Analyse historique : comment je peux tenir compte, dans ma lecture du texte biblique, de l’événement historique, et toujours du point de vue historique, de la situation de l’auteur et des destinataires du texte ? Exemple avec la mort de Jésus.
Les héritiers de Paul racontent la mort de Jésus
La mort de Jésus de Nazareth est, sans aucun doute, un fait historique. Il fut crucifié sous l’autorité du gouverneur romain Ponce Pilate. Néanmoins l’époque, plus tardive, où l’évangéliste Luc a rédigé son récit influence également le texte biblique.
L’évangile de Luc est issu des milieux pauliniens. Cette analyse historique tient compte de deux niveaux :
– celui de l’époque où l’évangéliste a rédigé son texte
– celui des évènements racontés.
Situation historique au temps de Luc
Le plan du texte
Le découpage peut se faire d’après les trois paroles de Jésus.
1. Jésus est mis sur la croix
Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font.
2 Deux malfaiteurs parlent à Jésus
En vérité je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis.
3. Jésus meurt
Père, je remets ma vie entre tes mains.
Jésus est cloué sur une croix
Luc 23, 33 à 49 (traduction en français fondamental) |
Eléments historiques relatifs à l’époque où Jésus est crucifié |
Ils arrivent à l’endroit appelé « le crâne ». Là, les soldats clouent Jésus sur une croix. lis clouent aussi les deux bandits, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche. Jésus dit : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Les soldats tirent au sort pour savoir qui aura ses vêtements. Puis, ils les partagent entre eux. Le peuple est là et il regarde. | Croix Instrument de supplice cruel car le condamné meurt lentement d’asphyxie. Seuls les Romains crucifient. Jésus a été condamné par les Romains. |
Les chefs des juifs se moquent de Jésus en disant : « Il a sauvé les autres. Eh bien, il n’a qu’à se sauver lui-même, s’il est vrai¬ment le Messie, celui que Dieu a choisi ! » Les soldats aussi se moquent de Jésus. Ils s’approchent de lui et lui offrent du vinaigre en disant : « Si tu es le roi des juifs, sauve-toi toi-même ! » Au-dessus de Jésus, on a mis une pancarte avec ces mots : « C’est le roi des juifs. » | Pancarte L’inscription INRI figurant sur la représentation de la croix s’inspire de l’évangile de Jean : Iesus Nazarenus Rex Iudaecrum (Jésus de Nazareth Roi des juifs). Elle désigne une condamnation plus politique que religieuse. |
Deux malfaiteurs parlent à Jésus
Un des bandits cloués sur une croix insulte Jésus en disant : « Tu dis que tu es le Messie. Alors sauve-toi toi-même et sauve-nous aussi ! » Mais le deuxième bandit fait des reproches au premier en lui disant : « Tu es condamné à mort comme cet homme, et tu ne respectes même pas Dieu. Pour toi et moi, la punition est juste. Oui, nous l’avons bien méritée, mais lui, il n’a rien fait de mal ! » Ensuite il dit à Jésus : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras comme roi. » Jésus lui répond : « Je te le dis, c’est la vérité, aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis. » | Bandits Les romains crucifient souvent beaucoup de personnes en même temps. |
Jésus meurt
Quand il est presque midi, le soleil s’arrête de briller. Dans tout le pays, il fait nuit jusqu’à trois heures de l’après-midi. Le rideau qui est dans le Temple se déchire au milieu, en deux morceaux. Jésus pousse un grand cri, il dit : « Père, je remets ma vie dans tes mains. » Et après qu’il a dit cela, il meurt. L’officier romain voit ce qui est arrivé, et il dit : « Gloire à Dieu ! Vraiment, cet homme était un juste ! » Beaucoup de gens sont venus pour voir ce spectacle. Ils voient ce qui est arrivé. Alors, tous rentrent chez eux ; pleins de tristesse. Tous les amis de Jésus et les femmes qui l’ont accompagné depuis la Galilée se tiennent assez loin. lis regardent ce qui se passe. | Rideau Il isole le Saint des Saints. Seul le grand prêtre a le droit d’y pénétrer une fois par an. Lorsque Luc écrit, le Temple est détruit, mais Pour lui ceci n’est pas une catastrophe : depuis la mort de Jésus, le bâtiment sacré n’est plus nécessaire pour vivre avec Dieu. |
Influence d’une situation historique
Les problèmes des lecteurs de Luc : comment le crucifié peut-il être Dieu ?
Pour expliquer l’échec terrestre du ministère de Jésus, le rédacteur de l’évangile de Luc, issu de ces milieux, présente Jésus en martyr injustement condamné comme le fut jadis le serviteur souffrant décrit par le prophète Ésaïe.
Dans chaque partie, l’évangéliste place un témoignage prouvant le martyr injuste de Jésus. II prend soin de montrer qu’il existe des païens hostiles (v. 36-37, 1re partie) et des païens ouverts (v. 47, 3e partie). Les chefs méprisent Jésus et le peuple reste à convaincre (v. 35c, 1re partie). Le peuple pourrait se montrer favorable à Jésus et les amis du Seigneur le suivent jusqu’au bout (v. 48 et 49, 3e partie).
La seconde partie du texte biblique présente clairement le dilemme :
– soit se moquer de la croix comme les personnages de la première partie et le premier bandit.
– soit reconnaître le Christ comme les personnages de la seconde partie et le second bandit.
Pour les lecteurs de Luc, c’est l’heure du choix
Partie 1 | Les soldats tirent au sort Le peuple regarde : respect La victime de l’injustice pardonne |
CHOIX Rire de la folie de la croix ou se convertir ? Indétermination: indifférence des soldats et respect, sans plus, du peuple |
Partie 2 | Les soldats se moquent Dérision d’un des brigands Reproche du deuxième brigand La victime de l’injustice reconnue par le témoignage des brigands Demande du brigand à Jésus La conversion entraîne l’entrée immédiate dans le Royaume |
CHOIX Rire de la folie de la croix ou se convertir ? Moitié/moitié : un brigant se convertit l’autre non. |
Partie 3 | Les éléments cosmiques se manifestent Le temple connaît un ébranlement La victime de l’injustice reconnue par le témoignage de l’autorité L’officier païen s’ouvre au message de Jésus(contrairement aux soldats) |
CHOIX Rire de la folie de la croix ou se convertir ? Le choix est clair : les éléments cosmiques et l’autorité choisissent la conversion. |
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Dossier préparé par Claude Demissy et Évelyne Schaller / PointKT n° 45 mars-avril-mai 2004