Nous remercions Hervé OTT de l’Institut Européen Conflits Cultures Coopérations, situé à Millau, qui a mis à disposition plusieurs articles (voir en fin d’article) pour nous aider à mieux comprendre nos sentiments et émotions, le fil rouge de nos mises en ligne de cette année.
Pour plus d’informations veuillez voir sous : http://ieccc.org
Les besoins de la personne (Hervé Ott, IECCC, tous droits réservés)
On distingue deux grandes catégories de besoins chez l’être humain.
Des besoins physiologiques, tels que l’alimentation, la reproduction, le repos et le territoire. On trouve ces besoins dans le monde animal et en partie dans le monde végétal. Il s’agit de dimensions qui rendent la vie possible.
À ces besoins basiques se sont superposé ce qu’on appelle des besoins « psychologiques ». Quand on évoque ce thème, c’est souvent l’image de « la pyramide de Maslow » qui est citée. Abraham Maslow a différencié des besoins de sécurité, d’appartenance, d’amour, d’autonomie et de réalisation/créativité, qu’il a hiérarchisé sous forme de pyramides en postulant que tant que le besoin de sécurité n’est pas satisfait, il y a impossibilité de satisfaire les autres. Maslow a eu l’intuition qu’il y a une hiérarchie des besoins, mais l’histoire montre que même dans les pires conditions d’insécurité (camps de concentration, torture) des personnes ont pu accéder à la satisfaction des autres besoins. La « Process Communication » de Taïbi Kahler a mis en évidence ce processus de hiérarchisation des besoins par chaque individu, en fonction de son histoire, lequel produit des « tempéraments » différents. Cette hiérarchisation évolue en fonction du développement de la personne. (v. G. Collignon, Comment leur dire, la Process Communication, InterEditions 2003). En outre, Maslow a défini ces besoins comme « besoin de combler un manque ». E. Fromm au contraire les a définis comme besoins existentiels « pleins ».
Selon les écoles, il y a différentes dénominations de ces besoins.
Pour ma part je distingue les besoins
– d’amour, lié à la fonction maternelle, satisfait par tout ce qui est de l’ordre du « contact » par la peau (caresses, massages, sexualité), par l’alimentation, l’hospitalité, etc. où il s’agit de l’acceptation de l’être en tant que tel ;
– de reconnaissance (re-naître-avec), lié à la fonction paternelle, satisfait dans la distance par l’écoute et le regard, où il s’agit de l’appréciation du faire, du comportement ;
– de sécurité, lié au cadre familial d’abord, puis territorial. Il concerne aussi bien le corps, l’esprit que les biens, dans le présent et l’avenir ;
– d’autonomie, souvent appelé de « liberté » qui n’en est qu’un aspect avec la « contrainte ». L’adolescence marque une exacerbation de ce besoin. Il est très lié à tout ce que touche la responsabilité, le pouvoir, la prise de décision ;
– d’orientation (qui peut aussi être considéré comme une sous-catégorie du besoin de sécurité) et concerne le rapport aux règles, aux lois, aux valeurs, au sens de la vie ;
– de créativité, de dépassement/réalisation de soi et donc de rapport à la transcendance.
La satisfaction de ces besoins est la source de la « motivation ».
Les besoins doivent être satisfaits pour donner à la personne une « motivation » qui est la dynamique de la vie. Cette satisfaction peut être réalisée différemment, selon les personnes et leur histoire. Si j’ai soif, ce qui correspond à un besoin physiologique, je peux étancher cette soif avec de l’eau, une tisane, ou une autre boisson gazeuse, fruitée, etc. Chaque personne a besoin d’amour et pourtant pour les unes il faudra plus de contact physique, d’autre plus de cadeaux ou encore plus de paroles d’amour. Ce qui permet de dire que si les besoins doivent être satisfaits, on peut en négocier les modalités de satisfaction. À la différence des émotions qui doivent être entendues, respectées, la satisfaction des besoins est négociable.
La frustration de ces besoins engendre des « peurs ».
Ces peurs, ces frustrations, sont provoquées dans l’instant par un regard, une parole, une attitude d’un tiers ou par une situation et elles se manifestent par une émotion de colère, de peur, de honte, de dégoût ou de tristesse. En ce sens les émotions sont les signaux donnés par notre corps dès qu’un besoin a été frustré (colère, peur…) ou satisfait (joie). Ces peurs peuvent réactiver des frustrations vécues dans la très petite enfance et enkystées (on parle alors de « complexes »), lesquelles ont dû être dépassées par des processus d’adaptation inconscients qu’on appelle « mécanismes de défense ». En général, ces mécanismes de défense, enclenchés par une peur, renforcent la peur et nous éloignent encore plus de la satisfaction du besoin. Par contre, si nous créons nos propres « outils de protection », nous pouvons retrouver la satisfaction de nos besoins fondamentaux (cf. Colette Portelance, Relation d’aide et amour de soi, Les éditions du Cram Inc, 1998, p. 314 ss.).
Ces « outils de protection », conscients, sont élaborés à partir de nos expériences (quand j’ai vécu telle peur, j’ai fait intuitivement telle chose qui m’a permis d’obtenir une satisfaction au lieu de retomber dans mon vieux schéma inconscient) et nous permettent la satisfaction de nos besoins.
On peut nommer chaque peur, correspondant à chaque besoin frustré :
– au besoin d’amour correspondent des peurs d’abandon, de séparation, de deuil
– au besoin de reconnaissance correspondent des peurs de rejet, d’exclusion
– au besoin de sécurité correspondent des peurs d’agression, de jugement, d’envahissement,
– au besoin d’autonomie correspondent des peurs de contrôle,
– au besoin d’orientation correspondent des peurs de perte des repères,
– au besoin de créativité, transcendance, correspondent des peurs d’aliénation.
Besoins fondamentaux |
Peurs fondamentales |
Mécanismes de défense |
Amour Chaleur, amabilité, douceur tendresse, accueil, gentillesse, sourire |
Abandon Indélicatesse, insensibilité froideur, bouderie, séparation, deuil |
Pleurer, se replier sur soi, être jaloux s’attacher fusionnellement à une personne ou à un groupe |
Reconnaissance Bienveillance, respect, attention, écoute, humilité, encouragement |
Rejet Jugement, accusation, critique, non-respect, arrogance, suffisance, exclusion, supériorité |
Se dévaloriser, manquer de confiance en soi, dévaloriser les autres, être dépendant du regard des autres |
Sécurité Sérénité, douceur, calme, maîtrise son émotion |
Agression, envahissement Violence, agressivité, provocation, destruction, énervement, fureur |
Agresser les autres, tenir des propos racistes, intolérants |
Orientation Ouverture, franchise, confiance, sincérité |
Perte de repères Hypocrisie, dissimulation, mensonge, fourberie, pessimisme, vulgarité |
Intransigeance, rigidité, intégrisme, moralisme |
Autonomie, indépendance Liberté, autorité, responsabilité, assurance humour, joie, gaieté, spontanéité, fantaisie |
Contrôle Autoritarisme, dépendance, perte de liberté, directivité, surprotection |
Ruer dans les brancards, refuser les règles, provoquer Se soumettre Réglementer à outrance |
Créativité, transcendance Dépassement, dynamisme, enthousiasme, ouverture d’esprit |
Aliénation Dogmatisme, rigidité, doctrine, péremptoire, sentence, réducteur, enfermement, passivité, mort |
Passivité, toute puissance, refus de la nouveauté, recherche de solutions définitives |
Les besoins et les peurs aux sources de la sympathie et de l’antipathie.
Dans la rencontre, il y a des « perceptions » inconscientes qui provoquent des attirances ou des répulsions, sources des phénomènes de sympathie et d’antipathie. Comme il s’agit de perceptions, il nous est formellement impossible de porter un jugement sur ce que sont ces personnes. Ces perceptions nous parlent de notre sensibilité et peut-être serons-nous amené-e-s à d’autres perceptions en connaissant mieux ces personnes.
Accéder aux différents articles
Les émotions dans la Bible 1 : La honte
Les émotions dans la Bible 2 : La peur
Les émotions dans la Bible 3 : La colère
Les émotions dans la Bible 4 : La tristesse
Les émotions dans la Bible 6 : Compassion et solidarité