Point KT

La planète grise

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Cette histoire s’est déroulée dans un pays lointain, un très beau pays à vrai dire, la nature y était belle et généreuse, il y poussait toutes sortes d’arbres et des fleurs de toutes les couleurs, de beaux légumes et des fruits sucrés. Les gens qui y vivaient étaient tous beaux chacun à leur manière, les uns étaient blonds, les autres bruns, certains étaient blancs, d’autres noirs, d’autres encore, un peu café au lait comme on dit, certains avaient les yeux bleus, d’autres les avaient verts, marrons ou même noirs…Tout était pour le mieux et pourtant, quelque chose n’allait pas ! Les hommes ne cessaient de se disputer parce qu’ils étaient différents et parce qu’ils possédaient des choses différentes :

– les uns n’étaient pas contents parce qu’ils avaient les cheveux noirs alors que ceux de leurs copains étaient blonds.
– Les autres réclamaient parce que leur nez était court et aplati, alors que là-bas, de l’autre côté de la rivière, on les portait longs et fins.
– D’autres étaient furieux parce qu’ils devaient marcher droit, alors que dans le pays voisin les gens marchaient en zig zag.
– D’autres encore étaient furieux parce que dans leur jardin les arbres restaient petits, alors que dans une autre région du pays, les arbres poussaient jusqu’au ciel.
– D’autres encore n’étaient pas contents des délicieuses petites carottes qui poussaient dans leur jardin et enviaient des grosses courgettes qui poussaient dans le jardin de leur voisin.
– D’autres encore rouspétaient parce que dans leur ville on devait se saluer en disant « solamikou » alors que dans la ville voisine pour dire bonjour on disait des « salamikou » sonores….

Pour ces différences et pour beaucoup d’autres encore, les mécontentements des hommes montaient jusqu’aux oreilles de Dieu. Et comme si cela ne suffisait pas, à force d’être mécontents, les hommes étaient jaloux les uns des autres et devenaient si égoïstes qu’ils ne respectaient plus rien, ni Dieu, ni les autres, ni la nature pourtant si généreuse.
Les hommes donc étaient mécontents de toutes leurs différences, mécontents de ce qu’ils avaient et envieux de ce qu’ils n’avaient pas.

Un jour, Dieu en eut assez. Il décida de faire tomber sur eux un profond sommeil et leur fit faire un rêve étonnant : pour une fois, ils seraient contents, car ils auraient tous la même chose. Dieu n’entendrait plus leurs récriminations…

Ainsi, les hommes rêvèrent qu’un beau matin la planète tout entière n’avait plus qu’une seule couleur : tout était gris…
– Leurs mains étaient grises,
– leurs bras étaient gris,
– leurs cheveux étaient gris, et pas gris comme les cheveux des papis et des mamies, non gris comme la cendre grise du charbon.
– Leurs visages, leurs yeux étaient gris.
C’est bien simple, ils étaient gris de la tête aux pieds. Et comme si ça ne suffisait pas : l’herbe était grise, les fruits et les légumes étaient gris et d’ailleurs ils avaient tous le même goût fade.
– Le ciel était gris : pas gris foncé comme avant l’orage ou gris pâle comme lorsque le soleil cherche à percer, non un gris moche et uniforme.
– Le lait qu’ils buvaient était gris,
– l’eau était grise,
– l’eau qui sortait des robinets, l’eau des ruisseaux, l’eau de la mer était grise.

Puis les hommes se mirent à parler et dirent qu’ils avaient peur et qu’ils étaient en colère. Puis ils fanfaronnèrent : « Ce n’est rien, se dirent-ils, ça va passer. »
Ils se rendirent alors compte qu’ils parlaient tous de la même façon sur le même ton. Il n’était plus possible de chuchoter pour se dire un secret ou de parler fort, tout le monde parlait sur le même ton. Les enfants ne pouvaient plus raconter en secret leurs malheurs à l’oreille de leur petit chien car les grandes personnes les entendaient et se moquaient d’eux. Les amoureux ne pouvaient plus dire à l’oreille de leur amoureuse : « Tu es la plus belle du monde », car tout le monde les auraient entendu et aurait bien rigolé.
Même les chiens se mirent à aboyer sur le même ton. Il n’y avait plus les aboiements joyeux des jeunes chiens : (imiter le jappement d’un petit chien)  «ouah ! ouah ! », il n’y avait plus les grosses voix des chiens de garde : (imiter l’aboiement grave d’un gros chien) « ouah, ouah ! ». Non tous les chiens aboyaient de la même manière monotone : « ouah, ouah ! ». On ne les comprenait plus.

D’ailleurs tout était monotone : les gens ne pouvait plus ni rire, ni pleurer. Ils ne pouvaient plus être ni contents, ni fâchés. Ils ne pouvaient plus chanter, on ne pouvait plus jouer ni de la guitare, ni de la flûte. Plus de son, plus de rythme. Tout était pareil et monotone !

Dieu fit durer ce rêve presque toute la nuit, puis il eût pitié d’eux et leur dit  :

« Je vous donne une nouvelle chance de vous en sortir… Ouvrez les yeux : Voyez la beauté du monde que je vous ai donné. Ouvrez votre cœur : goûtez la douceur de mon amour dans chaque bouchée de pain. Ouvrez vos mains : réjouissez-vous de ce que vous avez reçu et partagez ! »

Ce matin-là, en se réveillant, les hommes virent le monde d’une manière toute différente. Ils remarquèrent la beauté du ciel et la chaleur du soleil, les couleurs et les parfums si divers des fleurs, le goût des poires et des pommes, le chant des oiseaux et les aboiements des chiens.

 Et en se regardant dans la glace, les uns furent contents de leurs yeux bleus, les autres de leurs yeux noirs, les autres de leurs yeux marrons, les autres encore de leurs yeux verts… tant et si bien qu’ils furent tous remplis de joie car brusquement tout leur semblait merveilleux et même miraculeux.
Quelques uns se souvinrent alors d’un vieux livre qui disait quelque chose de l’auteur de ce miracle…et dans les mots du vieux livre, ils ont entendu un appel à la reconnaissance et au partage. Ce jour-là fut différent de tous les jours d’avant et de tous les jours d’après, car d’un bout à l’autre du pays on entendait un murmure comme un « je t’aime » chuchoté à l’oreille, un murmure de prières et de chants de louange qui remerciaient Dieu pour son amour et la beauté de sa création.

Associons-nous nous aussi à ce murmure…

Conte publié dans « Toutes ces rencontres« , p.88-89, avec l’aimable autorisation de l’auteur

Cette narration peut être utilisée pour un culte intergénérationnel

Crédit : Point KT