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L’histoire du dragon qui aimait les histoires

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Le conte d’Anne Petit : « L’histoire du dragon qui aimait les histoires » c’est un peu notre histoire… mais jugez par vous-mêmes !

Mes petits enfants aiment beaucoup les histoires de dragons. Vous aussi ? Les dragons sont des créatures qui n’existent pas mais qu’on trouve dans des contes de nombreux pays dans le monde. Parfois, les dragons sont bons, parfois très méchants. Ils sont toujours dangereux pour les humains. Parfois ils enlèvent les princesses, parfois, ils sont porteurs du secret de la vie. Parfois, ils gardent de grands trésors.
Savez-vous qu’il y a un dragon dans la Bible ? Dans le dernier livre, celui qui s’appelle Apocalypse. L’auteur du livre raconte des visions, c’est-à-dire comme des rêves éveillés qui contiennent un message qui vient de Dieu. Le dragon de l’Apocalypse est très méchant, c’est lui qui contient tout le mal du monde et il essaie de prendre la place de Dieu. C’est un des chefs des anges, Michel, et toute son armée qui chassent le dragon du ciel.
On ne peut pas faire plus méchant que ce dragon-là.

Michel est un des chefs des anges. C’est un bon, n’est-ce pas ? Vous connaissez d’autres anges dans la Bible ? Il y a celui qui annonce à Marie qu’elle va avoir un bébé. Vous vous souvenez de son nom ?  Gabriel. Lui aussi est un chef. Mais son boulot à lui, c’est d’annoncer les grandes nouvelles. Alors que Michel, c’est le chef de guerre. Il s’est débarrassé des géants, il arrive au secours de Gabriel qui annonce un grand message au prophète Daniel et il se bat contre le dragon. C’est aussi lui qui fait tournoyer l’épée et qui garde la porte du jardin d’Eden, de sorte que personne ne puisse y entrer. Il y a d’autres anges, comme Raphael, qui guérit, lui. Vous avez remarqué qu’ils ont tous un nom qui finit par « el » ? El, ça veut dire Dieu et tous sont des anges de Dieu, bien sûr.

Revenons à nos moutons, ou plutôt à nos dragons.
Il était une fois un dragon qui vivait tranquillement dans une immense caverne du côté de Babylone. Il ne s’intéressait pas du tout aux princesses, pas plus qu’aux princes. Franchement, une princesse, ça n’est pas bon à manger. Tandis que les moutons des villageois d’à côté étaient succulents. D’ailleurs, les villageois acceptaient bien volontiers ces petits piqueniques, parce que le dragon chassait aussi les loups et les ours qui auraient mangé bien plus de moutons que lui. Mais ils gardaient tous le secret du dragon. Ils ne voulaient pas que d’autres l’attirent chez eux pour les protéger des loups. C’est pour cela que l’existence de ce dragon est restée secrète jusqu’à aujourd’hui !

Bref, ce dragon vivait bien tranquille ; ce qu’il aimait par-dessus-tout, c’était regarder les étoiles parce que les étoiles lui racontaient des histoires. Eh oui, les étoiles racontaient des histoires en ce temps-là. Il y avait bien des dragons, alors pourquoi pas des étoiles qui parlent. D’ailleurs, elles ne parlaient qu’aux animaux, pas aux humains. C’est pourquoi certains humains passaient leurs vies dans des calculs très compliqués en observant le ciel, les étoiles et les planètes et en espérant arriver à déchiffrer leur message, justement. Et ce n’était pas simple, pas simple du tout. Il fallait être très fort en maths, avoir une bonne vue (pas de lunettes ni de télescopes à l‘époque). Le seul avantage qu’ils avaient, c’est l’absence d’électricité. Dans le vrai noir, on voit le ciel beaucoup mieux que dans le faux noir de nos nuits à nous.

Bref, ce dragon adorait les histoires que racontaient les étoiles ; et depuis quelques temps, elles racontaient toutes la même histoire : un bébé va naître, le roi du monde. Il va naître là-bas, en Judée. L’étoile préférée de Dieu va apporter le message, elle va montrer le chemin ! Chaque nuit, la même histoire, ce roi du monde et toutes les choses extraordinaires qu’il allait faire : supprimer la guerre, apporter la lumière. Rendez-vous compte, des étoiles qui parlent d’un bébé qui apporte la lumière ! on marche sur la tête. Des bébés, le dragon en avait déjà vu, quand il s’aventurait un peu trop près des villages pour croquer un mouton ou deux, ou trois.  Eh bien je peux vous dire une chose, ils ne brillaient pas ces bébés, mais pas du tout.

N’empêche, une nuit, quand l’étoile préférée de Dieu apparut, le dragon est resté bouche-bée. Elle brillait plus que tout au monde. Et elle bougeait. Oh, pas comme les autres, mais elle bougeait dans une direction bien précise.

– Hé, la grosse étoile toute brillante ! Tu me racontes une histoire ?

– Pas le temps dragon, pas le temps. Les savants de Babylone ont besoin de moi. Tous leurs calculs ne vont pas les conduire au bon endroit. Ils vont se tromper. Ils ont compris que le roi du monde va naître en Judée. Mais ils pensent qu’il va naître à Jérusalem, la capitale.
– Et ce n’est pas là qu’il va naître ?
– Non, c’est à Bethléem, un trou paumé. Parfois, je ne comprends pas le patron. Il a marmonné une histoire de prophétie, parlé d’un David. Bref, pas le temps, je suis pressée
– Je peux venir ?
– Oui, oui, tout le monde peut venir. Même les bergers. Le patron a chargé Gabriel de les prévenir.

Le dragon s’étire, prend son élan et s’envole. Il aurait pu suivre l’étoile sans mal mais un dragon sait toujours aller où il veut. Il est comme ça, un corps ambulant, avec des ailes, des écailles et tout le reste.

Il arrive bien avant l’étoile au lieu où campent les mages. Quel équipage ! Chameaux, chevaux, ânes, serviteurs…A ce train-là, ils vont arriver en retard. Moi je ne veux pas être en retard se dit le dragon qui vole plus vite que les grands aigles des montagnes. C’est comme ça qu’il arrive bien avant les mages à Bethléem. Et là, il se sent tout bête, il n’a pas demandé qui étaient les parents de ce bébé lumière. Heureusement, ses copines les étoiles, les ordinaires, celles de toutes les nuits, ses copines sont au courant. « C’est dans une étable, nous avons entendu Gabriel le dire aux bergers. »
Le dragon se rapproche tout doucement, mais pas trop et il écoute. Les dragons ont l’ouïe très fine, ils entendent bien mieux que nous. Il entend les cris du bébé. Il entend les bergers arriver. Ils parlent doucement, le bébé s’est endormi.

Mais tout à coup, un ange furieux se dresse devant lui. C’est Michel, le grand chef de guerre.

– Dragon, je vais te tuer. Et il brandit une épée éclatante de feu. On a même l’impression qu’elle tournoie !

Le dragon recule, effrayé ! C’est qu’elle est énorme cette épée. Elle est sûrement magique. Et puis, plus l’ange est fâché, plus il grandit. Et quand il déploie ses ailes, il devient presque plus grand que le dragon.
– Heu, je ne suis pas dangereux. Je ne fais de mal à personne. C’est à cause de l’étoile. Elle m’a raconté une histoire d’enfant lumière, de roi du monde, mais elle n’a pas eu le temps de finir. Et moi, j’aime les histoires, je voulais juste connaître la fin !
– C’est ça, gronde Michel ! Tu veux tuer l’enfant pour qu’il ne gagne pas la guerre contre le mal. Je t’écraserai avant. C’est le Seigneur Dieu qui m’a donné cette épée. Avec elle, je ne peux pas perdre. Je vais te découper en mille morceaux.
– Mais…je ne tue personne, enfin quelques moutons de ci de là, mais c’est juste pour manger hein !

Le dragon est à présent dos, enfin queue à un gros rocher. Il pourrait cracher du feu, mais le feu n’a pas l’air de gêner l’archange en furie qui tient une épée flamboyante dans ses mains.
– Bah, j’ai l’impression que je ne connaîtrai pas la fin de l’histoire ! se dit le dragon.

Heureusement, Gabriel est là aussi. Il avait suivi les bergers et il était resté et regardait, tout attendri, le bébé qui dormait dans la mangeoire. Attiré par les cris de Michel, il accourt pour le faire taire. Il ne s’agit pas de réveiller le petit. Il comprend la situation d’un seul coup d’œil et arrête le bras que Michel avait déjà levé pour terrasser le dragon.
– Arrête Michel, laisse-le.
– Gabriel, c’est un dragon et moi, les dragons, je les tue
– Je sais, je sais, mais ce n’est pas le bon dragon. Heu, je veux dire justement que c’est un bon dragon, un gentil dragon. Il n’enlève même pas les princesses.
– Un bon dragon, un bon dragon, ça n’existe pas les bons dragons grommelle Michel.
– Mais si, mais si, et celui-là, on en a besoin. Il fait froid, l’enfant a froid.
– Bon, bon, puisque tu le dis, mais moi, je ne suis pas responsable, hein ! Tu vas voir qu’il va le rôtir et le croquer, ton roi du monde. Et c’est toi qui apporteras la nouvelle au patron, hein !
– Allez, viens dragon. On a besoin de toi, rapproche-toi. Les bergers sont tous partis. Les parents se sont endormis. Mais il fait froid, trop froid pour l’enfant.

Alors le dragon passe sa tête par la porte de l’étable. Pas plus, il est trop gros. Et tout doucement, il souffle de l’air chaud sur le bébé qui ouvre ses yeux et lui sourit.
A cet instant, le dragon voit dans les yeux du nouveau-né toute la lumière du monde et comprend que ce n’est pas la fin de l’histoire, ce n’est que son commencement.

Cette histoire est vraie…pas le dragon, pas la dispute des anges, non, bien sûr. Mais la naissance du bébé, que vous avez tous reconnu, bien sûr. C’est Jésus !

Oui, la naissance du bébé, c’est le commencement d’une histoire vraie qui ne s’est pas encore terminée. Et nous tous, nous sommes des personnages de cette histoire que les étoiles n’ont pas fini de raconter.

Crédits : Anne Petit (EPUdF), Point KT, Pixabay