bestioles qui puent… Et elle doit saluer tout ce monde, rester polie, sourire béatement, et jouer à la vierge à l’enfant…

Les mages ne se sont guère attardés non plus ! Après tout, ce sont des astrologues qui savent lire les signes du ciel. Ils sont pressés de rentrer en Irak, la situation là-bas ne s’arrange « guère » !

Les bergers sont retournés à leurs moutons, ils ne peuvent vivre qu’au grand air !

Les anges ne travaillent pas uniquement le dimanche ni que le 24 décembre ! Ils sont surbookés en permanence, 24 heures sur 24, et même au-delà. Ils ne sont pas des “planqués” comme le Père Noël qui a tout le reste de l’année pour se reposer. Le drame c’est que souvent les humains ne les remarquent pas. Ils agissent plutôt dans la discrétion.

Remarquez, tous les habitants de la crèche n’ont peut-être pas emboîté le sabot des mutins. Certains ont refusé de faire l’âne ! La crèche buissonnière était tentante, mais quelques moutons ont choisi de rester bien au chaud et sagement parqués auprès de la mangeoire. C’est leur droit de préférer la sécurité à l’inconnu.

Pourtant, la venue de Christ sonne l’heure d’une profonde révolution qui n’épargne aucun domaine de notre existence et qui nous pousse à nous mettre en chemin, à sortir de notre torpeur pour voir plus loin ; au-delà du doux folklore et du retour à l’enfance.

Finalement il n’y a que le petit Jésus qui ne peut pas encore marcher…Et pourtant, regardez bien, car le bois de sa crèche renvoie déjà au bois de la croix. Et de Noël à Pâques, il n’y a qu’un pas…

Crédit : Frédéric Gangloff