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L’ascension d’Elie (2 Rois 2)

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ImageEn tant qu’histoire, le récit de l’ascension d’Elie n’est pas difficile à lire ou à raconter. Et pourtant il est –et reste– mystérieux à bien des égards.
Quel est ce char de feu qui enlève le prophète dans le ciel? A quoi rime l’attitude d’Elie, qui par trois fois essaie de renvoyer Elisée? Une mise à l’épreuve de la motivation de son disciple, ou la demande que celui-ci accepte son départ? Et pourquoi Elisée répond-t-il sèchement aux fils de prophètes, comme s’il était de mauvaise humeur, ou contrarié par quelque chose? Le manteau d’Elie est-il une sorte d’objet magique, capable par exemple de séparer les eaux du fleuve? Est-il le signe d’autre chose, d’une force qui peut revêtir un être humain, l’envelopper, le protéger?

Lire un texte biblique, notamment pour le raconter, ce n’est pas chercher à expliquer tout ce qui peut nous sembler bizarre ou incompréhensible. Ce n’est pas remplacer les questions par des réponses. Ce n’est pas remplir les zones d’ombre du texte par des descriptions détaillées. Mais rester à l’écoute de ce qui nous paraît étrange, mystérieux. Ainsi nous pouvons laisser résonner une parole qui reste insaisissable parce qu’elle ne vient pas de nous. Et elle ne cesse alors de parler à notre cœur et à tout notre être.

Proposition de narration

Notes sur le texte      

Voici ce qui arriva quand le SEIGNEUR fit monter Elie au ciel dans la tempête. Elie et Elisée quittaient Guilgal.      

Il ne s’agit pas ici du Guilgal qui se trouve près du Jourdain, à l’est de Béthel, mais d’un lieu qui porte le même nom, dans la montagne.    

Elie dit à Elisée : « Reste ici, je t’en prie, car le SEIGNEUR m’envoie jusqu’à Béthel. » Elisée répondit : « Par la vie du SEIGNEUR et par ta propre vie, je ne te quitterai pas ! » Et ils descendirent à Béthel.    

Elie semble vouloir se « décoller » d’Elisée. Elisée, lui, ne peut envisager d’être séparé d’Elie.             

Les fils de prophètes, qui étaient à Béthel, sortirent vers Elisée et lui dirent : « Sais-tu qu’aujourd’hui le SEIGNEUR va enlever ton maître dans les airs au-dessus de ta tête ? » Il répondit : « Je le sais moi aussi; taisez-vous !»  

L’expression « fils de prophètes » ne désigne pas des enfants de prophètes. Il peut s’agir soit d’un groupe de prophètes adeptes de phénomènes de transe collective, soit, plus simple­ment, de partisans du prophète Elisée.        

Elie lui dit : « Elisée, reste ici, je t’en prie, car le SEIGNEUR m’envoie à Jéricho. » Il répondit : « Par la vie du SEIGNEUR et par ta propre vie, je ne te quitterai pas ! » Et ils arrivèrent à Jéricho. Les fils de prophètes qui étaient à Jéricho s’approchèrent d’Elisée et lui dirent : « Sais-tu qu’aujourd’hui le SEIGNEUR va enlever ton maître dans les airs au-dessus de ta tête ? » Il répondit : « Je le sais moi aussi; taisez-vous !»   

Une deuxième, puis une troisième fois, Elie demande à Elisée de ne plus le suivre. A chaque fois, Elisée refuse catégoriquement.     

 Elie lui dit : « Reste ici, je t’en prie, car le SEIGNEUR m’envoie au Jourdain. » Il répondit : « Par la vie du SEIGNEUR et par ta propre vie, je ne te quitterai pas ! » Et ils s’en allèrent tous deux. Cinquante d’entre les fils de prophètes allèrent se placer en face du Jourdain, à distance d’Elie et d’Elisée qui s’arrêtèrent tous deux près du fleuve.    

L’itinéraire suivi par Elie l’amène au seuil du pays d’Israël.L’enlèvement du prophète aura lieu de l’autre côté du Jourdain, après un mouvement de séparation et de traversée du fleuve.          

Alors Elie enleva son manteau, le roula et en frappa les eaux, qui se séparèrent. Ils passèrent tous deux à pied sec.       

L’acte d’Elie rappelle le geste de Moïse et le passage de la mer en Exode 14, ainsi que la traversée du Jourdain en Josué 3.      

Comme ils passaient, Elie dit à Elisée : « Demande ce que je dois faire pour toi avant d’être enlevé loin de toi ! » Elisée répondit : « Que vienne sur moi, je t’en prie, une double part de ton esprit !»  

On en vient au fait : Elie et Elisée s’expliquent enfin.

Il dit : « Tu demandes une chose difficile. Si tu me vois pendant que je serai enlevé loin de toi, alors il en sera ainsi pour toi, sinon cela ne sera pas. »

Le texte semble suggérer qu’il faut voir le départ, ouvrir les yeux sur la séparation pour que l’esprit soit transmis

Tandis qu’ils poursuivaient leur route tout en parlant, voici qu’un char de feu et des chevaux de feu les séparèrent l’un de l’autre; Elie monta au ciel dans la tempête. Quant à Elisée, il voyait et criait : « Mon père ! Mon père ! Chars et cavalerie d’Israël ! » Puis il cessa de le voir. Il saisit alors ses vêtements et les déchira en deux.

Description mystérieuse : Elie est enlevé d’une manière qu’on ne peut se représenter autrement que par une image de tourbillon, de puissance et de feu, le séparant d’Elisée.Geste de deuil, le geste d’Elisée manifeste aussi la séparation accomplie.

Il ramassa le manteau qui était tombé des épaules d’Elie, revint vers le Jourdain et s’arrêta sur la rive. Il enleva le manteau qui était tombé des épaules d’Elie et en frappa les eaux en disant : « Où est le SEIGNEUR, le Dieu d’Elie ? » Lui aussi frappa les eaux : elles se séparèrent et Elisée passa.

Comme le bâton de Moïse, le manteau d’Elie est un objet chargé de puissance. Signe de l’esprit de Dieu pouvant revêtir une personne, il est fait pour être porté par quelqu’un.

Les fils de prophètes, ceux de Jéricho, qui l’avaient vu d’en face, dirent : « L’esprit d’Elie repose sur Elisée. » Ils vinrent à sa rencontre, se prosternèrent devant lui jusqu’à terre […]

Elie qui n’est plus là, ni vivant ni mort : il est « ailleurs », dans la dimension de Dieu. Mais son esprit est sur Elisée, son successeur.

(Crédit : Nicolas Künzler)