« Témoins de foi d’hier pour aujourd’hui » est une narration de la pasteure Emily HUSER (UEPAL) mettant en scène 7 témoins. Une figure biblique pourrait être ajoutée sur l’autel à chaque nouveau témoin (ou présenter un élément du culte : une Bible, un cierge, une icône, un cantique, etc…). Deux lecteurs au moins sont nécessaires pour cette narration, l’un pour les différentes situations mentionnées, l’autre pour les lectures bibliques.
Voix 1 : Aujourd’hui c’est dimanche. Les clochent sonnent dehors. La silhouette hésite à répondre à l’appel. Qu’est ce que cela pourrait bien faire ? Qui m’attend là-bas ? Qu’est ce que c’est une église ? Des bancs, souvent vides, un endroit poussiéreux avec un orgue ?
Témoin 1 : L’Eglise, c’est bien plus que cela. Ce sont des femmes et des hommes très différents. Dieu nous rassemble. Et toi, tu as une place parmi nous. Tu serais surpris de nous voir, tous très différents. Viens, approche … Fais quelques pas. Passe la porte et rejoins-nous.
Il fait froid dans la cellule de la Tour de Constance. Le soleil d’hiver pénètre entre les barreaux. Ici sont regroupés des ennemis du royaume de France : les femmes qui se disent protestantes. Une vingtaine de corps se pressent les uns contre les autres. On murmure, on veille. On tend l’oreille. La voix fatiguée de Marie Durand monte entre les murs. Elle qui est là depuis plus de vingt ans. Celle qui a perdu ses parents et son frère, qui n’a plus de famille à cause de sa foi, continue à croire en Dieu. Tous les soirs, sur ces genoux, une vieille Bible usée s’ouvre. Les mots du Seigneur pansent les blessures. Ils se glissent dans les âmes fatiguées d’attendre la liberté, dans les cœurs meurtris d’être séparés des siens, dans les bras à qui ont a arraché des enfants, des maris, des frères qu’on a envoyé aux galères et qu’elles ne reverront pas. La Parole du Seigneur, adressée au prophète Jérémie, s’élève et, malgré tout, redonne courage à tous ceux qui écoutent
« 15 Ainsi parle l’Éternel: On entend des cris à Rama, Des lamentations, des larmes amères; Rachel pleure ses enfants; Elle refuse d’être consolée sur ses enfants, Car ils ne sont plus. 16 Ainsi parle l’Éternel: Retiens tes pleurs, Retiens les larmes de tes yeux; Car il y aura un salaire pour tes œuvres, dit l’Éternel; Ils reviendront du pays de l’ennemi. 17 Il y a de l’espérance pour ton avenir, dit l’Éternel; Tes enfants reviendront dans leur territoire. » Jérémie 31 v15-17
Témoin 2 : Bien plus loin, loin de l’autre côté de la mer, loin dans les jeunes Etats-Unis, loin dans l’obscurité de la plantation de coton, loin des oreilles du Maître et des contremaîtres, au loin des voix noires chantent. Elles chantent l’espoir, la foi que le Seigneur les libérera. Elles sont chargées de la douleur des coups de fouets, de la fatigue du travail écrasant sous le soleil. Elles chantent la peine d’être prisonnier, un simple bien qui se vend ou s’échange – pas un homme, non Monsieur, un esclave. Pour eux, il n’y a pas d’autre liberté que la mort. Pourtant, la faible lumière de l’espoir brûle dans leurs cœurs : l’espoir d’un royaume de liberté. Dans la nuit de leur monde, montent les voix noires : (le conteur entonne a capella une strophe avant que l’orgue ne reprenne :
« Oh Freedom ! Oh Freedom ! Oh Freedom over me. And before I be a slave, i be burried in my grave. And go home, to my Lord and be free ! »)
Chant de l’assemblée : Alléluia 56-08
- Oh ! freedom ! oh ! freedom ! oh ! freedom over me !
But before I’d be a slave, I’ll be buried in my grave, and go home to my Lord and be free. - Vivre libre ! Vivre libre ! Vivre libre pour toujours !
Mais avant d’être affranchi, je serai enseveli Et j’irai au pays de la Vie.
Témoins 3 : Il y’a peu de lumière. Ils se terrent bien au fond de la cahute. Dehors, un grand soleil brille mais c’est bien trop dangereux de sortir. L’ennemi les verrait de l’autre côté des tranchées. Hier, un camarade est tombé alors qu’il cherchait de l’eau, à dix mètres de la ligne. Un mort de plus. On ne les compte plus. Voilà bien deux années que la guerre fait rage dans l’Europe dévastée. La guerre mondiale. La première du genre. Elle avale des milliers d’hommes sans aucun répit. En ce dimanche de l’été 1919, ceux qui se regroupent autour de l’aumônier militaire n’aspirent plus qu’à une chose : sortir de ce tas de boue, de sang et d’armes, pour retrouver les leurs, leur famille et la paix. Peu importe qu’on ait été baptisé, qu’on soit protestant ou catholique, tous s’approchent de la faible lumière. Ils n’ont pas la conscience tranquille. La guerre les a trop éprouvés. Ils ont du sang sur les mains, pour la patrie, pour la nation. Leurs nuits ne sont que des veilles et bien trop de cauchemars les habitent pour qu’ils dorment vraiment alors qu’ils ne veulent que retrouver leurs usines, leurs champs et leur vie d’avant la guerre. Pour ce qu’il reste d’eux, pour chacun, Dieu proclame, par la voix du prophète Esaïe :
« Prophétie d’Esaïe, fils d’Amos, sur Juda et Jérusalem. 2 Il arrivera, dans la suite des temps, Que la montagne de la maison de l’Éternel Soit fondée sur le sommet des montagnes, Qu’elle s’élèvera par-dessus les collines, Et toutes les nations y afflueront. 3 Des peuples s’y rendront en foule, et diront: Venez, et montons à la montagne de l’Éternel, A la maison du Dieu de Jacob, Afin qu’il nous enseigne ses voies, Et que nous marchions dans ses sentiers. Car de Sion sortira la loi, Et de Jérusalem la parole de l’Éternel. 4 Il sera le juge des nations, L’arbitre d’un grand nombre de peuples. De leurs épées, ils fabriqueront des socs de charrue et de leurs lances des serpes: Une nation ne tirera plus l’épée contre une autre, Et l’on n’apprendra plus la guerre.5 Maison de Jacob, Venez, et marchons à la lumière de l’Éternel! » (Esaïe 2 v1-5)
Témoin 4 : Les gendarmes surveillent le camp de réfugiés comme si c’était une prison. Ils sont trop. Trop nombreux, de trop de pays, de trop loin pour les y renvoyer ou pour les supporter. Comme si la misère du monde se déversait dans ces camps d’exilés. Partout des tentes de bric et broc, des abris de fortunes. Parmi elle, une se dresse plus hautes que les autres. Des bouts de bois, des sachets, des vieux bouts de tissus, tout ce que les autres ont jetés. Patiemment collectés, récupérés dans les déchets, soigneusement rassemblés et bricolés, ils forment la meilleure tente du camp. Autour, certains dorment par terre, sur le sol gelé l’hiver, le goudron brûlant l’été. Mais le Seigneur lui dort sous une tente. Dans la pénombre brillent toujours de petites lumières. Des petits bouts de bougies sont toujours allumés. De fragiles flammes bercent le Seigneur. Dans son cadre doré, un Jésus sombre veille de ses traits doux. L’icône a fuit avec les hommes. Lui aussi est un clandestin. Cachée sous une veste, au fond d’un sac, il a passé les frontières. Comme ces hommes, il a échoué ici. Il veille dans la pénombre. La faible lumière de Dieu tremblote dans la nuit et donne faiblement espoir.
Personne ne veut d’eux. Il n’y a pas de place pour eux . Pas de lieu où dormir, où se réfugier. Chaque fois qu’ils toquent à un refuge, à une porte, on leur répond : pas de place ! Rentrez chez vous !
Chez eux, c’est si loin … Au delà de la mer, derrière d’autres frontières, c’était chez eux. Là ils ont fuit la guerre et la misère. La violence et la faim. On leur a dit « c’est mieux là-bas …Ça ira mieux en Europe. » Là-bas c’était les ténèbres, les coups, les églises incendiées, la liberté piétinée. Là-bas pour certains c’était la guerre. Pour d’autre, là-bas, il y’avait la famine. Travailler sans arriver à nourrir les siens. La guerre et la mort. On leur a dit « Ça ira mieux en Europe … ». Peu importe leurs raisons, ils ont tout abandonné : maison, famille, amis.
Et finalement, ça ne va pas mieux en Europe. Dans la pénombre, et le froid, l’un après l’autre, ils rentrent dans la tente pour rencontrer Dieu. Les lèvres murmurent dans toutes les langues les mêmes peines : la douleur de perdre les siens, d’être loin de chez soi. Les corps fatigués disent en silence l’horreur de l’exil. Les bras tombent de fatigue d’avoir porté les morts, d’avoir à mendier pour un peu de pain. Là-bas, dans la lueur tremblante des bougies, ils parlent à Dieu. Sur l’icône, le doux regard de Jésus leur sourit comme pour leur dire : « Je suis né dans une étable. Pour moi non plus, ils n’avaient pas de place … ».
Là, pour ces étrangers, la Bible ouverte parle pour eux … parle pour nous : « En ce temps-là, Jésus prit la parole, et dit: (…) 28 Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. » (Mathieu 25.28)
Témoin 5 : « May God be with you and bless you. May you see your children’s childrens” L’accent irlandais déforme l’anglais du vieux prêtre mais cela ne gêne pas l’assemblée. C’est l’accent d’ici. Tous dans la petite église de Kinsale sourient. Le mariage est beau. Deux jeunes gens s’unissent devant Dieu. Oui, que le Seigneur soit avec eux et les bénissent et qu’ainsi ils vivent assez longtemps pour voir les enfants de leurs enfants. Aujourd’hui, c’est la fête à l’église pour ce couple tout neuf. Et Dieu se réjouit avec eux.
Comme Paul le disait aux croyants de Corinthe : 1 J’aurais beau parler toutes les langues de la terre et du ciel, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante. 02 J’aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, et toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. (…) 04 L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; (…) 07 il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. 08 L’amour ne passera jamais. (1 Corinthiens 13)
Témoin 6: La femme allongée dans ce lit d’hôpital n’a même plus la force de lever un bras. Les années sont si longues qu’elle en a oublié son âge. Tant d’années vécues, joies et peines, efforts et déceptions. Elle a déjà perdu des enfants et vu en grandir d’autres. Aujourd’hui, les journées s’étirent en longueur et les heures en éternité. Le corps ne suit plus. La tête aussi s’embrouille peu à peu. Il n’y a plus rien d’autre à faire que d’attendre, d’attendre jusqu’à ce que le temps s’achève. Il ne reste plus que des bribes de souvenirs d’un temps ancien dont elle seule se souvient encore. Un temps où on parlait encore en alsacien. Où on chantait en allemand. Où l’électricité était un luxe. Le temps d’antan. Elle revoit l’église du village, les habitants vêtus des jolis vêtements qu’on ne mettait que le dimanche. Dans son âme, elle y retourne. Elle s’assoit dans le banc et chante avec les autres :
Chant de l’assemblée : So nimm denn meine Hände Arc609
- So nimm denn meine Hände / und führe mich bis an mein selig Ende / und ewiglich.
Ich mag allein nicht gehen, / nicht einen Schritt: wo du wirst gehn und stehen, / da nimm mich mit. - Que ta main me dispense Joie ou douleur, Paisible en ta présence, Garde mon coeur.
Je ne sais qu’une chose, Moi, ton enfant : Dans ta main je repose, Calme et confiant.
Témoin 7 : Le jeune homme essaye de ne pas trop bouger mais le vêtement tout neuf le gratte. Exactement au milieu du dos. Le costume est un peu trop grand et la ceinture trop serrée mais sa mère a dit qu’il pourrait le remettre encore un moment. Il a l’air d’un homme là-dedans, plus d’un petit garçon. Le pasteur l’appelle. Devant tout le monde, il se redresse fièrement. Aujourd’hui, c’est son moment. Son moment devant Dieu et toute sa famille. L’église du village est pleine de monde pour la confirmation. Le jeune garçon s’incline. Il s’agenouille en veillant à ne pas tomber. Sur sa tête se pose la main du pasteur :
« Voici, ce que te dis le Seigneur : Oui, avant tu étais dans la nuit, mais maintenant tu es unis au Seigneur. Tu es dans la lumière. Vis comme un enfant de lumière. Ce que la lumière produit c’est toute action bonne, juste et vraie. » (Eph. 5 v8+9 adapt.)
Témoin 8 : Il obéit au gardien. En prison, tout est réglementé, minuté, ordonné. Plus rien ne vous appartient, pas même le temps. On décide de tout pour vous. Le détenu baisse la tête. Ce traitement, il l’a mérité. C’est sa punition pour ce qu’il a fait. Et rien ne pourra réparer. Rien. Il marche lentement, calant son pas sur celui des matons. Ils vont à la chapelle pour l’office. On y parle de Dieu et de pardon mais le prisonnier doute que ce soit encore pour lui. Ce qu’il a fait est bien trop grave. Même ici, les autres détenus le jugent. Lui, ne vient que parce que cela change un peu du quotidien, que pour un peu de temps, il n’est pas tout seul dans sa cellule. Le seul intérêt, c’est de sortir de ses quatre murs pour en trouver d’autre, à peine plus grands. Le pasteur s’avance. Il dit les paroles consacrées. Le détenu écoute sans vraiment comprendre. Le pardon c’est pour les gens bien, pas pour les criminels comme lui. Mais soudain, on lui parle à lui. On parle des criminels, de ceux qui méritent la mort. Comme lui.
« 9 L’un des malfaiteurs crucifiés à côté de Jésus l’injuriait, disant: N’es-tu pas le Christ? Sauve-toi toi-même, et sauve-nous! 40 Mais l’autre le reprenait, et disait: Ne crains-tu pas Dieu, toi qui subis la même condamnation? 41 Pour nous, c’est justice, car nous recevons ce qu’ont mérité nos crimes; mais celui-ci n’a rien fait de mal. 42 Et il dit à Jésus: Souviens-toi de moi, quand tu viendras dans ton règne. 43 Jésus lui répondit: Je te le dis en vérité, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis.
Voix 1 : Voilà maintenant, l’Eglise m’attend. Elle est là, rassemblée ici. Ces femmes à qui ont a arrachés leurs enfants puis jetées en prison parce qu’elles étaient huguenotes, ces esclaves fouettés, ces gens qui n’ont que Dieu pour abri. Ici, il y’a une place pour moi, avec cette grand-mère qui se meurt, ce prisonnier qui n’a que Jésus comme espoir. Ici, je souris à ce confirmand si nerveux et à ces amoureux qui se sont dit » oui ». Ils sont tous ici. J’avoue que tout ne me plaît pas. Certaines paroles m’attristent, d’autres me déplaisent. Mais je comprends bien que ce qui compte au final, c’est que cela lui plaise à Lui, à lui, Notre Père. C’est lui qui choisit et accueille chacun de nous, ses témoins mais aussi ses enfants.
Enfin, il y’a une place pour moi. Moi comme je suis. Moi pas mieux que les autres, moi qui fait aussi partie de ceux que Dieu choisit. Ma voix s’ajoute à toutes celles qui ont déjà prié Dieu. Les quatre murs de ma petite église s’agrandissent pour devenir celle de Dieu. Elle est plus grande que mon cœur, plus grande que mon temps. Je suis là avec eux. Voulez vous rester avec nous ? Faire partie de notre Eglise ?
Crédits : Emily HUSER, (UEPAL) – Point KT